"Non, je n’avais pas envie d’être une personne aigrie. Oui, je voulais être quelqu’un qui dit des trucs sympas. Et en respectant ouvertement les autres, j’ai commencé à me respecter moi-même, à arrêter de me voir constamment comme inférieure à eux."
En fait, je pense que je suis une personne assez aigrie. Pas forcément dans le sens habituel car je ne considère pas les autres responsables de ma peine ('fin sauf les personnes qui sont directement responsables et qui m'ont maltraitée) mais parce que j'ai fini par détester le genre humain (ce qui m'empêche pas d'apprécier quelques individus quand-même) et que je me sens prisonnière d'un monde dans lequel je ne me reconnais pas et dans lequel je ne me vois pas vivre heureuse - et donc une vie dans laquelle ça ne vaut pas la peine de faire des efforts car peu importe à quel point on va mieux, ça n'aurait aucun intérêt si c'est pour rester dans ce même monde dans lequel on ne s'identifie toujours pas. Ça fait des années que cette vision n'a pas bougé...
Bref, tout compliment à mon égard est quasi-automatiquement interprété par moi soit comme de l'hypocrisie, soit comme de l'incompétence.
Sur ce dernier point, une personne qui estime que je fais un bon travail alors qu'elle n'a même pas les compétences pour en juger et qui ne m'a même pas vue à l'oeuvre : ça m'énerve énormément ce genre de raccourci car on voit à des kilomètres que ces remarques sont uniquement faites pour remonter le moral de quelqu'un tout en se basant sur... sur rien, en fait;
et personnellement, je préfère qu'on reste sur du concret et du constructif, en reconnaissant les points faibles et là ok on peut tenter de remonter le moral dans une mesure raisonnable en tentant de montrer ce qui peut être amélioré, plutôt que de se reposer sur des paroles qui personnellement n'ont aucun effet sur moi car je vois bien que la personne n'est pas "qualifiée" pour juger, et forcément sa parole n'a aucune pertinence de mon point de vue...
Dit comme ça, ça paraît glacial comme type de raisonnement, mais je suis comme ça. Je préfère rester réaliste et que les compliments ne dépassent pas le cadre réaliste (autrement dit, que les compliments ne soient pas équivalents à des plans sur des comètes). Car le mensonge aussi, même avec une intention bonne à la base, je ne supporte plus (trop bouffé par le passé).
J'ai une logique à deux vitesses : d'un point de vue extérieur, je peux sembler être impitoyable par rapport à moi-même, même si je peux parfois apprécier certaines choses que je fais.
Récemment, par exemple, je pense que même si mon travail était loin d'être parfait (introduction du vocabulaire trop courte avant l'activité principale), je pense que j'ai eu une bonne idée et qui a plu aux élèves - en gros je leur ai fait visiter Paris et Aix-Marseille sur Bing Maps grâce à Street Side (l'équivalent de Street View) à 2 sur chaque ordi, avec une élève avec un plan et un chemin tracé, qui guidait en français l'autre élève qui se baladait sur street view. Et ça a vraiment bien marché.
Par contre, si je suis généralement très dure envers moi-même, (et je pense que j'ai plutôt raison de l'être, je pense réellement que je ne suis pas une bonne enseignante et ça me gêne beaucoup car je me sens complètement hypocrite dans mon travail), j'essaie d'être exactement l'inverse par rapport aux autres, et de les encourager un maximum, jusque dans le vocabulaire que j'utilise (je ne dis jamais "c'est mauvais", mais plutôt "tu peux améliorer ceci", par exemple) ou ma manière de corriger les copies (3 couleurs : rouge pour les fautes, vert pour les trucs bien, et bleu pour les conseils; à la fin, les copies de mes élèves ressemblent à des kaléidoscopes mais au moins ils ne voient pas que du rouge et se disent qu'ils ne font pas que de la m*** et pour moi c'est essentiel).
Les encourager, oui, mais sans jamais faire des compliments que je trouverais hypocrites, car dans ce cas, je préfère me taire (car je vois pas quoi dire).
Et même plus, si j'estime qu'une personne que je considère largement supérieure à moi aurait besoin d'un coup de pouce pour quelque chose, même si je pense "qui suis-je pour lui offrir mon aide vu qu'elle est largement supérieure à moi?", je le fais quand-même (c'est la logique du "au cas où" qui l'emporte). C'est peut-être stupide, d'aider une personne qu'on considère comme supérieure, je sais pas, mais je préfère rester fidèle à mes principes, même si ça veut dire lui donner les armes pour creuser encore plus l'écart de supériorité entre cette personne et moi...
Bref, mon comportement envers moi-même est à l'opposé de celui que je peux avoir envers les autres sur ce point-là.
Et je reçois tellement mal les compliments que mon comportement peut aller jusqu'à pousser exprès l'autre à me détester en étant méchante exprès pour qu'elle revoit son regard positif sur moi à la baisse. Parce que quelque part, j'aurais interprété son compliment comme de l'hypocrisie et donc comme une forme d'agression (ou comme un manque de compétences pour juger, mais dans ce cas j'ai simplement envie de demander que ces personnes se taisent au lieu de dire des choses dans le vent alors qu'elles ne savent pas de quoi elles parlent; par conséquent, je ne vais pas jusqu'à être méchante si la personne juge sans trop connaître, mais je vais lui dire que ça me gêne).
Dit comme cela, ça peut paraître extrêmement dur, mais c'est ma manière de fonctionner. Je déteste entendre des trucs illégitimes (que ce soit par pitié, mensonge, ou manque de compétences), j'en ai trop entendu par le passé.
Par contre, qu'on me comprenne bien : certes, j'accueille quasi-systématiquement très mal des compliments, mais il y a certaines personnes (de part leur position ou parce que je les connais très bien) que je trouve tout à fait légitimes, même pour les compliments. Si ce sont ces personnes, alors oui, ça aura de l'effet car je sais qu'elles savent ce que je souhaite entendre (cad ce qu'elles constatent réellement, et non des trucs balancés juste pour remonter le moral sans rien derrière).
Pour le respect envers soi-même, je ne sais pas quoi en penser.
Car se respecter soi-même, c'est aussi ne pas se mentir à soi-même, et par un raisonnement un peu tordu, peut-être, on peut peut-être considérer que se voir inférieure et l'accepter, c'est une forme de respect si on considère que c'est vrai et que les réactions des autres "pour nous remonter le moral" ne sont qu'une forme nauséabonde de pitié.
Après, le paradoxe évidemment, c'est que je ne penserais jamais de cette façon pour un/e proche. Ce qui fait de moi une hypocrite, quelque part, sur ce point... mais j'assume...
En tout cas, à mes yeux, c'est quand-même plus facile d'encourager les personnes qu'on estime, que de le faire envers soi...