Commentaires sur Gwenola Ricordeau : « Le féminisme dominant reste foncièrement carcéral »

[Luthéa]

Si tu supprimes la police et la prison, fatalement, tu supprimes la justice

Mais, non ? Enfin même en dehors de la question de la prison, la justice c'est extrêmement large, et la majorité de la justice implique le civil et non le pénal. Par exemple le juge aux affaires familiales pour les divorces, qui n'implique ni police, ni prison (enfin, ça peut, mais pour des affaires annexes pour le coup).

Après, qui dit justice pénale dit aussi peines alternatives, qui existent, tous les suivis pénitentiaires en "milieu ouvert" : TIG, bracelet électronique,...

 

[Chat-au-Chocolat]

@Luthéa Je parle de la justice pénale, qui est elle-même un maillon de la chaîne pénale. La justice civile n'a rien à voir avec ce sujet.

 

[Arsinoée]

Pour autant, je ne pense pas qu'il faille supprimer les prisons. On pourrait en faire des lieux de réinsertion, où les prisonniers sont invités à réfléchir à leurs actes et pourquoi ils en sont arrivés là. Ça, ce serait déjà une énorme révolution. Et beaucoup plus faisable en pratique que "d'abolir le système pénal" (programme aussi vaste que théorique, pour ne pas dire inexécutable).

C'est déjà le cas en fait. La prison en France vise à protéger la société en mettant à l'écart les personnes considérées comme dangereuse. Mais c'est aussi un lieux de réinsertion. (J'avais le projet pro d'être psychologue PEP (parcours d'exécution de la peine) avant que mes troubles viennent pourrir mon avenir). Théoriquement, pendant le temps d'incarcération, tous détenus doit faire en sorte que ce temps "serve" en travaillant/se soignant/étudiant/assistant à des ateliers de réinsertion.

Pourquoi ça fonctionne pas ? Toujours le manque de moyen et la surpopulation. Y'a juste trop de détenu pour pas assez de personnel. On rencontre de tout dans une prison, du jeune qui a rien à foutre là à celui qui sait très bien pourquoi il y est et s'en beurre la raie parce que ça l'emmerde pas d'être en détention/séparé de ses proches et parce que ses activités illégales lui rapportent de la thunes qui contrebalance largement pour lui le temps d'incarcération (j'ai un exemple très précis en tête qui m'a bien marqué).

La prison, telle qu'elle est utilisée aujourd'hui n'a d'effet "bénéfique" (au sens, mise à l'écart du danger, temps utilisé pour réussir sa réinsertion et absence de récidive à long terme) sur un faible pourcentage de détenu parce que des gens qui n'ont pas à y être y sont envoyé.
A mon sens, il faut développer des structures accueillant des beaucoup plus petits groupes, réunissant les motifs d'incarcération permettant des programmes socio-éducatifs ciblés. Ca demande du temps, de l'argent et des personnes formées. Ca demande des gens au pouvoir qui veulent mettre ça en place et qui ont le dos assez solide pour se prendre le torrents de boues qui viendra des média/peuple parce que ça veut dire que des gens que beaucoup veulent voir moisir dans une cellule sans confort n'y seraient pas. Bref, c'est pas pour demain( ni pour dans 5 ans...)

 

[PetitePaille]

Le but de la prison pour moi c’est aussi d’éviter que les gens fassent justice eux mêmes.
Si un mec viole et tue la fille de qqn par exemple, il faut quand même que la peine soit assez importante pour que le qqn en question n’essaye pas un jour de faire justice lui-même en tuant le type.

Et sinon je suis d’accord avec @Chat-au-Chocolat , la prison c’est loin d’être parfait, surtout comme c’est fait aujourd’hui mais je vois jamais de réelles propositions différentes. C’est toujours plus facile d’être en opposition que d’essayer de se tourner les méninges pour réfléchir à un nouveau système qui conviendrait à tout le monde, c’est à dire qui d’un côté permettrait de réinsérer au maximum les prisonniers mais qui à la fois protègerait la population et satisferait les victimes. L’équilibre est pas si facile que ça.

 

[Kettricken]

@Chat-au-Chocolat @PetitePaille Vous m'étonnez, je crois moi voir des propositions dans la discussions, même si elles sont partielles
Une que j'ai vue (sorry, je sais plus qui l'a proposée) était de plutôt punir par des amendes pour des petits délis, et d'utiliser le budget des prisons pour des solutions type surveillance à domicile pour les grands criminels dangereux.

