J'ai failli m'étouffer (de joie) avec ma graine de courge en lisant cet article. J'ai commencé à travailler il y a trois ans, un travail que j'aime d'amour et qui n'est pas étranger au sujet du burn out: je suis psychologue. J'ai eu beaucoup de chance, si on peut dire, j'ai trouver un job tout de suite et à temps plein dans le secteur que je cherchais, ce qui est assez rare dans cette profession un peu sinistrée. Très vite, j'ai compris que je ne m'étais pas trompée de voie, que ce boulot me faisait vibrer et que je me débrouillais vraiment pas mal. J'avais des collègues infectes, pratiquement que des femmes, une rivalité au delà du réel, mais je me faisais toute petite. J'étais extrêmement mal payée (je le suis toujours mais ça, j'avais qu'à aimer un autre métier!) mais je m'en foutais, je faisais enfin ce que j'aimais. Je travaillais énormément, je faisais un nombre d'heures sup assez fifou, pas récupérables et pas rémunérées, mais qui sait, le syndrome du jeune diplômé qui a tout à prouver a-t-il eu raison de moi. Ou plutôt de ma santé. J'enchainais les consultations, les groupes, les réunions, je partais à des heures indues et je m'apercevais que mes collègues travaillaient beaucoup moins, partaient à des heures raisonnables, prenaient leurs vacances pendant les périodes scolaires et fumaient des clopes pendant que je voyais les trois quarts des patients de l'établissement, que tout mon travail était passé un crible, épié. On guettait une faute, que Dieu merci je n'ai jamais faite. On s'attaquait à autre chose que mon travail du coup, mes tenues de boulot (toujours classiques et stéréotypée sur le modèle de mes collègues, pas folle la guêpe), mes retards de cinq minutes à des réunions (faut bien aller faire pipi ma bonne dame), et caetera. Au bout d'un an, j'avais perdu sept kilos, la tranquilité de mes nuits et surtout le dernier semblant d'estime de moi qui avait subsisté. Chance, c'était un CDD et je prenais quelques vacances, histoire de rassembler un peu les morceaux, redevenir un humain et retrouver un job. Bingo, Ringo, Jeannie Longo, à mon retour de vacances, on m'offre un CDI dans un autre établissement du groupe, à dix minutes de chez moi et un climat bien moins tendu. Ahem. En fait non. Certes, je n'étais plus épiée, certes je ne passais plus ma vie dans les transports, certes je pouvais enfin récupérer mes heures sup, mais... C'était reparti pour les heures sup au delà du réel, que je n'ai jamais pu récupérer réellement puisque je ne pouvais pas le faire très souvent. Je tenais plutôt bien au début, tout se passait bien avec les patients, les collègues étaient super. Sauf un, qui a toujours été bizarre, un peu fou, un peu perché, un peu on sait pas bien mais ils ont l'air d'être plusieurs là haut. Sauf un qui a fini par me faire une, puis deux, puis beaucoup trop de réflexion sur mon rouge à lèvre, sur mes jambes, des questions assez crues sur ma vie sexuelle, quand ce n'était pas des propositions assez directes de m'enlever ma culotte. Mmmm bon... J'ai commencé à avoir très peur de lui, à l'éviter, à passer des heures à réfléchir à tout ce que je ne devais pas porter pour éviter de le faire flamber comme une crèpe suzette, à faire des cauchemars, à mal dormir, je vous passe les détails. J'en ai parlé à un supérieur hiérarchique avec qui je m'entends bien, qui a conclu que c'était du harcèlement sexuel (oh really?!) mais qui m'a surtout expliqué que mon collègue est fou comme 36 lapins et potentiellement parano (ce qui est oh-so-true. Théorie du complot et tout.), déjà en procès avec l'établissement et pas un mec en face de qui j'aurai envie de me retrouver pour une confrontation. Déjà pas mal épuisée, assez tétanisée par lui, au raz des pâquerettes du moral et doutant pas mal de moi (hey ma poule, t'as pas de preuves!) je n'ai pas chercher à porter plainte, comme une grosse débile. Sauf que je continuais à décliner. Je dormais de moins en moins, j'ai commencé à me bloquer le dos de manière chronique pendant trois mois (coucou la ceinture lombaire!), à continuer les heures sup... Je vous fais pas un dessins sur comment tu te sens comme une grosse merde en situation de harcèlement.
Jusqu'à ce qu'un jour, une personne saine d'esprit et censée, m'ait demandé combien je gagnais et pourquoi je restais dans ce trou à rats (j'oublie de dire que les patients sont très mal pris en charge et la limite avec la maltraitance est parfois assez ténue). J'ai réalisé que j'avais le choix, que je pouvais partir, que je n'étais pas en prison et que je retrouverai un boulot autre part (j'oublie de dire que j'ai la chance de bosser en libéral à côté, que ça marche bien, que je ne suis pas à la rue et que surtout, je suis tellement mal payée dans cet établissement qu'il me suffit d'augmenter un tout petit peu mon activité libérale pour avoir des revenus équivalents).
Quand j'ai posé ma démission ( -hé non mon petit, l'entreprise à une politique très stricte là dessus, on ne fait jamais de rupture conventionnelle! - Mais c'est interdit ça non? -Oui mais bon, vous voulez nous quitter, pas nous faire un procès hein!), j'ai eu la sensation de retrouver enfin ma liberté, ma dignité (oui oui, j'y vais fortiche) et mon dos s'est débloqué comme par magie. Je termine mon préavis dans un mois. Je compte les jours. En attendant, merci Clémence, ça fait chaud au coeur de lire quelque chose de censé, de renseigné et de juste sur la question.
Mister Rebsamen, just for you to know: j'ai une vie perso incroyablement riche et joyeuse et douce. J'aimerais juste être en état d'en profiter pleinement.
Le bécot.