Ce parcours est super émouvant : de père malgache et mère française, on ne m'a jamais appris la langue non plus. Mon père craignait d'aggraver le racisme à notre égard, si on développait "l'accent" qui fait sa honte, du fait de son éducation coloniale, d'une violence inouïe. Résultat, au crépuscule de sa vie, ni mon frère ni moi ne sommes capables ne serait-ce que de lire cette langue. Faute de moyens, nous ne sommes retournés au pays qu'une seule fois en 25 ans, immédiatement après ma naissance. Je souffre de le voir déraciné, incapable de rencontrer un réel écho lorsqu'il nous décrit son attachement à la Grande Île.
Sa santé ne lui permettra jamais d'y revenir vivant, il est en froid avec sa famille sur place : comment me sentir légitime à y aller sans lui ? J'ai peur de ce que je peux y trouver, mais j'ai aussi peur de constater que rien ne me lie à ce pays. Même si demain, je devais avoir le budget, je ne suis pas sûr-e d'oser sauter le pas. Je ressens aussi ce fameux vide, et je ne suis jamais parvenue à finir un chapitre de Fanon tellement ses mots reflètent mes sentiments. J'ai l'impression que c'est trop tard pour moi et pour notre famille, qui ne retrouvera jamais ses racines. Courage et bravo à Mai !