Etudiante assistante sociale en formation, je bosse depuis le mois de novembre dans l'équipe de rue d'une ville de province. Nous sommes trois, un assistant social et un éducateur spécialisé à aller à la rencontre des personnes sans domicile de la ville. Comme la croix rouge, nous "maraudons", visitons les lieux fréquentés par les personnes (restos du coeur, places et rues populaires, squats...) et nous essayons de re-tisser un lien avec les personnes et de les entraîner dans une dynamique d'insertion.
Je voudrais réagir car, en tant que future "professionnelle", ma vision est différente de celle des bénévoles.
Tout d'abord car nous avons des formations qui nous permettent d'appréhender les difficultés des personnes avec plus de billes que des bénévoles qui, bien souvent peu ou pas formés, peuvent être démunis face à certaines situations (je pense aux nombreux refus des personnes d'être accompagnés, aux refus de l'hébergement d'urgence etc). Je voudrais dire à celles et ceux qui sont intéressés par ce genre d'initiatives de se protéger également, la rue est un univers hostile et si on est un peu fragile, on risque de se faire plus de mal qu'autre chose. Je vous conseille de lire des articles ou des bouquins, et plus particulièrement des auteurs comme Chobeaux, Declerck ou Damon. Mais ne vous jetez pas à l'aveuglette dans cette aventure (que perso je trouve passionnante, mais souvent très dure émotionnellement, comme confirmé dans le témoignage).
Enfin je voudrais réagir à la "culpabilité" évoquée dans l'article. Personnellement, je ne vois pas pourquoi nous devrions nous sentir coupables de quoi que ce soit. Je ne crois pas que ce soit à nous, citoyens, de gérer la "misère" des sans domiciles fixes. Tout d'abord parce que nous ne sommes pas responsables de la mise à la rue des personnes, ensuite parce que c'est à l'Etat d'assumer sa responsabilité.
Je trouve intéressantes des initiatives comme le 115 du particulier, mais je les trouve très très dangereuses :
pour les accueillants : le public de la rue est difficile, souvent dépendants à des produits, avec des troubles psychiatriques, c'est très rarement l'image du bon pauvre oublié par la société. Franchement, accueillir certaines personnes c'est se créer des difficultés voire se mettre en danger.
pour les accueillis : envoyer dormir des personnes chez des inconnus, c'est risqué, on ne sait pas ou ces gens vont, ce qu'ils risquent...
pour la société : l'Etat cherche, de plus en plus, et notamment en supprimant des moyens dans l'action sociale (spécifiquement dans la réinsertion), de substituer à sa compétence les bons vouloirs des particuliers. Je crois que ça l'arrange beaucoup que les particuliers prennent en charge les SDF, que les associations les accueillent, mais surtout pas des professionnels formés (et donc payés). Les personnes hébergées par des particuliers ne sont plus comptées comme SDF (car elles ne font plus le 115), elles sont nourries par des anonymes,
et ça, ça fait de jolies statistiques de réduction de la pauvreté qui vont permettre de fermer des centres, de virer des moyens.
Le 115 du particulier est une illustration : pour pallier aux manques de l'Etat (qui ferme des centres d'hébergement etc.), ce serait aux citoyens de se mobiliser ? Si je trouve l'initiative louable, je ne suis pas d'accord avec ça, mobilisons nous pour des ouvertures de centres, de dispositifs, mais ne payons pas de notre poche ce que l'Etat doit financer !
Bref, tout ça pour dire que j'admire le travail des bénévoles, aujourd'hui nous travaillons beaucoup avec eux faute de moyens, mais un bénévole ne remplacera jamais un professionnel, même avec toute la bonne volonté du monde.
Et non, ne culpabilisez pas de voir des gens à la rue, c'est de la compétence de l'Etat de prendre en charge ces personnes, de leur trouver des logements, de les nourrir, de les soigner. Pas de la notre.
manuuuuuue : en effet, mineure tu ne pourras pas participer. Mais en attendant, pourquoi ne pas te documenter, lire des bouquins, mater des films, rencontrer bénévoles et professionnels... ? Et quand tu te sentiras prête, tu pourras te lancer !