Mon témoignage, lettre pour ma grand-mère partie il y a quelques jours. J'ai si mal au cœur.
Ma Mamie chérie,
J’étais encore petite quand j’ai pris conscience qu’un jour, je risquais de devoir vivre sans toi.
Ça m’a fait si peur que je t’ai écrit une lettre aussitôt. Je te disais qu’il fallait prendre bien soin de ta santé. Je voulais que tu vives longtemps Mamie, qu’on continue à s’aimer fort, à être complices toutes les deux au moins jusqu’à ce que je sois grande. Parce qu’une fois adulte, une fois raisonnable, je serai moins triste quand tu partirais n’est ce pas?
Tu m’avais rassurée. « Dans ma famille on est solides et on vit longtemps! Il ne faut pas penser à ça petit Loulou... ».
Tu ne m’as pas menti Mamie. Tu as vécu longtemps. 95 belles années. Le temps de voir Clémence et moi devenir adultes, d’avoir deux arrières petits enfants. Tu as été vaillante et solide comme tu avais promis.
C’est moi qui me suis trompée Mamie. On n’a pas moins de peine une fois qu’on est grand. On sait que c’est la vie, qu’on ne peut rien contre, mais on est triste quand même. On parle de belle mort, que c’est mieux ainsi, mais c’est des mensonges tout ça. La vérité c’est qu’on ne veut pas que le temps passe. On veut rester avec les gens qu’on aime pour toujours, pas seulement pour toute la vie.
J’ai détesté la fin Mamie. J’ai détesté te voir dans cette maison de retraite. J’ai détesté devoir te chercher des yeux au milieu de tous ces fauteuils roulants. J’ai détesté les aides soignantes qui n’avaient jamais le temps de rien. J’ai détesté devoir leur sourire et leur dire merci alors que je pensais qu’elles étaient indifférentes à ta personne et que j’avais envie de les griffer quand elles ne voulaient pas te donner du sucre avec ton yaourt.
Mais c’est toujours pareil. Je me trompe. Tu as été bien soignée Mamie. Tu n’as pas été malheureuse. Je crois être en colère contre le personnel d’une maison de retraite mais ce n’est pas vrai. Je suis en colère contre la vie qui donne puis qui reprend. Je suis vexée de ne pas avoir pu changer le cours des choses.
On vit en famille, entre amis, entourés. On offre et on reçoit de l’amour, et en même temps on accepte de souffrir lorsque celui qu’on aime et qui nous aime nous quittera. C’est injuste et c’est cruel et je voudrais frapper dans les murs tellement ça me et en rage.
Mamie je voudrais te revoir dans ta blouse rayée bleu et blanche sur le seuil de ta maison. Je voudrais fouiller dans le frigo et trouver des crevettes et du poulet rôti. Je voudrais que tu me prépares une mayonnaise. On s’assiérait sur le banc de pierre et on écouterait Marcelle appeler ses chats. On marcherait jusqu’à St-Michel et on irait ramasser les pommes de terre.
Reviens Mamie, juste une journée. Une journée d’été avec un barbecue, des frites, un après midi au lac, une glace à la pistache et une soirée devant la télé. Une seule journée avec Clémence, Papa, Maman, Papi et toi, comme quand on était petites.
Mon Papi la bricole. J’espère que tu l’as retrouvé. Il nous manque beaucoup. Dis lui que Léo porte aussi son prénom. Que Théo a ses yeux bleus.
Ma sœur, je sais que ton papi te manque.
Maman, je sais que quand ton papa est parti, ça a cassé ton cœur.
Tu nous as laissés Mamie. Tu as laissé Maman toute seule.
Merci d’avoir pris soin d’elle enfant. Merci d’avoir été sa maman à elle. Ta fille unique s’est bien occupée de toi tu sais. Elle n’a rien laissé passer. Elle s’est battue pour ta dignité et pour ton confort chaque jour. Tu as beaucoup occupé ses pensées.
Ma Maman chérie. Pense à toi maintenant. Souffle. Papa et toi méritez de prendre soin de vous, uniquement de vous, d’être égoïstes enfin.
Je ne veux pas finir ce texte Mamie alors je continuerai à te parler dans ma tête.
J’ai si mal au cœur. La nuit, ça m’empêche de respirer.
Je ne peux pas vivre sans toi mais personne ne demande mon avis, surtout pas Dieu auquel tu ne crois pas.
Je vais juste te souhaiter une bonne nuit Mamie. Un jour on se retrouvera. J’espère que tu seras fière de la vie que j’aurai menée.
Je t’imagine assise avec Marcelle et Dédée à nous regarder d’en haut. J’espère qu’on vous fait rire et sourire.
Ma Mamie, je t’aime de tout mon cœur. Jusqu’à la fin tu m’as dit que toi aussi tu m’aimais. Merci de me laisser ce beau souvenir.
Bounaneu Mamie. Repose toi bien.