Bonjour.
Avant tout, je voudrais préciser que je ne veux l'avis que et uniquement de personnes concernées, donc racisées et subissant les oppressions elles-mêmes.
Je suis un role-player de longue date, à la base uniquement sur forum, et désormais également en GN mais surtout en JdR sur table. Généralement, quand je crée un personnage en JdR sur table, je joue avec jusqu'à sa mort (sauf situations particulières, comme par exemple un JdR qui n'a jamais été reconduit), donc mes personnages me tiennent sur des campagnes longues. Depuis le début de ma carrière de rôliste j'ai joué des personnages des deux genres binaires (grosso-modo 15 femmes et 7 hommes), de sexualités hétérosexuelles et bisexuelles, cis, blanc•he•s (ou non-humains donc ça ne compte pas), valides sauf 2, jeunes (moins de 40 ans) sauf 4, de classe sociale basse/paysanne/ouvrière/servile (au moins 8 ), moyenne/artisan/militaire (au moins 4) et riche/noble/intellectuelle (au moins 4) . Mon féminisme et ma conscience politique s'étant développé•e•s ces dernières années, j'essaye aujourd'hui de jouer des personnages plus divers... notamment du fait que mon entourage n'est pas forcément féministe, pas forcément déconstruit, et pas forcément conscient des problèmes de manques de représentation dans la fiction, et notamment en JdR.
Une amie féministe a lancé il y a un mois et demi un JdR basé dans l'univers de Firefly. Firefly est une série TV américaine de science fiction dont le concept peut se résumer par : des cowboys dans l'espace, dans un monde où les cultures américaines et chinoises (les 2 puissances de l'ancien monde qu'est le nôtre) se sont fondues ensemble. Les oppressions économiques/classistes sont, je dirais, plus exacerbées que dans notre monde. Les oppressions raciales se sont un peu calmées mais existent encore : si, sur le plan économique et politiques, les personnes racisées sont bien représentées et présentes partout dans l'espace public, des commentaires sont faits dans un épisode d'une femme noire à un homme noir, la première enjoignant le second à "arranger ses cheveux" (crépus) car ils ont fait peur à une fille blanche, qui s'est mise à hurler en le voyant... Les oppressions sexistes sont au même stade que dans notre monde dans les années 2000. Je crois que les oppressions homophobes/biphobes ont disparues, car je n'ai vu aucun regard ou commentaire négatif lorsque des personnages ont des relations homosexuelles/bisexuelles. Il existe une instance très sélective nommée la Guilde des Compagnons, n'admettant que les jeunes filles et jeunes hommes des familles les plus riches et prestigieuses, et qui sont formées comme étant un mélange des hétaïres (ces femmes grecques très savantes et cultivées, invitées à de nombreuses réceptions, prostituées entièrement libres de choisir avec qui elles couchent, et qui sont maîtresses absolues de leur sexualité) et des geisha. Les Compagnons et Compagnes sont, dans Firefly, extrêmement bien perçues par la haute société car connues comme des dames (il y a moins d'hommes que de femmes dans leurs rangs) très raffinées, très cultivées et dont la compagnie se paye à prix d'or, et qui sont entièrement libre d'accepter ou refuser des clients. Les classes sociales plus basses (donc classe moyenne incluse) qui ne peuvent pas s'offrir leurs services sont plus mitigés à leur sujet : dans la série, on voit le héros slutshamer Inara, une Compagne qui voyage avec le groupe et qui est montrée très positivement ; le pasteur qui voyage avec eux n'est pas ravi d'apprendre qu'Inara est Compagne ; et le médecin de bord est carrément gêné en l'apprenant mais après il s'en fiche. J'adore ce concept de Compagne, malgré l'aspect classiste, car c'est une des rares visions positives à la télévision des prostitué•e•s comme étant des personnes libres, qui choisissent ce qu'elles font de leur corps et de leur sexualité, et qui sont valorisées.
C'est donc dans cet univers que j'ai crée mon personnage, Zamora Sissako (d'après le cinéaste Abderrahmane Sissako, dont j'apprécie le travail, mais elle n'a rien à voir avec lui). Et le fait de jouer ce personnage m'a fait me poser des questions sur ma légitimité à le jouer, en tant que personne non-concernée, ayant des privilèges blancs.
