rien que pour les mots: vos avis?

5 Décembre 2009
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Les Lilas
1) MAUVAISE HUMEUR
Une seconde a suffit, mais on admet volontiers que l?évènement était prémédité. De toutes façons, même notre capricieuse mauvaise foi n?est pas dupe. C?est cette minute cruciale à laquelle les doigts engourdis esquissent une désactivation du réveil qui a loupé, condamnant à elle seule, omnipotente, les ?désormais- miettes de ce qui avait été conçu comme étant une journée. A la place nous a été fourni un ersatz de félicité. ?Manquait que la notice. Faute de mieux, on a fait avec, la bride d?une effusion de sentiments docilement calée sous le bras.
Ingurgité avec une passivité feinte, le café avait le goût âcre d?une fin de vacances : brûlant, indécemment sucré, trop peu perfectible pour être avoué. Pure convenance, on penche pour une mimique de dégout, peut-être pour se donner bonne conscience, justifier cet accès de fureur ; personne n?en fera les frais mais elle nous enveloppe, son mépris ouaté est une solution de facilité, alors on s?y abîme. Après quelques pirouettes que justifie notre dit planning, on saute à pieds joints dans la béance du monde réel, et le bégaiement journalier accède au trône.
Dès lors, plus rien n?est à sa place. On perd cet équilibre précaire face aux regards acides, aux phrases dont l?intonation convexe nous aigri. Les minutes s?entassent sur nos épaules rachitiques et donnent à ces 24 heures une profondeur quasi-morbide. Et on s?en veut terriblement d?être soi-même lorsque la seule issue serait le glissement dans un corps subalterne, dans une tête autrement mieux faite et qui vivrait pleinement cette existence de parisien trop plein d?orgueil.
Alors on endure.
Tant bien que mal, on crispe les sourires, on parodie les bises, on fait mine de serrer les mains. On s?en tient au strict minimum car l?impolitesse dispense un goût amer dans notre gorge lunatique. La faute à papa-maman. Encore une fois.
Et puis vient enfin la délivrance, unes à unes, toutes les cases on été cochées et une perspective aux contours radieux se dessine : on rentre à la maison. Si le trajet est long, très long, trop long, c?est un ami qu?on tutoie volontiers, et complices on rentre ensemble, sa main ténue dans la notre.
Le bruissement salvateur de la porte que l?on referme panse la blessure de notre solitude contrefaite et à la question fatidique on lancera lascivement un vague « Oui et toi ? », en toute légalité. On est soulagé de se glisser dans la mollesse synthétique des draps couleur de rire, et on bat des paupières comme on aimerait qu?il en soit de son c?ur.
Demain, c?est décidé, la bonne humeur est notre otage.





2) Porté pâle
On s?était pourtant juré de ne plus recommencer, mais à qui la faute si ce n?est à l?oubli de ce plaisir si simple, cette délectation de la banalité. Le réveil a sonné mais on feint la maladie à demi-conscient, et on enfoui son visage boursouflé de langueur dans l?épaisseur maternelle des draps. Après quelques minutes de délibération intérieure, alors que la culpabilité commençait à poindre, on dégaine l?arme fatale de la persuasion et la confiance reprend prise sur un corps à l?apparente inertie.
Cils en bataille, les yeux s?ouvrent et se ferment en cadence et notre concentration fait ses preuves : Un bourdonnement ténu semble avoir saisi l?oreille gauche. Infime certes, il la dévorera bientôt toute entière. Si on joue de l?élasticité factice des mots, on pourrait parler d?un handicape, de ceux qui nous dispensent naïvement du labeur quotidien : impossible de sortir avec cette bestiole butineuse de matière grise?et puis il y a bien autre chose. Oui, une chaleur dans le creux de la nuque? pas la trace molle d?un baiser dans le cou d?albâtre neigeux. Non, plutôt comme une douleur latente qui s?épanouirait dans le ravissement bateau des choses. A l?occasion on baptisera ça migraine et ça fera l?affaire. En dernier recours, on invoquera les maux de ventre, une valeur sûre. Un basic indémodable.
C?en est fait, l?alibi est dressé, la permission de complaisance signée : on se vautre dans une paresse illicite, et si des lattes du sommier suinte un grincement accusateur, c?est pour que soit mieux appréhendée la situation.
Enlacé par les bras d?un sommeil pernicieux, on sombre, mi-figue mi-raisin, en alternance entre l?onirisme et le crissement des pneus blotti derrière le double-vitrage protecteur.





