@souvarine Je comprends toujours difficilement cet argument contre le DSM "mais ça catégorise, c'est mal !", oui ça catégorise, c'est son but, ça ne catégorise pas exactement les gens, ça catégorie des pathologies. Et une pathologie c'est un ensemble de symptômes, de critères, et tout le monde ne peut pas facilement être diagnostiqué avec une pathologie. Un diagnostique franc est dur à poser.
Et quand on fait l'analogie avec les maladies somatiques, ça ne choque personne qu'on fasse des distinctions entre les pathologies, qu'on dise cet ensemble de symptômes signifie une grippe, cet ensemble là un cancer du côlon. Et parfois, on n'arrive pas à poser un diagnostique clair, on fait une batterie d'examens, on tâtonne. C'est très semblable à la psychiatrie. D'ailleurs, c'est aussi là qu'on voit où il y a de la psychophobie, les catégories concernant les maladies mentales font peur, alors que c'est beaucoup moins débattu pour les maladies somatiques.
Dans le cas des nouvelles pathologies, ça se base sur l'avancée de la recherche et sur les observations cliniques. Les populations sont étudiées, ont réévalue les diagnostiques. Par exemple l'anorexie, avant, l'aménohrée (absence de règles) était un critère fondamental pour poser le diagnostique. Ce critère a été supprimé du dernier DSM, car même si c'est un symptôme souvent présent, les psy ont remarqué que ce n'était pas un symptôme obligatoire. Pour les "découvertes des maladies" ça repose sur ça, sur la pratique clinique, donc comme tu le dis, beaucoup de parents sont venus en consultation et ont rapporté des comportements similaires, mais qui ne rentraient pas vraiment dans une case pré-existante. Je suppose qu'ensuite, il y a eu des études de cas sur ces enfants, afin de déterminer les symptômes communs.
Le problème c'est aussi que les gens ne comprennent pas toujours l'utilité de cette catégorisation, de poser un diagnostique. C'est comme une maladie somatique, on peut difficilement soigner quelqu'un, si on ne sait pas de quoi elle est atteinte. On peut difficilement établir un projet de soin adaptée à la personne si on ne sait pas de quoi elle souffre. Cela est d'autant plus vrai pour les maladies relevant de la psychiatrie et qui nécessitent un traitement pharmacologique.
Exemple simple : la dépression, qui peut se confondre avec la bipolarité tant qu'aucun épisode maniaque ne s'est développé. Si la personne fait un épisode dépressif, qu'on juge à tort qu'elle est dépressive et qu'on lui donne un traitement pharmacologique adaptée à la dépression, il y a un risque qu'elle fasse ce qu'on appelle "un virage maniaque", c'est-à-dire que le traitement va améliorer son humeur, mais ça va surtout déclenché un épisode maniaque. Une personne bipolaire doit être soignée avec une pharmacologie différente.
Le diagnostique, la catégorisation, ne sont pas des buts en eux-mêmes. Ca ne sert à rien de juste définir qu'un tel souffre d'un trouble de la personnalité schizoïde. Ce qui va être important c'est de savoir ce qu'on fait de cette information, comment elle va permettre de mieux aider, soigner, soutenir la personne.
C'est une étiquette, c'est certain, ça fait peur. Mais c'est comme se faire diagnostiquer un cancer si je puis-dire. Parfois cette étiquette est provisoire, parfois pas. Parfois cette étiquette n'est pas certaine, on tâtonne, on parle alors d'hypothèse diagnostique.
Beaucoup de psychologues travaillent sans le DSM, ne cherchent pas à poser de diagnostique, tout dépend aussi de l'approche que tu as. Mais ce diagnostique ne doit pas être un but en soi, il doit être un outil pour pouvoir adapter un traitement.
Je pense que le fondement du problème n'est pas tant l'existence du DSM (bien qu'évidemment il soit imparfait, mais les maladies sont évolutives donc ça reste difficile de cristalliser une catégorisation, puis la science est une évolution perpétuelle), mais plutôt la façon dont il est utilisé qui peut-être déplorée. Parce que certains ne respectent pas ce principe qu'on ne diagnostique pas pour diagnostiquer, on le fait pour adapter le soin. Et beaucoup posent des étiquettes, des diagnostiques à tout va, presque arbitrairement.
Exemple des TDA/H. Il y a une recrudescence de ce trouble, d'une part parce que plus de parents consultent pour leur enfants (est-ce que ça signifie qu'il y a plus de cas, ou est-ce que ça signifie qu'il y a juste plus de parents qui viennent consulter et donc qu'avant il y avait beaucoup de cas non-diagnostiqués ?), mais il y a aussi beaucoup de faux diagnostiques, de sur-diagnostiques, des enfants un peu agités, mais qui n'ont pas réellement de TDA/H.
Malheureusement, beaucoup utilisent mal le DSM, beaucoup font mal leur métier de psychologues ou de psychiatres. Comme dans tous les métiers, certains font mal les choses. Sauf que là, ça touche le patient, la psychée, ça peut avoir des répercussions très négatives....