Emma Watson : « Je ne vois pas le rapport entre le féminisme et mes seins »

[LoveSalander]

@Juda Bricot Je suis désolée mais je pense que je dois mal m'exprimer parce que que tu saisis pas bien mes messages donc je répondrais une dernière fois. En aucun cas je dénonce ces artistes, que j'aime beaucoup pour la plupart, c'est une réelle interrogation que j'ai. Elle parait peut-être contradictoire parce que finalement tout ça l'est un peu. On nous dit de ne pas exister seulement en étant qu'un corps et on nous dit aussi d'en faire ce qu'on veut. D’où mes interrogations sur ou est la "limite"... Mais en aucun cas je dis que ce qu'elles font c'est le mal etc... comme je l'ai dit j'ai aussi grandis devant mtv et consort et ça n'a en rien influencé ma façon de m'habiller. Je n'ai pas dis que c'est parce qu'elles ont un corps répondant aux critères de beauté que du coup c'est de la provocation, ça peut être un coup de pied ou une réponse aux injonctions, comme je l'ai dit c'est subjectif. Ce que j'ai dit par contre c'est qu'en très grande partie, les corps montrés correspondent très souvent aux canons de beauté actuels et qu'il y a un réel manque de diversité.
Donc oui les femmes doivent pouvoir faire ce qu'elles veulent de leur corps mais si c'est juste du marketing pour vendre non je comprends pas parce qu'on rentre dans le jeu du patriarcat.

 

[PetitePaille]

@Anna Stesia
Oui je suis d'accord sur le point que certains riches sont moins bien considérés que d'autres. Certains méprisent même les nouveaux riches parce qu'ils n'ont pas la "classe" des vieilles familles bourgeoises. Je crois que Mitterand avait ce genre d'idées si je ne me trompe pas.
Je comprends mieux ce genre d'exemples. J'avais juste tiqué sur le caractère bling-bling du patron LVMH puisqu'il a l'air d'être assez discret notamment dans sa manière de s'habiller en tout cas.

Pour moi en tout cas, je pense qu'il faut se fier à la définition strict du terme bling bling. Si un homme porte une rolex pour montrer qu'il a une montre de luxe, je le classerais dans la catégorie mec bling bling autant qu'un rappeur avec sa chaîne en or, de même pour la personne avec un bracelet Cartier (je ne vois pas à quoi ca ressemble mais je te fais confiance).
Je pense qu'on parle souvent du rappeur ou du footballeur bling-bling car c'est un peu un cliché, ou il y a de l'étalement de richesse de tous les côtés. D'ailleurs pour que qqn soit classé de bling-bling, il faut une volonté' que ce soit médiatisé donc une star qui porte une marque apparente et qui finit en une de Voici sera bling-bling, en revanche les femmes bourgeoises, épouses d'hommes d'affaires francais, même si elles ont de l'argent seront beaucoup moins prises en photo voire pas du tout donc on parlera pas de bling-bling.

 

[helvira]

@Euphrosyne Merci pour ces photos de charmants messieurs. Clairement plus sexualisés que la photo d'Emma Watson, mais bien décoratifs quand même. Oui c'est vrai c'est réducteur et sexiste comme commentaire, mais que voulez-vous : une femme est une femme, on ne change pas la nature d'un être humain, fallait pas qu'ils s'exhibent comme ça s'ils voulaient qu'on les respecte.
Ok je sors.

 

[Manea]

Donc oui les femmes doivent pouvoir faire ce qu'elles veulent de leur corps mais si c'est juste du marketing pour vendre non je comprends pas parce qu'on rentre dans le jeu du patriarcat.

Je ne suis pas persuadée que ça fasse "le jeu du patriarcat" en fait... Parce que le patriarcat donne surtout une injonction à se sexualiser pour plaire aux hommes là où beaucoup de ces artistes le font pour parler de leur propre sexualité et de leurs désirs à elles, chose que, dans nos société modernes, on est plutôt supposées cacher pour ne pas se retrouver dans le rôle honni de "la salope". Donc même si c'est un choix marketing choix marketing (mais qui peut dire si le choix d'une artiste relève du pur plan marketing ou de sa démarche personnelle ? Personne à part elle et les gens qui bossent sur ses projets, donc certainement pas nous), si ça s'inscrit dans cette démarche, pour moi ça revêt plus un côté "je vais revendiquer cette case dans laquelle tu veux me coller, mais en la changeant en un rôle que je veux jouer et non une étiquette-punition que tu m'infliges", et moi j'appelle plus ça la faire à l'envers au patriarcat que jouer son jeu. Si l'image peut sembler la même de loin, le message envoyé est totalement différent au final.

