J'ai vu l'émission (sur France 2, je crois
).
Il y avait l'interview du photographe en question en parallèle avec ce que racontait le modèle. Cela m'a marqué car le mec témoignait à visage découvert. Il croit réellement être quelqu'un de bien et être totalement innocent de ce dont l'accuse (pourtant plusieurs) ces mannequins.
Son incapacité d'empathie, de remise en question m'a consterné. Je ne suis évidement pas choquée, parce que des types comme lui il y en a plein.
Mais ça fait prendre conscience à quel point ces mecs n'ont aucune idée (et s'en foutent) de ce qu'on vit, nous les femmes. Notre point de vue n'a aucun impact sur eux. Ils sont trop habitués à ce que LEURS sensibilités, leurs avis, leurs opinions... soient ce que la société prend en compte en priorité.
On pourrait pourtant croire que c'est simple.
Ton boulot c'est de prendre en photo des mannequins. Tu n'as pas le droit de les toucher même dans le cadre d'un shooting (en tout cas pas sans leur consentement). Et surtout, le fait de les photographier ne te donne pas la permission de leur sauter dessus. La plus part du temps, ce sont des jeunes filles
(c'est pourquoi, je trouve que l'industrie du mannequinat devrait changer et arrêter de faire bosser des enfants en les habillant comme des adultes. Marre de mettre en valeur uniquement la jeunesse. La jeunesse, l'innocence c'est beau, mais l'expérience c'est sexy. .... enfin je m'égare, c'est un autre sujet) qui n'ont pas forcément d'expérience avec des hommes. Des jeunes filles intimidées par un homme plus âgé, à qui on a donné du pouvoir sur elle. Un homme qui peut, s'il la critique, détruire leur carrière. Alors dire non, demande une grande force de caractère, une expérience de la vie qu'elles n'ont pas forcément encore.
Quand j'écoutais son témoignage, cela a été facile pour moi de m'identifier. Moi aussi je me suis souvenue de cet homme sur moi qui me touchait et dont je ne voulais pas qu'il me touche. "Ce mauvais moment à passer".
Dans mon expérience j'étais montée chez lui seule, c'était dans mon esprit ma faute. Même si j'avais dit non, je m'étais mise dans cette situation. Lui c'est un mec bien, c'est moi l'idiote qui ne sait pas ce qu'elle veut. Ma peur qu'il me blesse plus (parce qu'il était vraiment bien plus grand et fort), je connais cet instinct de survie. instinctivement tu as peur de mourir, alors tu te soumets en espérant que ça passera vite. Et après tu n'oses plus dire non, parce que tu crois que tu n'as pas cette liberté.
Elle, c'était la "chance" de sa vie. Non seulement il devait aussi l'impressionner physiquement: un homme plus âgé peut avoir déjà du pouvoir sur toi quand tu es jeune que tu as appris à obéir à ton père, qu'on t'a dit de faire confiance à ce gars et de faire ce qu'il dit. Et je répète, il pouvait en un mot la lancer ou bousiller sa carrière. Alors tu laisses faire. Instinct de survie, envie de réussir. Tu vois ça comme une obligation. "Juste un mauvais moment à passer."
Vraiment je me suis sentie connectée avec elle.
Et lui il m'a glacé le sang.
Sa conviction qu'elle était consentante. Son incompréhension de sa situation. Et il m'a fait rire jaune avec c'est "je m'en souviens pas" (genre) quand une question l'embarrassait. Son envie de donner SA version des faits (l'unique et la bonne
). Personne lui a dit que le travail c'est juste le travail: Ce n'est pas un cheptel de jeunes et jolies belles nana dans lequel tu as le droit de te servir.
Comment ne peut-il pas arriver à comprendre que du point de vue de la fille, elle n'avait pas le choix?
Il se pense irrésistible à ce point?
C'est pourtant évident, à partir du moment où tu es dans une position de pouvoir sur quelqu'un, tu ne peux pas entrer dans une relation amoureuse ou sexuelle avec cette personne. Pour la simple raison qu' il est difficile de définir le consentement dans cette dynamique.
Cela m'a fait réaliser aussi à quel point mon violeur est persuadé aussi d'être un type bien de son côté.
Ça demande un incroyable courage de témoigner. Parce que nous, les filles, on sait, on comprend.... mais la plus part des gars et même de certaines filles, non. "Fallait dire non". Moi j'ai dit non, ça n'a servi à rien.
Et le pire c'est que nous, ça nous détruit, ça nous marque, ça nous change... Eux ils continuent et ils n'y pensent même plus. Ils étaient dans leur "droit".
Ma seule petite consolation dans cette histoire. C'était comme elle n'était pas la seule mannequin à se plaindre de ce photographe, il a été blacklister.
Mais pour combien de temps?