Je me prépare à des réactions indignées, mais là pour le coup, je vais me faire l'avocate du diable.
D'une, vue la formulation de la définition du "délit d'entrave numérique" (selon les termes de l'article L 2223-2 du code de la santé publique), je ne pense pas qu'un site comme celui évoqué dans l'article soit touché. Très clairement la mention "dans un but dissuasif" est lourde de subjectivité. Quand bien même une action serait entreprise contre ces sites, il faudrait prouver qu'il y a un but dissuasif derrière leurs propos. Et c'est compliqué à prouver, parce que justement ce n'est pas dit explicitement et ce ne sera jamais dit. Je ne sais pas si l'extention de la définition du délit d'entrave était nécessaire, mais ce qui est sûr c'est que ce ne sera pas efficace.
Faut être lucide, jamais ces sites n'afficheront leurs intentions ainsi : "bonjour, nous sommes contre l'IVG et notre site est destiné à vous dissuader d'y avoir recours".
De deux, comment déterminer les affirmations mensongères ? Je suis allée faire un tour sur ce site, et pour la plupart, leurs propos sont appuyés par des liens vers de études. A titre perso, j'ai eu la flemme d'aller toutes les voir, de les éplucher pour mesurer la légitimité scientifique de ces études. Devant un juge, ces études seront épluchées mais est-ce qu'un tribunal français prendra le risque de se prononcer sur la valeur scientifique d'une étude citée sur un site pro-life ? Et surtout, est-ce que c'est le boulot d'un tribunal ? Si le tribunal refuse de se prononcer, ça veut dire qu'il ne peut pas non plus se prononcer sur le caractère mensonger du propos etayé par l'étude en question. S'il se prononce, attendez-vous à une levée de bouclier de la part de la communauté scientifique (car ce n'est pas à la justice de se prononcer sur la scientificité d'une étude, c'est à la communauté scientifique elle-même).
Qu'est-ce qui est plus efficace pour lutter contre ces sites ? Qu'est-ce que l’État aurait pu faire ?
- mettre le paquet sur le référencement des sites officiels
- préempter les noms de domaines, quitte à indemniser les sites déjà existants, mais au moins posséder tout ce qui contient "ivg", "info" ou "conseil" en .net et .fr
- mettre le paquet sur la prévention/information dans les établissements scolaires et chez les professionnels de santé (rendre obligatoire l'info sur le planning familial et/ou le centre pratiquant l'IVG les plus proches dans chaque pharmacie et chez chaque médecin déjà ce serait pas mal)
- "nationaliser" les appellations de service téléphonique "info service". En gros, refondre les lignes d'info publiques, que chaque personne sache, en voyant la mention "xxx info service" que c'est le numéro vert approuvé par le gouvernement et présentant l'information officielle. Et, dans un monde idéal, ce serait pour tous les domaines de la vie : santé, travail, droits sociaux, impôts, éducation... Alors oui, c'est probablement très compliqué à mettre en place, mais l'apport auprès des personnes qui ont besoin d'informations complètes et non biaisées serait infiniment plus concret que celui d'un délit qui ne sera pas applicable.