Je vous présente rapidement Zamora : c'est une jeune femme diplômée de la Guilde des Compagnons, fille d'un couple d'investisseurs, qui est fan d'Inara (la Compagne rebelle qui a vécu une histoire d'amour torride avec un pirate) et qui décide d'acquérir un Firefly (type de vaisseau très rétro utilisé pour transporter à la fois des passagers et du bétail) pour partir vivre des aventures aux quatre coins de la galaxie, et ne pas rester bloquer toute sa vie entre la Guilde et ses parents qui la sortent un peu comme une bête de foire aux cérémonies parce que c'est tellement cool d'avoir une fille Compagne quand on est président du fonds d'investissement Sissako&Co. Zamora est noire. Elle est musulmane pratiquante, profondément pacifique, bien intentionnée et parfois hypocrite du fait de ses bonnes intentions (par exemple, elle use de mensonges éhontés pour se sortir de situations embarrassantes, mais en essayant de se convaincre elle-même que si c'est pour la bonne cause ça passe) mais parfois classiste "émerveillée" (oh, ils font comme ça ceux qui n'ont pas les mêmes moyens que moi ? comme c'est amusant !). Elle n'a aucune conscience des réalités - par exemple elle se lance pour le hobby dans des activités de détective privée, et débarque dans le bureau du parrain de la mafia d'une des planètes avec une toute petite escorte dont un garde du corps qui connaît trèèèès bien de quel genre de personnage il s'agit et qui a des sueurs froides à chaque fois qu'elle ouvre la bouche (et je crois que seuls mes jets de dés ont fait que c'est passé quand même et qu'on est pas tous morts ce jour là x)), notamment des réalités économiques (le coût de la vie lui est complètement inconnu). Elle devient condescendante quand elle se sent en difficulté dans un débat.
LE POUR => Je trouve qu'il y a beaucoup, beaucoup trop peu de personnages racisés non asiatiques dans les JdR. Dans l'imaginaire collectif occidental, si on ne précise pas la couleur des personnages c'est qu'il est blanc par défaut, dans les univers de fantasy les Noir•e•s n'existent purement et simplement pas.
LE CONTRE=> Je n'ai pas construit Zamora comme un personnage noir. Juste comme un personnage. Sauf que je me pose la question : est-ce que je devrais ? Est-ce que je devrais davantage penser aux problématiques que cela implique, d'être noire (même si riche) dans une société qui conserve au moins du racisme latent ? Est-ce que ce n'est pas insultant pour des personnes racisées que l'on crée des personnages racisés sans avoir complètement conscience de tout ce que ça implique ? On pourrait dire "oui mais on peut s'inventer être quelqu'un d'autre sans savoir tout ce que ça implique, c'est ça le JdR, incarner quelqu'un d'autre", sauf que les problématiques qu'encontrent les personnes noires sont réelles, dans notre vrai monde, et les mondes de JdR se comprennent dans un contexte : le nôtre.
Voilà. Si des personnes concernées ont le temps ou l'envie de me répondre, j'aimerais bien savoir ce que vous en pensez. Si des personnes blanches commentent, j'aimerais bien que ce ne soit pas pour essayer de justifier le fait que vous jouiez vous-mêmes un personnage noir, parce que vous êtes dans le même bateau que moi du coup, et je veux savoir ce qu'en pensent les personnes qui sont noires dans mon cas, et racisées en général pour tous les autres cas où on pourrait jouer des personnages qui peuvent vivre leurs oppressions.
Avant tout, je voudrais préciser que je ne veux l'avis que et uniquement de personnes concernées, donc racisées et subissant les oppressions elles-mêmes.
Je suis un role-player de longue date, à la base uniquement sur forum, et désormais également en GN mais surtout en JdR sur table. Généralement, quand je crée un personnage en JdR sur table, je joue avec jusqu'à sa mort (sauf situations particulières, comme par exemple un JdR qui n'a jamais été reconduit), donc mes personnages me tiennent sur des campagnes longues. Depuis le début de ma carrière de rôliste j'ai joué des personnages des deux genres binaires (grosso-modo 15 femmes et 7 hommes), de sexualités hétérosexuelles et bisexuelles, cis, blanc•he•s (ou non-humains donc ça ne compte pas), valides sauf 2, jeunes (moins de 40 ans) sauf 4, de classe sociale basse/paysanne/ouvrière/servile (au moins 8 ), moyenne/artisan/militaire (au moins 4) et riche/noble/intellectuelle (au moins 4) . Mon féminisme et ma conscience politique s'étant développé•e•s ces dernières années, j'essaye aujourd'hui de jouer des personnages plus divers... notamment du fait que mon entourage n'est pas forcément féministe, pas forcément déconstruit, et pas forcément conscient des problèmes de manques de représentation dans la fiction, et notamment en JdR.
