Aujourd'hui en France 52 221 artistes sont inscrits à la Maison des Artistes, dont seulement 8000 exposent en galerie. Parmi eux, 95% ont un revenu équivalent au RSA.
L'art contemporain français n'est pas valorisé sur le territoire national et est quasiment absent de la scène internationale. Selon un article de Anne de Conink pour Slate: "le premier français en termes de ventes en 2013, Robert Combas, arrive en 81e position. Son record? 166.000 dollars pour une toile de 1985 vendue à Bruxelles. Pour mettre en perspective, le dernier grand artiste français «contemporain» à apparaître dans les ventes d’art est Yves Klein, décédé en 1962! Sa dernière toile vendue remonte à 2012 chez Christie’s à Londres, à un peu plus de 23 millions d’euros."
Alors, les artistes français sont-ils mauvais?
Certainement pas. Si les artistes français sont aussi peu représenté c'est avant tout un problème d'institution. Alain Seban, directeur du centre Pompidou l'avoue: « Longtemps on a répugné à défendre les artistes français de crainte d’être accusé de nationalisme. »
Anne de Conink écrit "Même l’Etat ne croit pas aux artistes français et complique les choses en imposant un double taux de TVA sur la vente de leurs œuvres. Un taux préférentiel est appliqué aux œuvres d’art d’un artiste étranger (5,5%) tandis que l’artiste français sera lui taxé à 10%. L’exception culturelle française... à l’envers." La conséquence? "le marché parisien représente 2,8% du marché mondial, très loin derrière les Etats-Unis et la Chine, quasi ex aequo à près de 33%, et le Royaume-Uni, à 21%."
A cela s'ajoute les baisses de subventions accordées aux lieux d'expositions, l'absence d’apprentissage technique dans les écoles qui n'enseignent plus que le conceptualisme et le marketing, la disparition flagrante de l'Art dans les médias de masse ou sa dépréciation...
Il est actuellement convenu que l'Art est inutile. Pire: il coute de l'argent publique qui devrait revenir aux "honnêtes travailleurs". Le collectionneur et critique Louis Doucet écrit dans sa lettre ouverte intitulée Les artistes - la précarité au quotidien:
"Contrairement à la musique, par exemple, où un quidam reconnaîtra facilement son incapacité à juger d’une composition musicale, les arts plastiques appellent des jugements à l’emporte-pièce, d’autant plus catégoriques que le spectateur est incompétent en la matière. Les «mon enfant de trois ans en ferait autant» et «ça représente quoi?» sont encore monnaie courante, et pas toujours chez les gens les moins instruits.
Qui fera comprendre à ces personnes obtuses que l’art
est un langage, qu’il s’apprend et que les bonnes questions à poser, à se poser, sont plutôt: «qu’est-ce que l’artiste a voulu exprimer?», «qu’est-ce que cette œuvre dit?» ou «qu’est-ce que je ressens devant cette œuvre?»
Mais, en cette matière, médias, institutions et enseignement conspirent activement à la déculturation des Français, jeunes et vieux, pour les faire entrer dans leur modèle de pensée unique"
Christine Sourgins évoque également ce complot: "en France – le pays où s’est inventé la peinture moderne, tout de même – maintenir une peinture de qualité dénoncerait le vide et la fatuité d‘un art conceptuel usé jusqu’au rabâchage mais soutenu par les subventions. Le courant duchampien est par définition prédateur puisque le « détournement » est une de ses logiques favorites : il lui faut donc de la chair fraîche à détourner en permanence… d’où son goût pour le patrimoine qu’il peut squatter et tourner en dérision à loisir. Détruire la Peinture, c’est aussi détruire des critères de jugement esthétique, jusqu’ici internes à l’œuvre : c’est ouvrir la voie à la spéculation qui va remplacer les critères esthétiques par les critères financiers. Il vaut mieux pour la ploutocratie au pouvoir que l’Art au sens propre, au sens premier, existe le moins possible car il attire l’attention sur la qualité ; or l’AC permet de conditionner le spectateur au règne du matérialisme et de la finance, à la dictature du quantitatif et de l’éphémère…" (ici, le terme AC est utilisé pour différencier l'art dit contemporain, de l'art produit par nos contemporains). Pour l’État il s'agirait donc de dévaloriser l'art au sens large pour ne valoriser que l'"Art Business", celui qui pousse à la consommation, qui génère du chiffre et qui, surtout, ne fait pas réfléchir. Ne surtout pas bousculer l'ordre établit.
