Je n'aime pas le
glurge, c'est plus fort que moi. J'ai aimé ça à une époque mais maintenant, ça m'écoeure. Je trouve que la générosité spontanée est quelque chose de fantastique (d'ailleurs, j'ai
donné mes plaquettes et je parraine un enfant) mais pour moi, utiliser nos bons sentiments (avec une histoire que j'ai déjà lue dans une chaine de lettres) pour nous vendre des téléphones portables, c'est un coup bas.
Cette pub apparaît peut-être émouvante au premier coup d'oeil mais pour moi, elle est bourrée d'implications malheureuses. La femme du début est présentée comme un personnage cruel et égoïste alors qu'elle s'est simplement défendue contre un voleur. Les antidouleurs étaient peut-être réservés spécialement pour sa voisine de 80 ans en phase terminale ou sa petite fille de quatre ans gravement malade; il était normal qu'elle refuse de se laisser voler. Imaginez que par la suite, elle se trouve à son tour malade et incapable de payer ses soins médicaux. Va-t-on la laisser mourir pour la simple raison qu'elle a refusé de se laisser faire par un voleur?
Et pourquoi la seule "méchante" de l'histoire est-elle une femme alors que les deux bonshommes sont présentés comme gentils?
Et pendant qu'on s'émerveille sur ce petit garçon fictif, il y a réellement des gens dans le monde qui n'ont pas les moyens de se payer des médicaments ou des soins médicaux. Le fait de pleurer ne les aide pas. Il existe des ONG sérieuses dans le monde entier, pourtant. Si chacune de nous voulait bien donner, mettons, dix euros par an à l'
Unicef ou à n'importe quel groupement sérieux, on pourrait construire des écoles, des dispensaires, financer les études des médecins de demain et rendre le monde vraiment meilleur. On n'aide personne en pleurant devant une pub.
Dernière chose: la générosité spontanée, c'est quelque chose de formidable mais ça ne marche pas à tous les coups. Je sais que c'est pas bien de raconter sa vie mais tant pis: je vais vous raconter la mienne. Dans le métro, je déteste quand on resquille en se collant dernière moi sans me demander mon avis. Quand quelqu'un me demande très gentiment s'il/elle peut resquiller en passant derrière moi, je lui donne toujours un ticket de métro. Ainsi, je ne suis pas complice de vol et je rends un service spontané. J'espère toujours inspirer la personne à qui je donne ce ticket, lui donner envie d'aider quelqu'un spontanément à son tour.
Un jour, une dame m'a expliqué en long en large et en travers qu'elle ne voulait pas de ce ticket, qu'elle me volerait si elle l'acceptait, qu'elle était une bonne chrétienne, blablabla... Je lui ai demandé pourquoi une bonne chrétienne n'avait aucun scrupule à voler la RATP, je lui ai suggéré d'aider à son tour des inconnus et de faire une chaîne de solidarité et d'amitié, elle n'a jamais voulu de mon ticket. Elle a préféré resquiller en utilisant quelqu'un d'autre. No comment.
Je continue de croire en la générosité spontanée. Je suis toujours la nana qui garde des tickets supplémentaires dans son sac pour les resquilleurs polis, je continue de parrainer un enfant d'Afrique et d'essayer d'aider les gens en général. Seulement, pour moi, pleurer devant un glurge, c'est une perte de temps. Pardonnez-moi si j'ai piétiné votre monde de bisounours avec mes gros sabots.