Il y a deux rhétoriques que je trouve fort déresponsabilisantes quand on parle impact socio-environnemental de nos consommations :
- la théorie du colibri selon laquelle il conviendrait de faire pipi dans la douche pour chancher le monde, sans toucher à rien ;
- l'inverse qui est de se scandaliser quand on juge un comportement individuel au regard des enjeux sociaux et climatiques ;
J'entends que la principale part de responsabilité est portée par l'absence de volontarisme et l'hypocrisie des gouvernements vis-à-vis du dérèglement climatique. Je suis d'accord : sans loi, sans contrainte juridique, sans pénalisation, on n'arrivera à rien. En revanche, s'outrer dès qu'on ose dire que quelqu'un.e qui a le privilège nécessaire pour consommer différemment ne le fait pas, c'est tout aussi déresponsabilisant. Oui, on a une part de responsabilité : oui, faire pipi dans la douche, ne plus acheter du Made in China, faire isoler son logement en exploitant des niches fiscales, ne plus se déplacer en voiture pour des trajets pour lesquels c'est dispensables etc, il faut le faire, dès qu'on peut en fait. Parce qu'à force de ne pas se juger, de respecter les libertés individuelles gna gna gna, bah on fait rien, on continue de nourrir le système qui n'hésite pas à nous bouffer en retour. J'ai les moyens de ne pas acheter de vêtements chez Zara ? Ben je suis désolée mais si je le fais quand même, je porte une part de responsabilité. C'est comme ça. On peut assumer d'en avoir rien à faire, n'empêche que je m'expose à 1/ ma propre culpabilité 2/ le jugement de celleux qui soit sont activistes et/ou n'ont pas les moyens d'adopter un comportement vertueux, soit de celleux qui font ces efforts nécessaires. Parce que la demande c'est pas une personne mais c'est un groupe de consommateurs. Si on s'y met pas tous : on va jamais y arriver. Justement parce que les gouvernements ne font rien, eux. Consommer différemment c'est contraignant ? Ben ouais, peut-être. Parfois aussi, il suffit de moins consommer : ça ne pose pas de contrainte. Quand on peut : faisons-le.
Les pleurnicheurs ce sont quand même surtout ceux qui disent 'ouin ouin, je suis allée au marathon de New York sur 3 jours et maintenant on me juuuuuuge'. Ben ouais, on te juge. Et c'est : normal. Notre liberté individuelle à aller au marathon de New York quand on habite à Paris j'en ai pas grand chose à faire quand elle contribue à un système qui déplace des populations entières parce que leur lieu de vie est devenu invivable.
Et je dis ça en tant que pollueuse : je fais mon maximum et quand je merde, ben je merde. Je chouine pas sur ma liberté individuelle à porter ce pull tissé par des Ouïghours en fait. J'ai merdé et j'entretiens cette culpabilité qui, quand j'aurai besoin d'un pull la prochaine fois ben j'espère bien que j'y réfléchirais à deux fois et que je serais plus rigoureuse sur le choix de la marque. Et si c'est la culpabilité ou le jugement d'autrui qui m'y poussent : ok, pas de problème, c'est un levier comme un autre dans une situation globalement catastrophique en fait.
Et dernier point parce que mon discours fait un peu "quand on veut on peut" : non. Si tu as déjà pas de quoi manger le 4 du mois, fais ce que tu peux en fait. Mais quand on peut en revanche, on doit.