Ce qui entre dans l'ordre patriarcal, à mon sens, c'est plutôt le fait de vouloir les remettre à leur place et les juger "vulgaires", "pas artistiques" et autres parce qu'elles portent leur sexualité en étendard et veulent montrer leur corps. Rabaisser la salope qui veut élever sa condition, pour le coup, ça raffermit la domination et l'étiquette.

 

[Zébule]

En fait je comprends pas trop votre débat car moi je vois surtout dans la différence de traitement entre une Emma Watson et une Nicki Minaj/Kim K (je comprends jamais pourquoi on dit qu'elle est racisée mais je dois manquer un truc) de la grossophobie (ou de la formophobie ..? ça serait plus adapté mais ça existe pas :/) et in fine de la misogynie.
Personne n'a jamais trouvé Naomi Campbell, Iman, ou toute autre mannequin ou actrice noire très mince, vulgaires ou qu'elles se sexualisaient en se montrant à poil (je ne dis pas qu'il n'y a pas eu plein de préjugés racistes à leur égard sur plein d'aspects). Au contraire, on associe bien une idée d'art à l'exposition de leur corps, comme pour les femmes très minces blanches, arabes, asiatiques ...
Il me semble que la dynamique première c'est que les formes "féminines" sont vues comme impures et que leur degré d'impureté augmente avec leur grosseur. Les femmes dont le corps est actuellement jugé artistique ont peu de formes et se rapprochent d'un imaginaire de pureté, d'"ange" (l'innocence de "la femme" sans son corps impur), sur lequel on puisse projeter quelque chose de soit-disant intellectuel/spirituel, alors que les corps avec des formes sont jugés trop bassement terrestres et donc stupides.
Après il y a sûrement aussi une couche de racisme que je ne suis pas bien placée pour voir mais je pense vraiment qu'il y a une question importante de misogynie derrière ça.

(soit dit en passant, cette impureté des formes féminines vaut pour ici et maintenant et est sûrement très occidentale mais je suis pas assez calée sur la question pour être sûre de moi ...)

 

[Anna Stesia]

@Zébule Il y a sûrement cette idée également mais on ne peut pas nier le caractère systémique de la sexualisation des corps racisés, d'un traitement différent. De la supposée taille du sexe des hommes asiatiques ou noirs à la sauvagerie dont on affuble la femme noire en passant pas la soumission lassive de la femme maghrébine ou asiatique, ces préjugés sont construits sur la représentation et ce n'est pas nouveau. Si on regarde l'œuvre de Benjamin Constant par exemple, quand il fait le portrait d'une femme blanche (Portrait de Juliette Adam) :

et quand il peint une femme racisée (La Favorite De l'Emir)

(J'ai choisi la première œuvre parce qu'elle est chronologiquement située entre plusieurs œuvres orientalistes, ce n'est pas une évolution de son œuvre.)

Si on parle de Naomi Campbell, il y a objectivement des images (notamment celles produites par Jean Paul Goude) qui sont une représentation animalisée de sa personne, et on retrouvera le même style de représentation pour Grâce Jones ou même plus loin dans le temps Sarah Bartmaan, la Venue Hottentot.
Les préjugés qui provoquent ce genre de réactions ne s'annulent pas entre eux, il y a sûrement de la grossophobie mais il est certain qu'il y a de la misogynie et du racisme. Les travaux de Yann Le Bihan, par exemple, à ce sujet permettent de ne pas en douter.