Une amie féministe a lancé il y a un mois et demi un JdR basé dans l'univers de Firefly. Firefly est une série TV américaine de science fiction dont le concept peut se résumer par : des cowboys dans l'espace, dans un monde où les cultures américaines et chinoises (les 2 puissances de l'ancien monde qu'est le nôtre) se sont fondues ensemble. Les oppressions économiques/classistes sont, je dirais, plus exacerbées que dans notre monde. Les oppressions raciales se sont un peu calmées mais existent encore : si, sur le plan économique et politiques, les personnes racisées sont bien représentées et présentes partout dans l'espace public, des commentaires sont faits dans un épisode d'une femme noire à un homme noir, la première enjoignant le second à "arranger ses cheveux" (crépus) car ils ont fait peur à une fille blanche, qui s'est mise à hurler en le voyant... Les oppressions sexistes sont au même stade que dans notre monde dans les années 2000. Je crois que les oppressions homophobes/biphobes ont disparues, car je n'ai vu aucun regard ou commentaire négatif lorsque des personnages ont des relations homosexuelles/bisexuelles. Il existe une instance très sélective nommée la Guilde des Compagnons, n'admettant que les jeunes filles et jeunes hommes des familles les plus riches et prestigieuses, et qui sont formées comme étant un mélange des hétaïres (ces femmes grecques très savantes et cultivées, invitées à de nombreuses réceptions, prostituées entièrement libres de choisir avec qui elles couchent, et qui sont maîtresses absolues de leur sexualité) et des geisha. Les Compagnons et Compagnes sont, dans Firefly, extrêmement bien perçues par la haute société car connues comme des dames (il y a moins d'hommes que de femmes dans leurs rangs) très raffinées, très cultivées et dont la compagnie se paye à prix d'or, et qui sont entièrement libre d'accepter ou refuser des clients. Les classes sociales plus basses (donc classe moyenne incluse) qui ne peuvent pas s'offrir leurs services sont plus mitigés à leur sujet : dans la série, on voit le héros slutshamer Inara, une Compagne qui voyage avec le groupe et qui est montrée très positivement ; le pasteur qui voyage avec eux n'est pas ravi d'apprendre qu'Inara est Compagne ; et le médecin de bord est carrément gêné en l'apprenant mais après il s'en fiche. J'adore ce concept de Compagne, malgré l'aspect classiste, car c'est une des rares visions positives à la télévision des prostitué•e•s comme étant des personnes libres, qui choisissent ce qu'elles font de leur corps et de leur sexualité, et qui sont valorisées.
C'est donc dans cet univers que j'ai crée mon personnage, Zamora Sissako (d'après le cinéaste Abderrahmane Sissako, dont j'apprécie le travail, mais elle n'a rien à voir avec lui). Et le fait de jouer ce personnage m'a fait me poser des questions sur ma légitimité à le jouer, en tant que personne non-concernée, ayant des privilèges blancs.
Je vous présente rapidement Zamora : c'est une jeune femme diplômée de la Guilde des Compagnons, fille d'un couple d'investisseurs, qui est fan d'Inara (la Compagne rebelle qui a vécu une histoire d'amour torride avec un pirate) et qui décide d'acquérir un Firefly (type de vaisseau très rétro utilisé pour transporter à la fois des passagers et du bétail) pour partir vivre des aventures aux quatre coins de la galaxie, et ne pas rester bloquer toute sa vie entre la Guilde et ses parents qui la sortent un peu comme une bête de foire aux cérémonies parce que c'est tellement cool d'avoir une fille Compagne quand on est président du fonds d'investissement Sissako&Co. Zamora est noire. Elle est musulmane pratiquante, profondément pacifique, bien intentionnée et parfois hypocrite du fait de ses bonnes intentions (par exemple, elle use de mensonges éhontés pour se sortir de situations embarrassantes, mais en essayant de se convaincre elle-même que si c'est pour la bonne cause ça passe) mais parfois classiste "émerveillée" (oh, ils font comme ça ceux qui n'ont pas les mêmes moyens que moi ? comme c'est amusant !). Elle n'a aucune conscience des réalités - par exemple elle se lance pour le hobby dans des activités de détective privée, et débarque dans le bureau du parrain de la mafia d'une des planètes avec une toute petite escorte dont un garde du corps qui connaît trèèèès bien de quel genre de personnage il s'agit et qui a des sueurs froides à chaque fois qu'elle ouvre la bouche (et je crois que seuls mes jets de dés ont fait que c'est passé quand même et qu'on est pas tous morts ce jour là x)), notamment des réalités économiques (le coût de la vie lui est complètement inconnu). Elle devient condescendante quand elle se sent en difficulté dans un débat.
LE POUR => Je trouve qu'il y a beaucoup, beaucoup trop peu de personnages racisés non asiatiques dans les JdR. Dans l'imaginaire collectif occidental, si on ne précise pas la couleur des personnages c'est qu'il est blanc par défaut, dans les univers de fantasy les Noir•e•s n'existent purement et simplement pas.
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LE CONTRE=> Je n'ai pas construit Zamora comme un personnage noir. Juste comme un personnage. Sauf que je me pose la question : est-ce que je devrais ? Est-ce que je devrais davantage penser aux problématiques que cela implique, d'être noire (même si riche) dans une société qui conserve au moins du racisme latent ? Est-ce que ce n'est pas insultant pour des personnes racisées que l'on crée des personnages racisés sans avoir complètement conscience de tout ce que ça implique ? On pourrait dire "oui mais on peut s'inventer être quelqu'un d'autre sans savoir tout ce que ça implique, c'est ça le JdR, incarner quelqu'un d'autre", sauf que les problématiques qu'encontrent les personnes noires sont réelles, dans notre vrai monde, et les mondes de JdR se comprennent dans un contexte : le nôtre.
Voilà. Si des personnes concernées ont le temps ou l'envie de me répondre, j'aimerais bien savoir ce que vous en pensez. Si des personnes blanches commentent, j'aimerais bien que ce ne soit pas pour essayer de justifier le fait que vous jouiez vous-mêmes un personnage noir, parce que vous êtes dans le même bateau que moi du coup, et je veux savoir ce qu'en pensent les personnes qui sont noires dans mon cas, et racisées en général pour tous les autres cas où on pourrait jouer des personnages qui peuvent vivre leurs oppressions.