Là je m'interroge plus sur les personnes qui ne sont pas de grands criminels genre Fourniret mais qui sont un danger pour leur proche, comme les maris violents.
La détention à domicile ne marche pas. Les stages de parole pour homme violents ne les empêcheront pas immédiatement d'aller retaper sur leurs compagnes.
Donc quoi : le domicile appartient direct à la victime, l'homme paie toujours sa part mais est relocalisé dans un foyer pour autres personnes du même genre, sans être en prison. Et on ajoute des groupes de paroles, des formations etc ?

 

[Mellys]

@Kettricken et encore, perso j'ai un doute sur l'efficacité des amendes car
- d'une part tu auras ceux qui ont la tune et qui s'en foutent des amendes. Y a qu'à voir en Belgique avec les collectionneurs d'amendes de roulage, c'est juste le jour où ils se retrouvent avec un retrait (temporaire) de permis que ça commence à les faire chier (et ça les empêche pas de recommencer après).
-d'autre part, il y a les délinquants issus des classes économiquement défavorisées et pour lesquels je doute également de l'efficacité des amendes, car c'est les enfoncer encore plus dans les soucis financiers qui souvent les ont amenés à la délinquance justement.

Pour ma part, je suis convaincue que la prison telle qu'elle est ajd n'est pas une solution, la police telle qu'elle est en France non plus (niveau police, j'ai quand même l'impression que la situation est plus enviable en Belgique, avec encore une police de proximité, des policiers qui ne sont pas que dans la répression, etc. Mais je ne fais pas partie d'une minorité donc probablement je me rends moins compte des dérives)
Mais pour autant, j'ai du mal à voir comment s'en passer complètement. C'est tout le système qui doit être revu en profondeur, mais pas que le système carcéral et judiciaire. Tant qu'il y aura des inégalités sociales et économiques importantes, il y aura de la délinquance, des envieux, de la détresse, des vols, de la violence, de la drogue et ses dérives, etc etc... le "meilleur moyen " pour lutter contre la délinquance c'est de lutter contre les inégalités et que chacun ait les moyens de s'en sortir correctement de manière honnête.
Mais ça, c'est pas pour demain, ni après demain... Vu comment c'est parti.

 

[Horion]

Je sais pas trop où me situer je vous avoue sur ce thème là.

J'ai pu expérimenter ces dernières années ce que pourraient être une justice transformatrice au sein des communautés queers.
En effet, comme dans toute population, on peut avoir des agressions, des viols, etc. Le but n'est donc plus d'exclure totalement lae personne mais de travailler à la prise du conscience, qu'elle propose aussi comment réparer ses tords (j'en au vu un.e d'agresseureuses qui a payé la thérapie de sa victime et a proposé de témoigner en faveur de la victime si procès qu'il n'y a pas eu finalement car pas de plaintes déposées).

Parfois ça fonctionne comme ce que j'ai décris au dessus. Parfois pas du tout car il y a des gens qui refusent toujours de reconnaître ce qu'iels ont fait. Dans ce cas là, effectivement, on exclue (quand je parle d'exclusion ce sont exclusions d'asso principalement qui apportent de l'aide pour telle ou telle thématique).

Je pense que si véritable transformation de la société il y a, avec énormément d'éducation, une autre forme de justice, etc, le fait que les prisons soient seulement pour des cas extrêmes, ça pourrait fonctionner.

Mais même à petite échelle on voit quand même qu'il y a énormément de difficultés et de barrière (et pourtant c'est déjà dans des communautés qui sont éduqués au feminisme and co).
Donc dans l'état, je ne pense pas que cela puisse réellement fonctionner pour tous les cas de meurtres, viols, agressions.

Par contre oui pour tout ce qui est vols, drogues, etc, c'est ce qui rempli la majorité de nos prisons. Et on voit bien que ça ne fonctionne pas car quand les gens ressortent, ils recidivent. Pourquoi ? Parce que c'est fortement liés aussi à la précarité ce genre d'actes. Et tant qu'on aura pas trouvé de meilleurs système pour gérer cela, ça n'évoluera pas.
J'avais vu un reportage d'une prison d'un DOM TOM il y a quelques années qui étaient neuves et dont les prisonniers avaient tous la possibilités de faire des formations, même des stages en entreprises pendant l'incarcération, avec la possibilité de sortir une fois par semaine à l'extérieur en petit groupe avec des surveillants pour aller faire des achats, aller à la bibliothèque, à des musées, au cinéma. Sous surveillance. Et d'après leur stat, il y avait beaucoup moins de récidives car la prison avait rempli ce rôle de reinsertions réelles.

