Note d'avant réponse : OK, sujet pas facile, ça fait un moment que je reste bloqué sur la rédaction de ma réponse sans vraiment m'en sortir : tant pis, je poste quand même. Après tout, c'est à cela que sert un forum, communiquer et échanger. Je te recommande vivement (j'en ai des frissons) la lecture de 'Petite Poucette' de Michel Serres, qui m'a bien aidé, et ne rentre pas du tout dans la catégorie élitiste. Je n'hésiterai pas à piocher allègrement dedans tout au long de ma réponse d'ailleurs (désolé Michel).
Question intéressante que celle-ci. Elle renvoie pour moi à un sujet que j'affectionne particulièrement : les limites. En effet, on aura tendance à considérer quelqu'un qui connait tout sur les grands surréalistes comme étant cultivé alors qu'une personne capable de te raconter ce qu'il s'est passé dans les trois derniers épisodes de Loft Story a quand même vachement moins de chance de recueillir cette distinction. Tout est question de jugement, comme bien souvent. Et quand on parle de jugement, on parle de limite : à partir de quel moment franchi-t-on la barrière qui sépare ces cases dont tu n'es pas trop fan ? Surtout que les limites peuvent réellement être floues !
La culture, comme tu l'as si bien dit, c'est tout ce qui nous entoure : je fais une vidéo de mon chat, mes amis la like sur facebook et twitter, sans vraiment y prêter attention elle obtient 80 millions de vues sur YouTube et voilà, elle entre dans la 'culture Internet' et a droit à son GIF sur 9gag. Une donnée qui à l'origine paraissait insignifiante devient un buzz, tout le monde l'a vu. Or, la quantité de données que l'humanité produit ne fait qu'augmenter : "L’ancien PDG de Google, Eric Schmidt, estimait en 2010 que nous produisions tous les deux jours environ 5 exaoctets (Eo, soit 1018 octets) d’informations… soit autant
«qu’entre le début de la culture humaine et 2003» !" (Libération - Données le vertige). Alors, dans cette masse incroyable d'informations, à partir de quel moment deviennent-elles de la culture ?
Là on peut se dire que c'est une question d'intérêt. Du fait que je m'intéresse beaucoup aux domaines scientifiques, je m'y sens à l'aise et je me considère comme cultivé à ce niveau. Mais si on regarde la liste des vidéos YouTube qui ont plus de 100 millions de vues, perso je suis un inculte : je n'ai vu que Gangnam Style, même si j'ai surement déjà entendu certaines des autres chansons. On peut donc établir les limites de ma culture, tout comme on peut le faire avec celles de n'importe quel individu. Mais qu'en est-il de la culture au sens général ? Devrait-on faire un 'Qui veut gagner de l’argent en masses' généralisé et considérer que les questions auxquelles plus de 50% de la population a réussi à répondre définissent la culture ? On est pas sorti des tubercules ...
[Mode Michel Serres : ON]
Faut pas oublier que la culture est le reflet de nos sociétés, la technologie n'est qu'un moyen d'expression, et elle est en train de chambouler nos systèmes de pensée (d'où ta question). L'humanité a déjà connu deux révolutions : le passage de l'oral à l'écrit, et de l'écrit à l'imprimé. Ces deux révolutions ont été accompagnées de profonds changements culturels, ne serait-ce que le passage du polythéisme au monothéisme, puis les réformes religieuses de Luther et la Renaissance. Elles ont aussi modifié nos façons de concevoir l'information : lorsqu'elle était orale, le seul moyen de la transmettre était de la connaitre par cœur et de la raconter. . Puis on a pu laisser un peu plus de place dans nos cerveaux en ayant non plus à retenir l'ensemble de l'information mais seulement l'endroit où elle stockée sur l'étagère de la bibliothèque, le chemin pour pouvoir y accéder au besoin. On a appris à la fixer par écrit, pour éviter les déformations des transmissions orales, même si nos amis moines copistes en ont introduit d'autres. Point qui d'ailleurs a été effacé par l'imprimerie, on a fait un bon énorme dans l'accessibilité et la véracité de l'information.
Aujourd'hui on vit une troisième de ces révolutions : Internet. On va encore plus loin, grâce aux moteurs de recherche on n'a même plus besoin de connaitre le chemin qui mène à l'information, on a juste à poser la bonne question (je n'insisterait pas sur le passage expliquant comment on devrait intégrer un peu plus cette idée dans nos écoles ...), et on recoupe tout ça avec la quantité d'infos disponibles.
[Mode Michel Serres : OFF]
Je me suis un peu éloigné du sujet, mais pour moi ce qui révèle de la culture n'est autre qu'une définition personnelle, chaque individu a sa propre culture et il n'existe plus de 'Classiques' à proprement parler, chacun a les siens. Les notions dont tu parles (culture pop, classique, daube) me semblent un peu dépassées aujourd'hui pour vraiment arriver à répondre (d'où la difficulté de la question !). Bien sûr, il existera toujours des œuvres de très grande qualité, d'autres de très grande renommée, certaines extrêmement rares entreront dans ces deux catégories, et inversement global et réciproque. Mais on ne pourra bientôt plus définir les limites de ces catégories sans inventer de nouveaux outils. Une idée à ce sujet ?
Et en guise de conclusion, de la culture de patates :
http://vidberg.blog.lemonde.fr/2015/02/11/50-nuances-de-grey-cest-chaud/
(Et désolé pour le roman).
Sources :
http://www.liberation.fr/economie/2012/12/03/donnees-le-vertige_864585
Playlist des vidéos avec plus de 100 millions de vues :
https://www.youtube.com/playlist?list=PLBFEC6D88F0189804
Petite Poucette - Michel Serres -
http://www.editions-lepommier.fr/ouvrage.asp?IDLivre=534