Je crois que je n'ai pas de souvenir d'une honte particulièrement marquante, si ce n'est une, qui m'a bien traumatisée...
J'étais en terminale, et je venais de rencontrer celui que j'imaginais être mon âme sœur. C'était la première fois de ma vie que je rencontrais un mec qui m'intéressait sur tous les plans, et sur lequel je ne fantasmais pas juste de loin, mais dont j'étais "amoureuse" tout en le connaissant un minimum. Je précise qu'à l'époque, j'étais totalement inexpérimentée en matière de mecs (et encore aujourd'hui, j'ai quelques wagons de retard
oui oui je prends mon temps moi dans la vie
) : j'imaginais que j'allais mourir seule avec mes chats et que j'avais loupé le coche
Du coup il était hors de question de lui montrer qu'il me plaisait, je ne savais pas faire. Je chérissais par contre l'espoir qu'il m'apprécie et je cherchais dans son attitude tous les signes possibles pour me conforter dans mes chimères.
Bref, ce mec je l'avais rencontré au code. On discutait bien, on avait plein de points communs, on avait le même humour, je savais qu'il n'était pas très dégourdi en matière de filles lui non plus alors qu'il avait tout pour lui et qu'il était très convoité, on se ressemblait même physiquement
Bref, c'était l'homme de mes rêves, celui qui était capable de me comprendre, mon alter ego. Après une ou deux semaines d'amitié naissante (et de passion torride de mon côté
), il m'a ajoutée sur facebook. Je me revois encore mettre des paroles de chanson en statut parce que je savais pertinemment qu'il aimait ce groupe, cet album, et qu'il allait "liker" mon statut... Je jubilais dès que j'avais une notification venant de lui, j'avais l'impression qu'on vivait une folle romance sans oser se l'avouer
Et puis il venait me parler sur le chat, ce qui me bouleversait à chaque fois, à tel point que j'enregistrais nos conversations sur word pour être sûre que je ne rêvais pas et pour pouvoir les relire(
Dire qu'aujourd'hui, je déteste communiquer sur le chat facebook
).
Du coup, en amoureuse transie, j'avais des rituels un peu étranges... Il faut resituer le contexte : cette histoire date de 2009, c'était donc il y a 4 ans. A l'époque, la discussion instantanée facebook n'était pas fichue pareil : si tu écrivais quelque chose à quelqu'un alors que la personne était déconnectée, le contenu de ton message n'était pas envoyé, ton message t'était renvoyé en rouge et tu recevais une sorte de petite notification disant qu'il n'avait pas pu être remis (alors qu'aujourd'hui, ton message passe quand même, il est juste envoyé en différé comme une sorte de mail).
Bref, mon rituel consistait à lui faire des déclarations enflammées sur la discussion instantanée quand je voyais qu'il était hors ligne. Il y avait la petite bille rouge à côté de son nom, ça voulait dire qu'il était déconnecté. Du coup, pour me vider de tout l'amour que je lui portais, j'écrivais "Bidule, tu es l'homme de ma vie, tu es parfait", "Je t'aime mon Bidule", "Je t'aime tellement Bidule, si tu savais...", ou bien "Mais putain qu'est-ce que je taime", "Allo bidule ! je t'aiiiiime" (quelle terrible andouille ma parole
), après j'appuyais sur entrée, le message s'envoyait, j'avais une petite montée d'adrénaline parce que je me disais que je venais de lui déclarer ma flamme, et puis le message me revenait immédiatement en rouge, avec une note me signalant que mon interlocuteur n'était pas connecté et que ça n'avait pas pu lui être délivré. Bref, bouillonnante d'amour pour lui, je jouais avec le feu du bout de mon clavier et je me sentais toute folle
.
Mais un jour, à force de jouer avec le feu, je me suis brûlée
Voyant qu'il apparaissait hors ligne, je décidais de m'adonner à mon activité favorite : lui déclarer ma flamme. Je tape donc un très sobre "jtm bidule" (sur ce coup j'étais un peu moins emphatique que les autres fois d'ailleurs). J'appuie sur entrée, et puis j'attends que mon message me soit renvoyé, parcourue par mon petit frisson d'adrénaline habituel. J'attends encore, et puis au bout d'un moment je me dis que c'est louche, que mon message aurait déjà dû me revenir en rouge. Je ne percute pas, et puis je regarde la bille à côté du prénom de Bidule... Elle était verte. Il s'était connecté pile au putain de moment où j'avais décidé de lui envoyer "jtm". Il avait reçu le message. Là c'était comme si le ciel s'était écroulé sur moi
J'étais tellement affolée par ma bêtise que je suis sortie de chez moi en courant et que je me suis réfugiée dans le garage pour essayer de me calmer. Mais rien n'y faisait, j'étais détruite. Il allait falloir que j'assume ma connerie, mais ça me semblait sans issue, j'avais ruiné ma vie avec ces trois misérables lettres.
Du coup je suis remontée chez moi, j'ai pris un verre d'eau et je me suis mis des glaçons sur les joues pour me calmer, puis j'ai inventé l'excuse la plus bidon du monde. "Haha désolée, c'est mon frère qui s'amusait à envoyer ça à tout le monde".
Bah voyons, terriblement crédible, le frère de 15 ans qui fait mumuse sur le compte facebook de sa soeur en faisant des déclarations à ses contacts... Quelle excuse de merde ma parole
J'ai eu honte de cette affaire pendant des mois, je me vomissais d'avoir été assez puérile pour jouer à un jeu pareil, c'est un peu du même acabit que d'appeler l'être aimé en numéro inconnu, entendre le son de sa voix, et raccrocher directement (un de mes passe-temps favoris au collège). Ma propre immaturité m'avait explosé au visage avec cette affaire, j'ai tellement culpabilisé
Je me demande bien ce qu'il avait pensé de mon message en le lisant, et je serais curieuse de savoir s'il avait avalé mon mensonge ridicule