Apres comme tout malheureusement, c'est un sacré budget et vu comment la France se développe, ça ne sera jamais la priorité vu que leur priorité c'est de traquer les pauvres au lieu de récupérer du fric chez les évasions fiscales...

 

[Solsticesdivers]

Je suis assez d'accord avec @PetitePaille sur le sujet. La prison vise aussi – même s'il est désagréable de le reconnaître – à étouffer tout désir de se faire justice soi-même. On devra toujours composer avec la soif – primaire mais très humaine – de vengeance d'une victime ; une soif qui ne peut être étanchée qu'avec la certitude que la personne coupable souffre, d'une manière ou d'une autre.

Pour le reste, je partage ce qui a déjà été dit : on ne peut pas se satisfaire que de simples délinquants sortent de prison beaucoup plus dangereux que quand ils y sont entrés. Ni eux, ni la société n'y ont intérêt.

Il faut encourager la psychologie en milieu carcéral (les psychologues PEP), généraliser les soins pénalement ordonnés apres la peine pour faciliter la réinsertion, favoriser la reprise des études, l'intégration sur le marché du travail, multiplier les groupes de discussion, favoriser le cloisonnement pour éviter qu'un simple dealeur ou voleur à l'étalage puisse être formé au grand banditisme. D'ailleurs, l'aptitude à la réinsertion doit être un critère nécessaire à la sortie de prison ; le seul critère de la fin de la période de sûreté ne peut être suffisant.

Évidemment, il ne faut pas se mentir sur le fait que quelques individus ne peuvent être réinsérés (l'exemple de Fourniret a déjà été donné), mais un système ne peut pas être construit sur la base d'une infime minorité.

 

[Chamb]

edit : en lien avec l'abolition de la justice pénale (proposition anarchiste)
J'ai vu passer des questions sur l'anarchisme et le fait qu'il ne proposerait rien "d'organisé". Je ne suis pas anar mais j'en ai rencontré quelques uns et tout comme l'écologie (je me permets la comparaison car c'est un argument qui était utilisé contre les verts à l'époque, un peu moins aujourd'hui), l'anarchie propose un modèle complet de société qui a été théorisé et réfléchi (après on est d'accord ou pas si le modèle est souhaitable, ça c'est autre chose). Si ça intéresse, j'ai retenu le nom de Bakounine (mais je me souviens plus des autres refs ).
p.s Je suis très étonnée de l'expression "anar de droite". Dans ma tête, les anars c'est l'extrême gauche, les descendants des communards, Louise Michel tout ça... Du coup même si je connais pas bien, clairement j'ai du mal à voir comment cela pourrait s'amalgamer avec les valeurs de la droite.

 

[Arpège]

@Chamb les anarchistes de droite existent bel et bien aussi !

Anarchisme de droite — Wikipédia

fr.m.wikipedia.org

 

[LovelyLexy]

@Chamb il me semble que l'autre nom pour les anarchistes de droite c'est les libertariens. En gros, pour eux, l'état est au mieux une structure étouffante, au pire une entité mauvaise qui te vole tes droits et ton argent. Leur idéal serait pas d'état et chacun fait comme bon lui semble.

 

[Kettricken]

@Chamb Comme je disais, dans mon esprit de qlq n'étant pas du tout au fait de la théorie de l'anarchisme et n'ayant rencontré aucun anachiste, mon idée de l'anarchisme était l'absence d'état et de structure commune. Ce qui laisse donc les plus faibles à la merci de la bienveillance de ceux qui peuvent les aider


@LovelyLexy J'ai été très étonnée récemment d'entendre le le discours d'une femme trans (Blaire White) libertarienne sur le sujet. Elle fait partie des personnes que je suis pour me sortir de ma bulle d'écho. Elle est pro-armes, pro-trump, anti-vaxx, anti-body positivisme etc.
Quelqu'un lui demandait si ça n'était pas incompatible d'être trans et (très) à droite et elle expliquait que pour elle, c'était justement le fait d'être trans qui l'avait rendue libertarienne. Qu'elle a été confrontée très jeune à des gens en position de pouvoir face à elle et qui au mieux ne comprenaient rien à qui elle était et ce dont elle avait besoin, au pire lui voulaient du mal. Et qu'elle en a conclu que l'état, les structures étatiques et hiérarchiques seraient toujours un danger pour elle (d'où le fait qu'elle soit pro-armes aussi)
Et qu'elle déteste tout ce qui est pensée de groupe et que donc, elle estime que c'est pas parce qu'elle est trans qu'elle doit être d'accord avec l'immense majorité des personnes trans
Je ne suis toujours pas d'accord avec elle, mais je trouvais ce cheminement de pensée intéressant