Je rejoins
@Kettricken : la définition des bullshit jobs est floue et légèrement inadaptée à la variété, la quantité et la complexité du monde de l'emploi, notamment dans le tertiaire. En plus de cela, je n'ai vu aucune "catégorisation" d'un métier comme bullshit job autrement défini ici que subjectivement, selon le système de valeur de l'intervenant.e.
Je trouve en réalité que la théorie de Graeber mélange deux prismes de lecture qui contribuent à la difficile application de sa définition :
- des emplois créés par une activité économique dirigée par la croissance, la complexité des systèmes économiques et organisationnels, les réglementations, le capitalisme etc.
- les conséquences d'emplois vides de sens pour le salarié provoquant des brown out.
Alors oui, mais avec une définition qui mélange le sens aux yeux de l'individu et le sens aux yeux de notre économie mondiale, ça donne forcément des notions très variables de ce qu'est un bullshit job.
Et si l'on retenait un système de valeur qui s'approcherait d'un consensus (qu'on pourrait, j'en suis certaine, remettre en question très facilement), on a quoi comme secteurs d'activités ? L'agriculture (du coup, on met l'élevage ou pas?), la santé, la sécurité, le secteur sanitaire non médical, l'aide à la dépendance, l'éducation (et du coup, tu enlèves tout l'emploi des enseignants qui forment des jeunes en BTS qui iront prendre un taf dans un secteur non essentiel ?), le transport de personnes et de marchandises et quelques métiers de l'intermédiation (ex: la distribution) qui devront être réglementées très sévèrement (unicité des coûts par exemple) pour ne pas se faire des guerres concurrentielles responsables d'environ 75% de la production de powerpoint dans le monde ?
De la même manière, décrire un bullshit job par l'apparence du taf c'est un prisme complètement biaisé à mon sens.
Je passe plus de 8 heures de mes journées sur un ordinateur à faire en sorte qu'un monopole public soit maintenu mais régulé par une autorité. Mon travail, en gros, c'est m'assurer que l'argent public est dépenser de manière optimale pour éviter tout gaspillage tout en garantissant un niveau de service de qualité suffisante.
Si demain, j'arrête de travailler, il est très clair qu'on s'apercevra de l'inutilité de mon travail selon la définition très primaire qui pourrait en être faite.
Mais :
1/ c'est un métier stimulant donc le critère de "vide de sens" pour moi n'est pas respecté pour autant ;
2/ l'inutilité au sens de Graeber est un modèle type base zéro où tu reconstruis tout un système, il est donc là pour être opposé à la complexité de la réalité pour repenser nos modes de travail. Et la réalité c'est qu'on n'a pas beaucoup d'argent public, qu'on a des monopoles dont on pense qu'ils sont vertueux, qu'on ne veut pas augmenter les impôts et qu'on a un rôle de service public à garantir et assurer. Bon ben mon monde fait que mon taf est utile en fait, parce que la définition de Graeber ne s'applique pas à la réalité mais n'est qu'une grille de lecture permettant de remettre en question où est placée la valeur dans notre société (oui parce que la finalité c'est de payer selon l'utilité et c'est là, je crois, le véritable apport de la théorie des bullshit jobs) ;
3/ je trouve que le prof de zumba, quand bien même il est pas assis dans une chaise pendant 8 heures, qu'il sourit, qu'il a l'air motivé, qu'il ne regarde pas un écran, n'est pas plus ou moins utile que moi. Que des gens soient plus attirés par des métiers qui bougent, qui sont pas sur Internet tout le temps, qui peuvent aller en extérieur, rencontrer du monde etc. soit, très bien. Moi j'aime pas trop être en contact du public, je suis forte en économie, je trouve que mon secteur d'activité est essentiel à la société à deux titres (son secteur et son objectif) et je suis frileuse. Bon ben inutile de m'appliquer une grille de lecture de ce qui est un apparent épanouissement quand il ne s'applique qu'à certaines personnes et pas d'autres pour en juger de ce qu'est bullshit ou pas, en fait.