Ce sujet est dédié aux réactions concernant ce post : Célébrons l'écologie le 22 avril avec la journée mondiale de la Terre !
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Depuis le 20 janvier 2017 et l’investiture de Donald Trump, chaque jour amène son lot d’annonces fracassantes et de décrets liberticides. Les sciences, et plus généralement le monde académique, font partie des premières cibles de la nouvelle administration. Une hostilité idéologique à l’égard des sciences s’exprime désormais dans la doctrine officielle de la Maison Blanche. Le président Trump a ainsi dès les premiers jours cherché à contrôler les programmes de recherche susceptibles de recevoir des crédits fédéraux, et restreint la diffusion des résultats de grandes agences fédérales comme l’Agence pour la Protection de l’Environnement (EPA), à la tête de laquelle a été placé un climatosceptique proche des lobbies de l’énergie.
Pourquoi Trump cible-t-il ainsi le monde universitaire et la recherche ? Pour la même raison qu’il cible le journalisme d’investigation : les scientifiques comme les journalistes utilisent une méthode basée sur la collecte, la vérification et l’analyse des faits. Impossible pour eux de souscrire à la fabrication pure et simple et à l’utilisation de pseudo-faits (« alternative facts ») et de « post-vérités » pour donner crédit à des positions idéologiques favorisant les grands lobbies industriels ou religieux sur des sujets aussi divers que le changement climatique, la vaccination, l’économie, le port d’armes, l’interruption de grossesse, les mouvements migratoires ou les relations internationales… À la pointe de cet obscurantisme, négateurs et idéologues de l’alt right s’allient à la Maison Blanche et à de puissants lobbies industriels pour semer le doute sur les faits pourtant rigoureusement documentés et consensuels au sein de la communauté des sciences du climat et de l’environnement. Niant le consensus scientifique autour de l’impact des activités humaines sur le réchauffement de la planète et la nécessité d’y remédier par des stratégies d’adaptation globales et aiguillées par des résultats scientifiques sûrs, les nouveaux pouvoirs en place cherchent à asservir le travail des agences scientifiques aux intérêts à court terme des grandes firmes industrielles.
Les communautés scientifiques états-uniennes, pourtant peu politisées, n’ont pas tardé à mettre en place des stratégies de résistance comme la sauvegarde de données sensibles susceptibles d’être effacées sur ordonnance (DataRescue), des manifestations contre le décret anti-immigration affectant les ressortissants de sept pays à majorité musulmane, qui aurait des effets désastreux sur la collaboration scientifique, mais aussi la création de comptes de réseaux sociaux « renégats » (rogue) ou « alternatifs » pour la NASA, l’EPA ou les instituts nationaux de santé, qui tous échappent au contrôle de l’État. Inspirée de la Women’s march, l’organisation d’une March for Science à Washington et dans d’autres villes états-uniennes fait partie de ces initiatives. Elle aura lieu le 22 avril prochain, le Jour de la Terre, pour signifier l’immense danger que représente la mise au pas des sciences. Ces mouvements décentralisés et spontanés se sont étendus à l’étranger. « La science n’a pas de patrie », disait Pasteur, son universalisme fait sa force et sa grandeur.
Si la négation des résultats scientifiques (issus des sciences de la nature comme des sciences humaines et sociales) est pour l’heure moins développée en France qu’aux États-Unis, les motifs d’inquiétude n’en restent pas moins nombreux. Cela concerne des prises de position répétées de nos responsables politiques : du haro sur la soi-disant « culture de l’excuse » des sciences humaines et sociales au retour du « roman national » dans les programmes d’histoire, jusqu’aux sorties de route climatosceptiques d’un ancien Président de la République, sans oublier l’intronisation du moteur diesel « au cœur de la mobilité environnementale ». Les orientations « stratégiques » de l’État sur la recherche et l’enseignement supérieur ces dernières années sont une autre source de préoccupation. Dans la maigre part consacrée aux sciences des programmes politiques des principaux candidats à la prochaine élection présidentielle de 2017, et ce quel que soit leur bord, celles-ci ne comptent qu’à travers leur mise au service de l’innovation et de l’« économie de la connaissance ». Cette vision étriquée et à court-terme contribue à l’affaiblissement des recherches fondamentales, menées sur le long terme, qui seules permettent de suffisamment comprendre notre monde et nos sociétés pour détecter et aider à anticiper ses évolutions futures.
Aux États-Unis, en France et partout ailleurs, les sciences doivent être remises au cœur du débat public. Marcher en nombre, comme ont décidé de le faire les scientifiques états-uniens, et ceux d’au moins huit pays européens, est un moyen d’y parvenir. La Marche citoyenne pour les Sciences en France initiée le 27 janvier participe de ce mouvement international. Synchronisée dans plusieurs villes de France où des comités locaux sont en cours d’organisation, elle rassemblera le 22 avril prochain toutes les citoyennes et tous les citoyens qui estiment que, dans notre démocratie, la reconnaissance de la démarche scientifique fondée sur la collecte, la vérification, et l’analyse rationnelle de faits et la garantie de son indépendance vis-à-vis des pouvoirs en place sont des enjeux essentiels. Hasard du calendrier, cette grande manifestation aura lieu la veille du premier tour de la présidentielle. C’est une formidable opportunité de montrer que sciences et démocratie forment un couple inséparable.
Les signataires : Olivier Berné, astrophysicien, chargé de recherche au CNRS, Toulouse ; Margaux Calon, chargée de médiation scientifique, CNRS, Paris ; Adrien Jeantet, doctorant en physique à l’Université Paris Diderot ; Patrick Lemaire, biologiste, directeur de recherche au CNRS, initiateur de Sciences en Marche, Montpellier ; Emmanuelle Perez Tisserant, Maîtresse de conférence en histoire, université Toulouse II Jean Jaurès ; Arnaud Saint-Martin, sociologue, chargé de recherche au CNRS, université Versailles-Saint-Quentin, au nom du comité d’organisation de la marche pour les sciences