En pleine promo d’un film sur le viol, Yvan Attal s’embrouille sur le tribunal populaire et le consentement

16 Juin 2015
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@PingouinMasqué c'est pas un peu infantilisant de considérer Charlotte Gainsbourg comme une victime alors qu'elle ne demande rien ? Quant à décréter qu'elle a eu le cerveau "lavé" je trouve ça hyper condescendant :shifty:
Ca n'a rien de condescendant, c'est un fait : quand toute sa vie, depuis sa plus tendre enfance, on a baigné dans un milieu qui normalise les comportements incestueux, les comportements sexuels violents et le non-respect du consentement, on finit par considérer ça comme normal. C'est une forme de lavage de cerveau (on parle aussi de "décervelage"), et ça n'existe pas que dans les sectes. Ça existe partout, de cesser de remettre en question les choses parce qu'elles font partie de notre "normalité".
En fait c'est même une réaction parfaitement naturelle : quand on a toujours vécu dans un environnement qui nie la réalité des violences subies, on apprend que c'est ça la normalité. Finalement c'est l'absence de violence qui est vécue comme une anormalité.

Ah, et le statut de victime n'est pas un ressenti, c'est un statut factuel. Son père l'a embrassée de force sur la bouche en public et a eu des attitudes et des gestes déplacés, elle EST victime.
 
16 Février 2009
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@PingouinMasqué prétendre savoir aussi bien (voire mieux) que Charlotte Gainsbourg ce qu'elle a pu vivre et dans quel milieu elle a baigné, ça revient à la déposséder de son vécu et je trouve ça très dérangeant.

Quant au statut de victime je suis d'accord, cela étant je crois qu'il est aussi important de respecter le choix de s'identifier à ce statut ou pas. Il me semble que chaque individu dispose d'une marge d'autonomie à ce niveau-là. En l'occurrence je ne crois pas que Charlotte Gainsbourg revendique quoi que ce soit, donc en l'absence de certitude, je ne vois pas ce qui autorise à l'assigner d'office à un quelconque statut.
 
M

Membre supprimé 332225

Guest
Je suis partagée. J'ai liké tous vos arguments précédents car ils illustrent chacun une part de vérité.
Charlotte Gainsbourg a été élevée dans un climat incestueux, où les violences faites aux femmes étaient normalisées (sa propre mère, Jane Birkin, en a vu des belles avec chacun de ses compagnons). Elle est victime.
Mais ne pouvait-elle pas s'émanciper de ce climat et exercer sa marge de liberté, surtout avec #MeToo où plus personne ne pouvait décemment faire semblant d'ignorer ce climat de violences systémiques ?
 
16 Février 2009
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@Esturgeon mais je ne conteste pas le statut de victime lui-même, et à aucun moment je ne dis qu'il est honteux de se considèrer comme telle! Franchement, je veux bien que tu me montres le passage exact de mes posts où j'affirmerais ça. J'ai un certain vécu à ce niveau-la en plus, et à une époque ça a été important pour moi d'être reconnue comme victime. Pour autant ça ne me définit pas, ça n'est qu'un fragment de mon identité et je trouverais insupportable qu'on attende de moi une certaine façon de penser et d'exprimer ce qui m'est arrivé.

Ce qui me gène dans le débat présent, c'est ce qui est fait de ce statut, et la façon dont on enferme une personne dedans, "pour son propre bien", indépendamment de ce qu'elle en dit. Même si on condamne le comportement de Serge Gainsbourg qui a dit et fait beaucoup de merde, rien n'autorise à s'approprier le vécu de Charlotte et à parler à sa place en fait
:dunno:
C'est une chose de commenter le comportement public de son père, c'en est une autre de tirer des conclusions sur toute son enfance et sur sa vie en dehors des caméras. Personne ne sait mieux qu'elle comment elle a vécu les choses de l'intérieur, dans quelle ambiance elle a grandi, le sens qu'elle donne à tout ça et ce qu'elle a envie d'en faire. C'est sûr que quand on la lit sur son enfance on se pose beaucoup de questions, pour autant la seule à être légitime sur le sujet c'est elle, et elle si elle décide un jour de dénoncer le comportement incestueux de son père je préfère que ce soit avec ses propres mots plutôt que de plaquer sur elle des interprétations toutes faites.

