J'ai autant d'intérêt pour la mode masculine que pour la mode féminine. C'est à dire, un intérêt extrêmement développé pour le vêtement, et un intérêt certain pour la mode d'un point de vue sociologique. Les deux (homme et femme) me semblent indissociables, tant parce que leur coexistence participe à leur définition mutuelle, que parce que fondamentalement elles ont la même essence (et peuvent n'être qu'une sur bien des aspects) (je parle du vêtement, de sa fonction et des possibilités qui y sont liées - l'exploitation de ces possibilités dans notre société introduit au contraire une forte dichotomie entre mode masculine et mode féminine(mode au sens mode +vestimentaire)).
Quant à l'offre en matière de vêtement masculin, elle est certes plus restreinte en prêt à porter de masse car (entre autres) le souci de l'apparence est toujours considéré comme un attribut à valeur féminine (depuis pas si longtemps, gardons le à l'esprit) et n'a pu s'appliquer à l'homme de manière décomplexée que depuis peu, mais des designers regorgent d'inventivité, de talent et de créativité dans leur ligne homme (ou dans leur ligne unisexe, ou sans sexe). Il y a certes des choses hideuses et complètement ridicules dans les défilés homme; c'est également le cas dans les défilés femme, nous sommes seulement plus habitués (et quelle fashion week femme n'a pas son lot de sempiternelles critiques sur le sérieux des designers).
Les références ont tendance à être un peu brouillées si on considère les deux comme deux altérités : un bon designer homme ne sera pas forcément un bon designer femme (je vais citer Damir Doma même si c'est un peu fort parce qu'il y a des choses intéressantes dans ses collections femme, mais typiquement j'ai largement préféré ses modèles hommes portés par des femmes dans son défilé aw10/11 que ses collections femme), et inversement (cf Haider Ackermann), un designer peut également exceller dans les deux disciplines, parce qu'il ne se force pas à les séparer fondamentalement (cf Ann Demeulemeester), ou parce que son travail consiste à repenser le vêtement hors des normes sociales de genre tout en étant au-delà de la transgression de ces normes (cf Yohji Yamamoto ou Comme des garçons). C'est un peu plus subtil mais je pense que c'est également le cas pour une marque, un nom - son imaginaire intègre plus ou moins bien l'une ou l'autre. Or dans le système actuel la renommée d'un designer, et encore plus d'une marque, a une importance capitale. On aura donc tendance à mettre en avant des collections qui ne sont pas forcément les plus pertinentes.
Par ailleurs, la médiatisation de la mode homme arrive tout juste à maturité - les codes, les repères, les attentes sont encore floues, on se réfère un peu à ceux de la mode féminine tout en y mélangeant une composante farouchement inverse pour marquer une opposition, le manque d'instruction des consommateurs quant à l'histoire du costume masculin rend les références soit creuses soit élitistes, la subtilité de cette histoire contemporaine les contraignant soit à relever de l'emprunt grossier soit à être indécelables pour le profane, en même temps on peine à dépasser des barrières profondément ancrées si ce n'est par à coups sans impact de masse, la mode masculine mainstream s'embourbe dans son post-modernisme sans chercher à briser les chaînes qui la cantonnent à une position frivole. Notre représentation sociale et notre histoire contemporaine créent une différence entre mode masculine et mode féminine, le langage de l'une ne peut suffire à décrire l'autre, c'est pourtant cette solution qui est adoptée jusqu'ici.
Pour répondre à la question, non je ne sortirais probablement pas avec un fashionista parce que la mode en tant que dogme à suivre ne m'intéresse pas, en revanche l'intérêt que porte un homme au vêtement (et non pas aux vêtements) est un énorme atout pour moi, pour ce que je considère que ça implique - souci esthétique et souci de l'origine des objets sorti de la logique de consommation primaire.