 

[helvira]

@Anna Stesia Je n'ai aucune culture en la matière, mais il me semble que les femmes du second tableau sont franchement de type Européen, non ? Et j'imagine qu'au 18ème siècle la considération qu'on avait pour les femmes, quelle que soit la couleur de leur peau, n'était pas la même qu'aujourd'hui

 

[Anna Stesia]

@helvira Non le tableau s'appelle La Favorite de l'Emir, il prend place à Tanger au Maroc et Benjamin Constant est un peintre orientaliste. Ces femmes sont sa représentation de la femme marocaine, maghrébine et "orientale" par extension. Il reprendra d'ailleurs les personnages de ce tableau tout au long de son œuvre orientaliste.
Évidemment, la considération pour les femmes n'était pas la même mais la configuration entre femmes n'était pas non plus la même. Juliette Adam n'est pas représentée de la même manière que les femmes maghrébines. Et on retrouve d'autres types de représentation si on parle de la femme noire ou asiatique mais toujours des représentations différentes (exotisées) de celles que l'on fera de la femme blanche.
Je tiens à préciser que je n'invente pas ce que je dis, ce n'est pas moi qui le théorise. Edward Said, Yann Le Bihan, Frantz Fanon, Albert Memmi, Homi Bhabha et bien d'autres (même Bourdieu) ont apporté des contributions assez poussées pour que leurs lectures ne permettent plus le doute.

 

[Ada or ardor]

@helvira : avec ta remarque j'ai été prise d'un doute et j'ai feuilleté le livre que j'ai sur la peinture orientaliste. En gros toute femme dénudée / dans une scène de harem / à l'extérieur et dans de beaux atours a la peau soit complètement blanche soit légèrement hâlée avec des yeux et cheveux bruns. Les autres personnages masculins n'ont pas la peau blanche. Ça en dit long, mais finalement ce n'est pas surprenant..

 

[helvira]

@Anna Stesia @Ada or ardor Merci les filles, j'apprends plein de trucs. Etudier l'histoire, la sociologie, l'ethnologie à travers la peinture doit être passionnant

 

[Zébule]

@Anna Stesia On est d'accord, je ne nie pas du tout le traitement spécifique des personnes racisées pour ce qui concerne la sexualité dans l'histoire. Par contre il y a un point qui me turlupine dans ce que tu dis : pour moi, animalisation et sexualisation sont deux choses très différentes. C'est pour ça que j'ai dit que les artistes noires même très minces sont victimes de tout un tas de préjugés racistes mais pas nécessairement de sexualisation, comme le montre l'exemple de Naomi Campbell et Jean Paul Goude, qui à mon sens ne l'a pas sexualisée mais bien animalisée.
(autre point qui me turlupine c'est quand tu dis "le doute n'est plus permis" en citant des travaux soit engagés soit de sciences sociales avec une approche bien particulière : ça me gêne car justement, sur ces sujets, le doute est à mon avis toujours de mise et surtout les connaissances doivent toujours être actualisées)

En gros ce que je veux ajouter c'est qu'il ne faut pas passer sous silence le phénomène du mépris de la "bimbo" qui me paraît être un déversoir pour la misogynie et être central dans l'opposition type Nicki Minaj/Lou Doillon. Donc pour moi, le fait que le nu de Nicki Minaj et Kim K. soit jugé vulgaire et antiféministe au contraire de celui de Lou Doillon ça vient quand même pas mal de la taille respective de leurs seins et de leurs fesses (sinon ça serait une sacrée coïncidence ...).

 

[Anna Stesia]

@Zébule L'animalisation participe de l'hyper sexualisation dans le cas de la fetichisation des femmes noires, les deux sont liés. Il faut voir le livre Jungle Fever, il illustre parfaitement cette idée.
Quant au reste, je cite les travaux conséquents d'auteurs différents abordant ce sujet de différents points de vue (l'art, la politique, la sociologie...) et à différentes époques et je pense effectivement que le doute n'est plus permis face à leurs travaux. Je ne dis pas qu'il ne faut pas remettre en cause l'un d'entre eux ou un de leurs points de vue mais il me semble que ce sujet précisément est bien assez nourri de sources différentes (universitaires mais aussi de témoignages) pour ne pas être remis en cause. La fetichisation des femmes racisées existe et elle régit encore la façon dont ces femmes sont traitées aujourd'hui. On ne peut en douter ou alors il faut remettre en doute des années de travaux documentés et, pour le dire plus clairement, je ne crois pas que ce soit possible.

J'ai demandé aux auteurs de me transmettre l'étude (Understanding the Relationships Among White and African American Women’s Sexual Objectification Experiences, Physical Safety Anxiety, and Psychological Distress - Laurel B. Watson, Jacob M. Marszalek, Franco Dispenza & Christopher M. Davids ) dont je parlais plus haut sur l'objectisation des femmes noires en particulier. Je n'ai pas le droit de l'utiliser en public mais rien ne m'interdit de l'envoyer par mail si elle vous intéresse.