A ce propos il est "amusant" de noter la sous-représentation des femmes dans le monde de l'Art. Christine Sourgins (encore elle), relate les propos du sociologue Alain Quemin dans son article L'art de la discrimination contemporaine: « Les femmes sont majoritaires dans les écoles des Beaux-Arts mais, plus on accède à des niveaux de visibilité importants, plus leur part diminue. Elles ne sont jamais plus de 22 % au niveau des institutions, et de 10 % sur le marché. Leur situation reste discrète par rapport à celle des hommes, pour ne pas dire dominée - bien que, là encore, les collectionneurs ou les galeristes n'aient pas conscience de privilégier les artistes hommes ». "Le genre" occupe une immense place dans le monde de l'art; beaucoup pensent encore, comme Baselitz: « Les femmes ne peuvent pas peindre, car elles n'ont pas la personnalité nécessaire». Un peu plus tard il ajoutera: "mais j'aime beaucoup les femmes ". Alors, tout va bien dans le meilleur des mondes.
Heureusement, le mois dernier s'est constitué un groupe de discussion sur facebook. Intitulé Économie solidaire de l'art, il regroupe plus de 1000 artistes voulant changer le système. Depuis, de nombreux articles apparaissent dans les médias pour dénoncer le statut des artistes: le début d'une nouvelle ère?
L'inconvénient d'un statut spécial aux artistes, même si il serait déjà une grande avancée, est qu'il les éloigneraient encore un peu plus de la société. On peut déjà voir comme les intermittents sont mal perçus: branleurs, profiteurs, assistés... A mon humble avis, un revenu de base pourrait être la solution, mais il ne s'agit que d'une opinion toute personnelle.
En attendant je vous propose de partager ici anecdotes, liens, images qui montreraient les visions (positives comme négatives) de l'Art dans notre société.
Je commence avec cette caricature de Soulcié:
[img=314x285]https://fbcdn-sphotos-b-a.akamaihd.net/hphotos-ak-xpf1/t1.0-9/10527566_902905483059192_1403526136663041149_n.png[/img]
J'en ai d'autres encore à vous faire partager, mais ce message est déjà bien assez long!
Merci à toutes celles qui m'auront lu et qui voudraient participer.
Si vous voulez en savoir plus, voici les articles cités dans mon commentaire:
- Interview de Christine Sourgins pour Contrepoints
- Art contemporain: Recherche artistes français, désespérément par Anne de Conink
- L'art de la discrimination contemporaine ? par Christine Sourgins
- La précarité des artistes français en 2013 par Louis Doucet
- Les plasticiens en quête de statut par Emmanuelle Lequeux, que j'ai copié ici
- La page facebook Economie solidaire de l'art
L'art contemporain français n'est pas valorisé sur le territoire national et est quasiment absent de la scène internationale. Selon un article de Anne de Conink pour Slate: "le premier français en termes de ventes en 2013, Robert Combas, arrive en 81e position. Son record? 166.000 dollars pour une toile de 1985 vendue à Bruxelles. Pour mettre en perspective, le dernier grand artiste français «contemporain» à apparaître dans les ventes d’art est Yves Klein, décédé en 1962! Sa dernière toile vendue remonte à 2012 chez Christie’s à Londres, à un peu plus de 23 millions d’euros."
Alors, les artistes français sont-ils mauvais?
Certainement pas. Si les artistes français sont aussi peu représenté c'est avant tout un problème d'institution. Alain Seban, directeur du centre Pompidou l'avoue: « Longtemps on a répugné à défendre les artistes français de crainte d’être accusé de nationalisme. »
Anne de Conink écrit "Même l’Etat ne croit pas aux artistes français et complique les choses en imposant un double taux de TVA sur la vente de leurs œuvres. Un taux préférentiel est appliqué aux œuvres d’art d’un artiste étranger (5,5%) tandis que l’artiste français sera lui taxé à 10%. L’exception culturelle française... à l’envers." La conséquence? "le marché parisien représente 2,8% du marché mondial, très loin derrière les Etats-Unis et la Chine, quasi ex aequo à près de 33%, et le Royaume-Uni, à 21%."
A cela s'ajoute les baisses de subventions accordées aux lieux d'expositions, l'absence d’apprentissage technique dans les écoles qui n'enseignent plus que le conceptualisme et le marketing, la disparition flagrante de l'Art dans les médias de masse ou sa dépréciation...
Il est actuellement convenu que l'Art est inutile. Pire: il coute de l'argent publique qui devrait revenir aux "honnêtes travailleurs". Le collectionneur et critique Louis Doucet écrit dans sa lettre ouverte intitulée Les artistes - la précarité au quotidien:
"Contrairement à la musique, par exemple, où un quidam reconnaîtra facilement son incapacité à juger d’une composition musicale, les arts plastiques appellent des jugements à l’emporte-pièce, d’autant plus catégoriques que le spectateur est incompétent en la matière. Les «mon enfant de trois ans en ferait autant» et «ça représente quoi?» sont encore monnaie courante, et pas toujours chez les gens les moins instruits.
