J'ai aussi ma petite histoire de cercle vertueux ! Je vous préviens, ça va être long.
Ça s'est passé quelques semaines plus tôt ; je venais de passer mon permis pour la première fois et je savais que je l'avais raté. L'examinateur m'avait traitée comme une idiote, ça m'avait fait perdre tous mes moyens. J'avais donc passé ma journée à pleurer et à me lamenter car je ne supporte pas l'échec, bref, le drame.
Le soir venu, je regardais par la fenêtre, occupée à remettre en question la totalité de mon existence, lorsque j'ai aperçu ma voisine de l'immeuble d'en face, qui avait un comportement étrange : elle faisait les cent pas dans la cour d'un air désespéré, puis elle se campait devant la porte de l'immeuble, avant de repartir plus loin, et ça plusieurs fois de suite. Je connais un peu cette dame, même si nous n'habitons pas dans le même bâtiment : c'est une vieille dame qui se promène tous les jours dans le quartier avec son chat. J'adore les regarder se balader car le chat marche lentement et se retourne régulièrement, comme pour vérifier que sa maîtresse le suit toujours, et on dirait vraiment qu'il fait exprès de rester dans son champ de vision ; c'est adorable. Je n'ai jamais vraiment eu de conversation avec cette vieille dame, mais j'ai l'impression qu'elle me reconnaît quand je passe devant elle.
Revenons à nos moutons : j'étais dans mon perchoir (quatrième étage sans ascenseur) toisant la ville d'un air dédaigneux, pleine de haine envers la terre entière et persuadée que je n'étais qu'un énorme étron fumant condamné à faire du vélo toute sa vie, lorsque tout à coup j'ai aperçu cette petite mamie si mignonne qui semblait en difficulté pour rentrer chez elle. Ni une ni deux, j'ai enfilé un pantalon, j'ai arrangé mes cheveux afin d'avoir l'air présentable (souvenez-vous, j'avais passé la journée à me rouler dans le désespoir, je ressemblais donc à un vieux chiffon) et j'ai foncé vers elle.
Une fois dehors, je lui doucement tapoté l'épaule en disant :
« Madame, j'habite en face et je vous ai vue depuis ma fenêtre. J'ai l'impression que vous n'arrivez pas à rentrer chez vous. Avez-vous besoin d'aide ? »
Et là, toutes les vannes se sont ouvertes. Ses yeux se sont remplis de larmes, et elle a réussi à me dire entre deux hoquets qu'elle avait oublié ses clés à l'intérieur de son appartement, qu'elle avait essayé d'appeler sa voisine avec l'interphone mais que cette dernière ne répondait pas, qu'elle ne savait pas quoi faire. Elle a ajouté : « En plus, mon petit bébé est tout seul à l'intérieur ! », je savais qu'elle parlait de son chat.
Je lui ai pris la main pour la calmer, en disant : « Mais ça n'est pas grave madame, ne vous inquiétez pas, on va sonner à n'importe quel interphone, on expliquera la situation et la personne vous laissera rentrer, d'accord ? » elle a acquiescé, mais j'ai bien vu qu'elle était trop timide pour le faire ; j'ai donc sonné au premier numéro de l'interphone, et, après avoir demandé son nom à la dame, j'ai expliqué qu'elle habitait dans l'immeuble et qu'elle était coincée dehors. L'homme qui avait décroché a bien sûr accepté d'ouvrir la porte, et nous sommes rentrées. J'ai raccompagné la dame chez elle (elle avait laissé la porte de son appartement déverrouillée, heureusement), j'ai même rattrapé le chat au passage qui s'était enfui dans le hall, et tout s'est bien terminé. Elle était grandement soulagée, elle s'est confondue en remerciements, puis elle m'a fait un câlin et un bisou sur la joue pour me remercier, en me disant que j'étais formidable. J'étais émue par sa gentillesse, je pense qu'elle avait vraiment eu très peur.
Vous allez me dire : « Mais en quoi diable cette histoire est-elle un cercle vertueux ? » hé bien tout simplement car j'avais passé une journée atroce, et que cette dame qui m'a fait des compliments et un câlin m'a mis du baume au cœur et m'a redonné confiance en moi. J'ai même pu prendre son chat dans mes bras ! (J'adore les chats). En rentrant, je me suis dit : « Il y a peut-être des choses plus graves dans la vie que de rater son permis, comme les vieilles dames enfermées dehors sans personne à appeler par exemple. » Ça m'a mis une petite claque, j'ai réalisé que j'avais passé la journée à me morfondre pour pas grand-chose, mais c'était nécessaire.