@Camility Jane
(d'abord, désolée, je galère avec les multiples citations, je vais essayer de faire sans et d'être claire quand même)
"Je ne comprends pas, tu dis que les transfuges de classe valident le "quand on veut, on peut" ?
Ceux que je connais ont bien conscience qu'ils ont eu la chance de rencontrer la bonne personne au bon moment. "
Il me semble que c'est ce que Jaquet dit plus ou moins entre les lignes d'après ce que j'ai compris (que les transfuges valident cette maximes)
De mon côté, j'ai souvent entendu le refrain du genre "oui, mais moi, j'y suis arrivée, donc avec de la bonne volonté et du travail tout le monde peut le faire" (ce qui revient au "quand on veut on peut".
Je ne dis pas qu'aucun transfuge n'a conscience du facteur "chance", que ça n'existe pas, mais en tout cas, un certain nombre reprennent "quand on veut on peut". Il faudrait que je revois l'entretien pour être sûre mais si Jaquet dit ça, étant donné que c'est son champ d'étude, il est possible que ce soit une vision assez majoritaire, tout du moins assez importante pour qu'elle soit signalée. Il faudrait regarder de plus près son travail, et également si d'autres scientifiques ont étudié cette question.
"Je crois qu'on est d'accord, tu dis que ce n'est pas juste une histoire de compétence, et mon propos était simplement que dans les 15min de reportage le mot compétence n'était jamais lâché (et pas du tout que c'était le seul ressort, juste qu'il manquait). Et ça me semblait surprenant de dire que les bourgeois reprochaient un manque de travail ou de volonté, justement parce que d'habitude les gens utilisent plutôt le "les chiens font pas des chats" pour justifier la reproduction sociale."
Il est possible qu'elle n'y fasse pas allusion, parce que ce n'est pas son sujet.
Je ne dis pas qu'il n'est pas intéressant de creuser ce sujet là, juste que son bouquin et ses recherches s’intéressent aux transfuges, donc aux classes sociales et leurs reproduction (ou non pour le coup).
Elle travaille sur un aspect, une "fenêtre" d'études précise.
Bien sûr que les recherches pourraient être élargie (car c'est sans fin, on peut relier énormément de choses entre elles), mais j'ai l'impression que son travail est est sur une vision "micro" (dans le sens où on va travailler un aspect particulier d'un phénomène, mettre une loupe dessus, pour souvent, plus tard avoir une vision plus élargie, souvent appelée "macro").
On peut juste difficilement traiter de tous les sujets en même temps.
Pour moi, le fait qu'elle se réfère à Bourdieu et à son travail sur la reproduction sociale induit que cette question de compétences à déjà été "traitée" (comme je disais plus haut, à compétences égales, l'origine sociale à plus de poids).
Mais il est vrai que ça peut être problématique pour la compréhension si on ne connaît pas du tout les travaux auxquels elle fait référence. (perso je connais les grandes lignes, car dans les détails, c'est assez ardu à lire).
J'ai peut être un biais, mais de mon côté, j'entends/lis plus souvent des histoires de méritocratie, de "les gens n'ont qu'à travailler plus", "avec de la volonté, on peut y arriver" (par exemple le mythe de l'homme qui n'est parti de rien et qui est devenu millionnaire par la seule force de sa volonté) de la part de la bourgeoisie, et presque un refus de l'idée de reproduction sociale que le contraire. Que ce soit dans le réel, dans des articles et divers médias.
"En te lisant je me suis fait la réflexion : si elle n'interroge que des transfuges de classe, forcément, elle n'aura que des gens qui veulent (d'où le "quand on peut on veut"). Pour moi il faudrait interroger des gens qui peuvent et voir s'ils veulent tous"
Encore une fois, c'est un autre sujet, il ne s'agit pas des transfuges de classes.
Mais c'est intéressant de se poser la question .