Qui fera comprendre à ces personnes obtuses que l’art
est un langage, qu’il s’apprend et que les bonnes questions à poser, à se poser, sont plutôt: «qu’est-ce que l’artiste a voulu exprimer?», «qu’est-ce que cette œuvre dit?» ou «qu’est-ce que je ressens devant cette œuvre?»
Mais, en cette matière, médias, institutions et enseignement conspirent activement à la déculturation des Français, jeunes et vieux, pour les faire entrer dans leur modèle de pensée unique"
Christine Sourgins évoque également ce complot: "en France – le pays où s’est inventé la peinture moderne, tout de même – maintenir une peinture de qualité dénoncerait le vide et la fatuité d‘un art conceptuel usé jusqu’au rabâchage mais soutenu par les subventions. Le courant duchampien est par définition prédateur puisque le « détournement » est une de ses logiques favorites : il lui faut donc de la chair fraîche à détourner en permanence… d’où son goût pour le patrimoine qu’il peut squatter et tourner en dérision à loisir. Détruire la Peinture, c’est aussi détruire des critères de jugement esthétique, jusqu’ici internes à l’œuvre : c’est ouvrir la voie à la spéculation qui va remplacer les critères esthétiques par les critères financiers. Il vaut mieux pour la ploutocratie au pouvoir que l’Art au sens propre, au sens premier, existe le moins possible car il attire l’attention sur la qualité ; or l’AC permet de conditionner le spectateur au règne du matérialisme et de la finance, à la dictature du quantitatif et de l’éphémère…" (ici, le terme AC est utilisé pour différencier l'art dit contemporain, de l'art produit par nos contemporains). Pour l’État il s'agirait donc de dévaloriser l'art au sens large pour ne valoriser que l'"Art Business", celui qui pousse à la consommation, qui génère du chiffre et qui, surtout, ne fait pas réfléchir. Ne surtout pas bousculer l'ordre établit.
A ce propos il est "amusant" de noter la sous-représentation des femmes dans le monde de l'Art. Christine Sourgins (encore elle), relate les propos du sociologue Alain Quemin dans son article L'art de la discrimination contemporaine: « Les femmes sont majoritaires dans les écoles des Beaux-Arts mais, plus on accède à des niveaux de visibilité importants, plus leur part diminue. Elles ne sont jamais plus de 22 % au niveau des institutions, et de 10 % sur le marché. Leur situation reste discrète par rapport à celle des hommes, pour ne pas dire dominée - bien que, là encore, les collectionneurs ou les galeristes n'aient pas conscience de privilégier les artistes hommes ». "Le genre" occupe une immense place dans le monde de l'art; beaucoup pensent encore, comme Baselitz: « Les femmes ne peuvent pas peindre, car elles n'ont pas la personnalité nécessaire». Un peu plus tard il ajoutera: "mais j'aime beaucoup les femmes ". Alors, tout va bien dans le meilleur des mondes.
Heureusement, le mois dernier s'est constitué un groupe de discussion sur facebook. Intitulé Économie solidaire de l'art, il regroupe plus de 1000 artistes voulant changer le système. Depuis, de nombreux articles apparaissent dans les médias pour dénoncer le statut des artistes: le début d'une nouvelle ère?
L'inconvénient d'un statut spécial aux artistes, même si il serait déjà une grande avancée, est qu'il les éloigneraient encore un peu plus de la société. On peut déjà voir comme les intermittents sont mal perçus: branleurs, profiteurs, assistés... A mon humble avis, un revenu de base pourrait être la solution, mais il ne s'agit que d'une opinion toute personnelle.
En attendant je vous propose de partager ici anecdotes, liens, images qui montreraient les visions (positives comme négatives) de l'Art dans notre société.
Je commence avec cette caricature de Soulcié:
[img=314x285]https://fbcdn-sphotos-b-a.akamaihd.net/hphotos-ak-xpf1/t1.0-9/10527566_902905483059192_1403526136663041149_n.png[/img]
J'en ai d'autres encore à vous faire partager, mais ce message est déjà bien assez long!
Merci à toutes celles qui m'auront lu et qui voudraient participer.
Si vous voulez en savoir plus, voici les articles cités dans mon commentaire:
- Interview de Christine Sourgins pour Contrepoints
- Art contemporain: Recherche artistes français, désespérément par Anne de Conink
- L'art de la discrimination contemporaine ? par Christine Sourgins
- La précarité des artistes français en 2013 par Louis Doucet
- Les plasticiens en quête de statut par Emmanuelle Lequeux, que j'ai copié ici
- La page facebook Economie solidaire de l'art
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