Cela faisait des années que je voyais que les Brésiliens étaient mécontents, j'ai juste été très surprise par la vitesse à laquelle ce mouvement a pris de l'ampleur. Les Brésiliens, lorsqu'ils vont dans les rues, manifestent pour des dizaines de raisons différentes, pas forcément liées, mais qui les révoltent depuis un bon bout de temps.
Je trouve que ces manifestations sont une bonne chose.
Il y a toujours eu un ras-le-bol général contre la classe politique au Brésil qui enchaîne les affaires de corruption. Au-delà du seul thème du prix des transports, c'est celui de la corruption qui est le plus important à mon avis. On trouve un exemple frappant dans l'Etat d'où je viens, le Maranhao. Le gouverneur actuel est Roseana Sarney et ce depuis 2009 après l'avoir déjà été entre 1995 et 2002. Cette femme est la fille de José Sarney qui a été gouverneur du Maranhao, vice-président du Brésil, président du Brésil et Président du Sénat jusqu'à aujourd'hui. On dit que c'est cette famille qui, en arrière plan, dirige le Brésil. On parle même d'oligarchie. Les soupçons (qui parfois sont des faits établis) sur des histoires de corruption dont ils seraient les principaux protagonistes existent par centaines. Et quand on regarde le Maranhao, la qualité de vie, l'état des routes, des écoles, des hôpitaux, et qu'on compare avec toutes les gigantesques demeures et les comptes bien fournis dans de nombreux paradis fiscaux de la famille Sarney, il y a de quoi être révolté.
Ce qu'ils appellent là-bas le "cancer" qui ronge le pays de l'intérieur est bien toute cette classe politique malhonnête qui profite des impôts élevés pour se remplir les poches sans le moindre scrupule. La surface de cet immense iceberg a commencé à être dévoilée avec le fameux Mensalão, ensemble de grands procès contre des hommes politiques corrompus de l'ère Lula. J'espère que ces manifestations aideront à accélérer le mouvement et surtout qu'elles ouvriront les yeux à ceux qui votent encore pour de telles figures politiques.
Il y a bien entendu le thème des transports. Ils sont chers, en mauvais état (moins de le sud du Brésil bien entendu), certaines routes ne sont pas entretenues (dans le Nordeste il y a des trous, parfois énormes, dans les rues en plein centre ville) et les réseaux de transports en commun pas assez développés et efficaces.
L'éducation est aussi un sujet qui fâche. Les professeurs gagnent une misère, beaucoup d'enfants encore ne sont pas scolarisés et l'accès aux universités publiques est très compliqué car les places sont extrêmement limitées et les études dans les universités privées, qui restent alors la seule alternative, coûtent parfois très très cher.
Quant à la santé, il y a énormément de progrès à faire également. Les hôpitaux publics sont souvent bondés et le matériel n'est pas du tout approprié aux besoins des médecins. J'ai vu beaucoup de Brésiliens outrés par la proposition de Dilma qui voulait régler le problème en embauchant des centaines de médecins cubains. Ils disaient alors qu'ils n'avaient pas besoin de médecins étrangers, seulement de matériel pour exercer leur métier correctement.
On voit aussi beaucoup de pancartes concernant la suppression du projet PEC 37 (qui a effectivement été supprimé, victoire) qui tendait à limiter le pouvoir d'investigation par le Ministère Public auprès des polices fédérales et municipales qui sont au coeur de nombreuses polémiques. D'autres pancartes souhaitent le départ du président de la commission des droits de l'homme, Marcos Feliciano, une véritable crapule. On voit énormément de choses, des choses très différentes mais à chaque fois pour plus d'égalité et surtout plus de justice dans ce gigantesque pays.
Pour toutes ces raisons, je pense que ces manifestations sont nécessaires.
Cependant, on assiste à une montée de la violence, comme dans tout mouvement de foule qui prend une si grande importance. De nombreux organisateurs ont alors décidé de mettre fin aux manifestations puisqu'il y avait beaucoup de débordements et qu'elles perdaient leur sens initial.
Il y a également beaucoup de partis de droite voire d'extrême droite qui essayent de s'approprier ces manifestations et cela effraye la plupart des manifestants brésiliens qui sont modérés et qui ne cherchent pas à faire de la propagande pour quelconque parti politique.
Je trouve également cela dangereux de demander de boycotter la Coupe du monde. Enormément d'argent a déjà été investi, si la Coupe du monde ne se déroule pas comme prévu, les pertes financières en seront encore plus douloureuses et la situation du pays ne fera qu'en pâtir.
Le sujet est énorme et très compliqué, en tout cas merci pour cet article, il permet de se faire une bonne idée générale