Le contexte socio-économique est essentiel pour comprendre l'évolution des codes esthétiques, c'est évident.
Tiens, en France, l'influence de Coco Chanel a fait permuter l'idée de peau bronzée de "ringarde" à "tendance", celle-ci ne voulait plus dire "je suis un crasseux qui trime au soleil" mais "j'ai les moyens d'aller aux bains de mer" (sachant que dans les années 1910, on allait à la mer habillé des pieds à la tête pour justement ne pas bronzer mais profiter du bon air marin...)
Les robes au genou ont fait leur apparition dans les années 40 pour obéir aux injonctions d'économie de tissu accompagnant l'effort de guerre, amenant logiquement les grosses robes bouffantes à mi-mollet, signe de prospérité et de prodigalité, dans les USA de l'après-guerre triomphante.
Les coiffures gonflées de l'ère Bardot et des années 80 sont issues de deux courants différents : les années 60, c'est les 30 Glorieuses, la prospérité économique, une population jeune et le plein-emploi. Les coiffures se crêpent pour montrer son statut social -il en faut, du temps pour faire ces édifices de cheveux. L'apparition des textiles synthétiques permet des couleurs, des texture inédites et surtout ! On voit l'apparition d'un marché pour les jeunes, qui se voient détenir un pouvoir d'achat... Et idéologique.
Normal que le ras-le-bol des années 70 opère un revers à 180°, avec longs cheveux plats et fleurs naturelles. On aspire alors à plus de simplicité dans le look et plus d'authenticité dans les idéaux.
Les cheveux bouffants des années 80 sont au contraire une réponse à un contexte économique difficile. La gueule de bois des années peace & love fait place à un idéal cynique et ultra-compétitif. On prend toute la place possible en crêpant ses tifs et en ajoutant des épaulettes énormes à ses vestes de tailleurs. La working girl devient la norme, avec la dictature de la gagne, largement relayée par la pub montrant au kilomètre d'actives salariées courant dans la rue pour rattraper leur rendez-vous, toujours fraîches, bien maquillées et coiffées, qui remportent des marchés difficiles et bouclent leurs dossiers à l'heure sans que leurs bas ne filent.
Il est intéressant de noter que l'arrivée du kawaii au Japon obéit à cette idée de rébellion, car il tranche avec l'idéal de la Yamato Nadeshiko (épouse idéale qui s'habille modestement et a tous les talents d'une parfaite maîtresse de maison) : cette mode infantilisante allait à l'encontre du modèle imposé. Hello Kitty est, d'une certaine manière, une rebelle !