Aaaah Black Beauty !
Comme j'ai saigné la cassette (oui je suis vieille) de Prince Noir et le livre de Anne Sewell !
Le film Prince Noir était assez fidèle au livre : un cheval qui raconte sa vie et par elle, analyse les comportements humains, entre eux et à l'égard des animaux. Né dans un élevage, choyé par une riche famille avec des soigneurs et des propriétaires humbles, aimants et respectueux, il va, au gré des accidents de la vie de ses humain et des mauvais traitements, tomber de plus en plus bas dans les conditions de vie et l'exploitation.
Ce qui parait être un banal récit d'animaux pour les enfants (aujourd'hui, parce qu'à l'époque ce n'était pas vraiment le cas), et en réalité une analyse acérée et complètement visionnaire pour son époque (et même encore maintenant hélas) de l'exploitation animale et de la condition animale et humaine en général.
La deuxième famille de Black Beauty est d'ailleurs une bon exemple : placé avec sa compagne d'écurie par ses premiers propriétaires devant déménager sous les tropiques chez de riches amis à eux, Anne Sewell, à travers les yeux du cheval (et des autres chevaux d'ailleurs qui racontent aussi leur vie et donnent leur avis sur les comportements humains, ce qui fait de certains passages des véritables dialogues sociologiques voire philosophiques !), fait un portrait cruel de la haute société anglaise, pour qui seul l'apparence compte. Les domestiques en prennent pour leur grade, mais toujours parce que les patrons laissent faire.
Le film ajoute quelques scènes assez caustiques et plutôt drôles qui sont complètement dans l'esprit du livre, comme quand Maaadaaame fait poser le cheval dans son salon (!) pour le peindre et qu'elle s'offusque lorsqu'il pose sa pèche.
Bon le côté religieux m'a un peu gavée, mais ça, c'est ma sensibilité perso, et puis l'époque était très religieuse. Et comme la critique des personnes se prétendant bons croyants tout en faisant preuve de cruauté à côté est présente aussi, ça rend la chose intéressante et très pertinente.
L'autrice aborde tous les gros problèmes de son époque : la pauvreté, l'exploitation des hommes et des bêtes, les injustices et la misère sociale (elle parle notamment beaucoup des ravages de l'alcoolisme)...
Ce n'est pas étonnant que ce livre ait fait avancer les mentalités de son époque car sous ses dehors inoffensif de livre pour enfant qu'on lui connait aujourd'hui, c'est un véritable pamphlet. A l'époque il a d'ailleurs fait pas mal polémique, et d'ailleurs l'autrice a écrit cette ouvrage pour ouvrir les yeux des gens sur la condition du cheval, notamment ceux utilisés en ville pour tirer les fiacres.
D'ailleurs, même avec nos connaissances et l'évolution aujourd'hui du regard sur la condition des chevaux et animale en générale, il y a des questions soulevées qui sont toujours d'actualité... près de 150 ans plus tard...
Ce livre est considéré comme un classique en Grande Bretagne, du coup on comprend aussi mieux pourquoi le cheval est considéré comme un animal de compagnie aujourd'hui chez eux, et pourquoi y'a des pistes équestres, des parcs avec des pistes de galops et des carrières, des feux tricolores pour les passages de cavaliers, etc... en plein centre-ville de Londres.
Cerise sur le cake, le livre est écrit par une femme, qui a réussi par ce biais à faire bouger les choses dans son pays, à peser dans le game politique dans une époque pas franchement open pour laisser la parole aux femmes. Et ça, c'est cool !
Bref, lisez le livre de Anne Sewell, regardez Prince Noir qui est une bonne adaptation (à défaut d'être un grand film, même si certaines images de chevaux galopant dans la campagne anglaise sont magnifiques, et en plus c'est un doublage québécois
).
Au passage, le roman a été adapté pas moins de 5 fois, et la première fois en 1921.
Quant à ce nouveau film... Je ne pense pas, au vue du pitch, qu'on puisse le classer comme une "adaptation"... Inspiré de, portant le même titre pour des raisons marketing, ok, mais si on enlève le parcours de vie d'un cheval d'élevage, passant de propriétaire en propriétaire et de pire en pire au fil du temps, le Londres du 19ème siècle, la critique de la société londonienne, etc...
Le seul point commun qui reste c'est que le cheval est noir et qu'il parle en voix-off...
Merci néanmoins
@AlixM d'avoir parlé de ce grand livre (oui oui) qu'est Black Beauty d'Anne Sewell !