3)
C?est une densité qui relève du hasard. Tantôt épaisseur aride, tantôt filtrat couleur de terre, qui ourle la tasse en filigrane. Pour peaufiner l?élixir, il faut d?abord- selon les goûts- lui conférer sa bonhomie sucrée : on dépiaute l?arôme monobloc de son masque de papier, comme on ferait d?un paquet cadeau, et on précipite la chute. A un ou deux centimètres de la surface du liquide, l?étau se relâche et la matière revêche du cube s?étiole à mesure qu?elle sombre. Son pas suicidaire laisse dans la mousse une trace qui révèle l?aspect rauque du petit noir. Voluptueuse tragédie. Dans un souci d?équité, on immerge la cuillère en mouvements rituellement circulaires pour uniformiser la masse, et on y plonge ses pupilles avant d?y abîmer les lèvres : la surface criblée de cratères translucides donne en spectacle sa voie lactée. Faillite de l?opacité. A tâtons, on ose l?effleurement. Aussitôt, l?incandescence saisit des papilles insurgées ; mais il n?y a pas brûlure plus charnelle? et dire qu?on pensait ne jamais se faire à l?âpreté du café !




4)
La sinuosité des allées parisiennes m?est enivrante, la servilité du pas a vite fait d?être remise en question. C?est là la faute à la rondeur du pavé. Mais que ne donnerais-je pas pour troquer le bitume de réglisse confite contre cet outrage à la cadence apprêtée de la marche ! Contre la monotonie de l?asphalte, l?irrégularité basanée de la pierre ! Il ne faut plus laisser coaguler le menton en l?air, mais bel et bien incliner la tête, fléchir la nuque, en un mot, rester sur ses gardes. Car la moindre distraction pourrait s?avérer fatale. Rétines fixes, je bois la rugosité singulière du sol. Sous mes pieds se déroule en crescendo un tapis caillouteux. Les yeux roulent bientôt sous le caoutchouc des semelles, et, le c?ur au bord des lèvres, tout s?arrête. La vie en échiquier. Blanc sur fond noir. Ou noir sur fond blanc. Tracés oblongs, pelage rectiligne de peinture antidérapante : la civilisation a repris ses marques. Elle est bien la seule. Ici, à la limite qu?impose le trottoir confusément marquée d?un poteau-visage-de-quille, le goudron enlace la dalle urbaine et lui susurre à l?oreille, « c?est pour mieux te manger mon enfant ».




5) CUEILLETTE
C?est une espèce de monstre touffu olive tendre. La rugosité de l?épiderme est constellée de baies couleur grenadine: prodige varicelleux ?
Atteinte de culpabilité infantile, la bête est tapie dans les tréfonds boursouflés des jardins familiaux. Mythe saisonnier, c?est l?été venu qu?elle s?entiche de ces pustules crépusculaires: le bourgeonnement contrefait de vert stabiloté précède aux jaunes poussins et grenats sanguinaires pour le plus grand plaisir des papilles visuelles. La première invite naît des arborescences épineuses. Car y-a-t-il plus grand séducteur que le repoussoir ? Le splendide de la gestuelle réside dans le ballet mortel de la pulpe des doigts et de l?aiguille végétale. Mais, prodige célestin, l?avant-bras en serpent-charmé peut à tout moment heurter la convoitise duveteuse. Alors la chaire se tend, le poil s?hérisse, et l?étreinte charnelle enserre le fruit?mais il faut être prudent : le moindre excès de gourmandise peut s?avérer fatal. L?objet a vite fait de céder, et de rondeur pleine on passe au périssable du corps. Atomes de rosée coagulés, l?épaisseur déchiquetée répugne pourtant le genre humain.
Tous les hommes sont mortels, la framboise est mortelle, mais la framboise est-elle homme ? C?est là l?ambigüité de la cueillette.
Lavons-nous les mains de ce sang fruité. Le cadavre confit servira bien d?alibi à l?étude d?une confiture.

:fleur:Première confrontation: j'attends vos avis et suggestions, merci à votre patience !
 

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