Effectivement les gens qui 'peuvent" sont souvent conditionnés à "devoir" faire, à suivre tel chemin, tel parcours, pour garder le même statut, ne pas être "déclassé" .
Même si leurs capital financier et culturel d'origine auront tendance à finalement les maintenir dans la même classe sociale.
C'est effectivement aussi une sorte d’aliénation. Il faudrait voir s'il y a des écrits là dessus, et à mon avis, cela ne m'étonnerait pas que cela existe. Si j'ai le temps, je vais regarder si on peut trouver quelque chose là dessus.
Pour ton exemple, cité plus haut, de l'ingénieur qui quitte tout pour faire un travail manuel : pour moi, c'est encore du "quand on peut, on veut" (bien que là, c'est un choix personnel, ce ne sont pas les parents qui poussent à faire des études dans telle branche pour "réussir sa vie" non dicté par ses origines).
Une personne de classe supérieur aura d'avantage de ressources (personnelles ou de sa famille), qu'elles soient financières ou patrimoines, pour tout plaquer, se former de nouveau, et s'établir à son compte par exemple (si on prend le travail manuel) qu'un ouvrier qui peine à finir la fin du mois, n'a pu faire aucune économie, aura un chômage déplorable s'il cesse de travailler. Il n'a pas les moyens de s'arrêter pour reprendre des études d'ingénieur, et/ ou pas les ressources nécessaires pour s'installer à son compte.
J'ai l'impression que ces reconversions, dont on entend parler de plus en plus régulièrement, sont principalement à sens unique. (classe moyenne sup ou sup qui se dirige vers des métiers manuels, opère un retour à la terre ou se forme pour un métier qui "a du sens").
Encore une fois, c'est ceux qui peuvent (grâce à leur positionnement dans la société et donc leur capital) qui se donnent la possibilité de changer de vie. (entendons nous bien, je n'ai aucun jugement sur ces personnes, c'est très bien si elles le peuvent, mais force est de constater ce n'est pas donné à tout le monde)
"Là tu m'as perdue en route (découle de quoi ?)."
C'est vrai que la phrase était pas forcément placée au bon endroit ^^
"Quand on peut, on veut" > seules les personnes qui ont les capacités (financières, culturelles et sociales) et/ou les opportunités d'accéder à quelque chose (ici à un métier/ hautes études : donc soit maintenir sa position sociale, soit monter à la classe supérieure), se donne le droit de vouloir y accéder.
Exemple (basique mais pour illustrer) : un fils de prolo, qui n'a jamais entendu parlé de l'ENA ne va pas avoir comme objectif d'y rentrer (et s'il en entend parler, il sera sûrement trop tard, par rapport au dossier, au "cursus honorum", etc), par rapport à un fils d'avocat, dont les parents vont être derrière lui pour qu'il ait un très bon dossier, les bons établissements, lui faire prendre des cours particuliers, fasse une prépa pour qu'il puisse accéder aux hautes écoles. (ici, la volonté de l'enfant n'est pas pris en compte, mais comme dis plus haut, c'est un autre sujet).
Une personne issue de la classe supérieure aura toujours matériellement plus de choix / possibilités (et donc pourra aspirer à plus de choses) qu'une personne de classe pauvre. La première aura peu de difficultés à se former pour un nouveau métier socialement moins valorisé si elle a envie. Pour la seconde, si elle veut se reconvertir et se rediriger vers un emploi socialement plus considéré, ce sera beaucoup plus difficile.
"Enfin, je crois que mon problème principal est le suivant : le retournement de formulation a vocation à être toujours vrai ou majoritairement vrai ?"
En sciences humaines, je crois qu'il y a rarement des vérités absolues, qui s'appliquent strictement à tout le monde, il y a toujours des exceptions. Mais il y a des tendances. Pour voir dans quelles proportions ( majoritaire ou pas), il faudrait regarder plus en détail le travail de Jaquet, les chiffres et statistiques ainsi que les échantillons.