Petit point sur la politique environnementale menée depuis le début du quinquennat, entre les paroles "make our planet great again", et les actes... (vu que c'est d'actualité en ce moment)
D'après des documents de travail assurant la liaison entre le gouvernement français et la commission européenne (
source : RTL), le gouvernement pousse pour que les objectifs de l'accord de Paris soient revus à la baisse et pour l'ajout de dispositions de contournement:
- seulement 50% de l'objectif 2030 serait obligatoire pour 2027 (ça laisserait 3 ans au gouvernement en place à ce moment là pour faire les 50 autres pour cent)
- refus d'une plateforme financière européenne d’investissements dans les renouvelables
- opposition à un système de rattrapage de bilan renouvelable.
D'après le député Yannick Jadot :
"Il est terrible de constater que, malgré les très beaux discours de notre président de la République à la tribune des Nations Unies, malgré la défense toujours prise vis-à-vis de l'Accord de Paris, quand on est au niveau européen, la France sabote les énergies renouvelables, critique Yannick Jadot, député européen écologiste, (...) et crée les conditions pour échouer dans sa transition énergétique au niveau national, avec toujours la même obsession : maintenir le nucléaire (...), quel qu’en soit le risque".
Tandis que pour
Claude Turmes, eurodéputé écologiste luxembourgeois, et l’un des meilleurs spécialistes en énergies renouvelables au parlement :
« L’approche française risque de porter un coup fatal à la mise en œuvre en Europe de l’accord de Paris issu de la COP21. Elle permettra aux États membres dont le bouquet électrique est encore fortement carboné (l’Espagne, la Pologne, la Roumanie, la Bulgarie…) d’utiliser le prétexte d’un ralentissement du déploiement des renouvelables pour prolonger la durée de vie de leurs vieilles centrales charbon avec comme conséquence l’impossibilité de se conformer aux engagements climatiques. »
Apparemment, Nicolas Hulot n'était "pas au courant" de la position française au niveau européen au sujet des renouvelables...
Autre sujet, (qui a déjà été discuté sur d'autres topics sur Madz à cause des atteintes aux démocraties) le
CETA, accord commercial entre l'UE et le Canada. Dans son programme, Macron s'engageait à demander un rapport à une commission pour évaluer les effets attendus sur la santé, le climat et l’environnement du CETA, et à négocier l'accord sur ces points au besoin. La commission en question ("Schubert") a conclu à un effet problématique de l'accord sur le climat (car "
rien n’est prévu pour limiter le commerce des énergies fossiles et la hausse des émissions de CO2 du transport international maritime et aérien induite par l’augmentation des flux de commerce »), mais aussi par exemple l'arrivée d'OGM sur le marché français. Inquiétude aussi pour l'agriculture :
« Le risque est que le CETA ne fournisse pas des conditions favorables aux objectifs de la transition écologique de l’agriculture […]
, en particulier dans le secteur de l’élevage bovin allaitant. ». Enfin, se pose la question de l'import de gaz de schistes et de pétrole issu des sables bitumineux, technique extrêmement polluante (qui cause la pollution des eaux, entraîne une forte déforestation, et beaucoup de cancers chez les populations qui vivent sur place).
Malgré les 27 recommandations de ce rapport (qui reste prudent), le gouvernement a fait savoir qu'il n'y aura pas de négociation, et qu'il s'agissait uniquement "d'accompagner la mise en vigueur".
Dernier point, davantage en demi-teinte : le gouvernement a préparé
une loi pour limiter l'exploitation des hydrocarbures, j'en parlais ici début octobre. Super initiative!
Toutefois la portée de ce texte a été fortement réduite suite à pas mal de lobbying de la part des pétroliers français.
Le dossier de l'AN est ici.
En gros : c'est bien d'interdire de nouveaux permis, mais l'exploitation de nombreux sites est assurée jusqu'en 2040 voire après dans de nombreux cas (on est donc complètement dans les choux par rapport aux recommandations du GIEC). Par ailleurs plusieurs groupes ont fait passer des alinéas avec des dérogations (après une visite du PDG de Total en septembre au gouvernement, un alinéa à l'article 1 spécifie la poursuite des activités dans le bassin de Lacq, plus gros site de production de gaz en France, et ce malgré les rapports démontrant une
sur-mortalité des habitants dans les environs); autre dérogation pour tous les territoires outre-mers et donc les plates formes pétrolières qui en dépendent... (voir section 3 de l'article 1).
D'autres groupes, le pétrolier Vermilion ainsi que la Française de l'énergie, ont aussi vu leurs arguments repris mot pour mot par certains députés amenant des alinéas de dérogations similaires.
Pour Nicolas Haeringer, de 350.org :
« Au nom d'une conception datée de la “liberté d'entreprendre”,
inadaptée au défi que représente le réchauffement climatique, les députés ont manqué une opportunité rare de voter un texte qui aurait dû servir d'exemple au reste de la communauté internationale. » Maxime Combes, auteur de
Sortons de l’âge des fossiles ! et militant d'Attac :
« Sous couvert de risque juridique, le gouvernement a cherché à sécuriser les droits des détenteurs des permis actuels et futurs au détriment de l’ambition du projet de loi. » (source Mediapart)
Pour résumer mon avis sur le sujet : je ne m'attendais pas à ce que le gouvernement ait des prises de positions courageuses sur le sujet de l'environnement, et je ne suis pas surprise des liens avec les pétroliers. Par contre ça m'énerve beaucoup de voir Macron jouer au héros vert et donner des leçons quand en réalité la France est très loin d'être exemplaire sur le sujet (et la politique du gouvernement en particulier)...