je ne suis pas certaine que toutes nos émotions, tous nos besoins psychologiques soient universels - mais plutôt qu'ils se construisent en fonction des sociétés dans lesquelles nous évoluons.
Du coup, une idée me vient. En enseignement, on nous avait parlé d'enculturation (la transmission d'une culture à l'enfant) mais aussi d'acculturation (la modification de cette culture transmise par le vécu de la personne elle-même : par exemple, j'ai une éducation à la française, mais j'aime bien la culture chinoise, j'ai véçu en Afrique, etc... et toutes ces expériences vont transformer ma vision du monde et de ma propre culture).
Du coup, au niveau psychologique, peut-être qu'il peut y avoir un phénomène d'acculturation des patients et qui peut échapper aux psychologues. Les expériences des patients pouvant être modifiées par plusieurs cultures et donc plusieurs visions du monde, les psychologues peuvent ne pas forcément comprendre les choix d'un individus si la culture du psychologue est trop éloignée de la culture du patient. Il n'y a qu'à voir les différences de symbole par exemple entre les couleurs de la mort en Europe et en Extrême Orient (respectivement noir et blanc), ou encore la vision du suicide dans ces deux régions (considéré comme une maladie en Europe, et considéré comme une manière honorable de partir en Extrême Orient)...
Je crois que beaucoup de gens associent le pardon à l'idée de "j'ai été trahi(e)/floué(e)/violenté(e) etc. et je choisi sciemment d'effacer ça et de redevenir sympa avec cette personne".
A cela, il y a un problème grave : le fait que plus ou moins consciemment, il y a une pression sociale pour associer "pardon" à "effacement total de l'ardoise" sous peine de se faire passer pour une personne horrible. D'ailleurs, par rapport à l'article, c'est par rapport à l'étape 2 que beaucoup de personnes font blocus : "
C’est pour nous que nous pardonnons, pas pour les autres.". Et c'est bien le problème : encore trop de personnes ne l'entendent pas ainsi (tant que ça ne les touche pas directement, hein, sinon c'est pas drôle).
Je pense aussi qu'il y a plusieurs stades de pardon.
Personnellement, je considère "avoir pardonné" à ma mère dans la mesure où je n'ai plus de haine envers elle, même si je ressens toujours de la colère. Après, le fait de ne pas avoir porté plainte pour maltraitances contre elle, ou de ne pas avoir demandé de pension alimentaire, c'est plus par pitié (elle est allée de plus en plus mal, et moi j'avais bénéficié d'une bourse universitaire donc plus besoin d'argent) que par pardon, mais parfois je me dis que ça rentre peut-être dans l'équation, je ne sais pas...
Natascha Kampusch dans son livre, disait qu'elle avait choisi de pardonner à son ravisseur (décision prise alors pendant sa détention qui a duré 8 ans) car elle pensait que c'était le seul moyen de ne pas être détruite par son enfermement et les violences, et d'espérer un jour voir le bout du tunnel.
Après, concernant le pouvoir de pardonner, je dirais qu'on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a.
Souvent les gens parlent de "volonté" quand je pense qu'il serait plus juste de parler de "force".
Personnellement je ne crois pas à la volonté libre, mais plutôt à la force + l'opportunité.
C'est un peu comme ces gens qui font parler les morts à notre place et qui trouvent ça tout à fait normal.
"Si il/elle était vivant/e, il/elle te dirait de faire ceci/cela"... ou qui parle "d’honorer les morts" en vivant bien, ou pire de "dette" envers les morts....
ou comment utiliser les morts pour faire la morale à quelqu'un et la/le faire culpabiliser....
Personnellement, ce genre de chose me débecte au plus haut point.
On peut bien sûr souhaiter à celleux qu'on aime de bien vivre, mais transformer ça en "honneur" ou "exigence", en plus de faire parler des morts qui n'ont rien demandé, c'est faire bien peu de cas de la condition de la personne elle-même et de son ressenti.
On ne peut pas faire plus que ce qu'on peut avec ce qu'on a...
Je ne sais pas pardonner, je suis très rancunière.
En fait, personnellement, je pense à un "juste milieu". Ne rien pardonner, ça peut risquer de nous mettre en permanence en situation de colère voire de haine, et ça peut nous bloquer. Par contre, "trop pardonner" peut avoir l'effet que certaines personnes ne nous respectent plus car elles comptent sur ce pardon pour nous poignarder en continu. Un peu comme le cycle pervers de la violence conjugale : je te blesse je m'excuse tu pardonnes je te blesse encore je m'excuse encore tu pardonnes encore etc etc...
Parfois c'est difficile de savoir comment, jusqu'à quel point, quand, à qui pardonner...
Après, comme je le disais plus haut, c'est à mes yeux surtout une question de force et d'opportunité...
On ne peut faire que ce qu'on peut avec ce qu'on a. Si l'on ne peut pas pardonner, c'est aussi parce qu'il y a des raisons.