Pour reprendre l'exemple d'une femme victime de violences conjugales, il y a une différence entre prendre les actes de maltraitance sur le fait, et les analyser rétrospectivement 30 ans plus tard alors que la personne n'est plus sous l'emprise de son conjoint. Je pourrais avoir des convictions en mon for intérieur, pour autant si le discours affiché ne cadrait pas avec, je ne me permettrais ni d'enfermer les gens dans des théories psychologiques, ni de les comparer, comme tu le fais, à des enfants qui n'ont pas toujours suffisamment de maturité pour discerner ce qui est bon ou mauvais pour eux. Finalement tu ne pouvais pas mieux illustrer mon propos quand je parlais d'infantiliser Charlotte Gainsbourg ! Quand je lis que si elle ne se définit pas comme victime d'inceste, voire semble cautionner la liberté de ton de son père, c'est parce qu'elle est dans le déni ou qu'elle ne peut pas réfléchir par elle-même, je trouve ça d'une violence incroyable !

Ça part certainement de bonnes intentions, mais ça me paraît hyper malsain d'interpréter les choses pour les faire cadrer avec le référentiel qui nous convient, quitte à discréditer la parole des personnes qu'on prétend défendre (parce que là c'est clairement ce qui se passe quand on affirme qu'elle a eu un lavage de cerveau). En fait j'ai l'impression que comme Serge Gainsbourg est devenu une figure de la misogynie à la française, il "faut" mettre toutes ses relations en cohérence avec ce modèle, quitte à les assigner à des rôles et donc là on a Charlotte la victime d'inceste dans le déni. Le problème c'est que c'est bien ce phénomène d'assignation à des rôles, indépendamment de l'individualité de chacun, qui est à la base de ce qui est dénoncé actuellement dans les rapports de domination .
 
Dernière édition :

Clèves

Risque psycho-social
12 Mars 2018
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Quant à la dénonciation des actes de son père, qu'elle décide de le faire un jour ou non ça ne change pas qu'on a accès aux clips, au film, aux interviews où Serge Gainsbourg a un comportement incestueux envers elle et qu'en tant que société on est légitime à le condamner. Désolée mais la connivence et le détournement de regard jusqu'à ce que la victime s'exprime, le "tout le monde savait" sans réagir, c'est pas mon truc.

Aussi on est dans une société avec un énorme problème d'inceste et Serge Gainsbourg reste une figure influente, donc dire que le comportement de Gainsbourg était condamnable ça me parait très important, pour que ce soit vu comme anormal et qu'il ne soit pas vu comme un modèle.

Alors ça peut paraître jouer sur les mots mais perso je pense qu'il y a une différence entre dénoncer dans l'absolu le comportement de Gainsbourg et le rattacher explicitement au vécu de sa fille en tant que victime. On peut dire que Gainsbourg était problématique, sexiste, raciste, etc, mais je pense que l'idée que @Pipistrelle. veut défendre c'est qu'il y a aussi une forme de violence à plaquer sur une personne un vécu qu'elle ne s'est pas (encore ?) approprié. On sait pas quel rapport Charlotte Gainsbourg entretient avec son père, les souvenirs qu'elle a de lui, son enfance, etc. Garder une forme de prudence là-dessus ce n'est pas la même chose, pour moi, que de détourner le regard en prétendant ne se rendre compte de rien. Ceux qui ne veulent rien voir ont tendance à rester dans le déni même quand la parole des victimes s'exprime. Alors que là, l'idée c'est plutôt qu'on ne veut pas retirer à la personne le contrôle sur son vécu et comment elle choisit de le définir. Il me semble que dans la question des abus sexuels, c'est super important pour guérir que la victime se sente à nouveau libre de disposer d'elle-même. Estimer qu'elle seule peut choisir quand et comment elle évoque son vécu, ça en fait partie à mes yeux. Je vois pas ça comme de la lâcheté mais plutôt comme du respect. Ce qui empêche pas de dénoncer Gainsbourg par ailleurs.
 
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Kettricken

Hate is always foolish. Love is always wise
13 Avril 2011
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@Pipistrelle. merci pour ton rappel qu'il est important de ne pas essentialiser une personne victme d'abus (si j'ai bien compris ton propos). En effet, pour autant que nous le sachions, Gainsbourg a énormément déconstruit ce qui lui est arrivé, y a énormément réfléchi et pourtant maintient les propos qu'elle a eu.
Parler de lavage de cerveau est sans doute irrespectueux ne sachant rien de son cheminement sur ces questions
Par contre, je pense qu'on ne peut pas reprocher aux gens de faire des liens quand une personne ayant grandit dans un climat incestueux épouse un homme empreint de culture de viol et défend les propos de celui-ci

Ceci étant dit : le soucis ici est Attal (et l'autrice du livre ?). Gainsbourg est peut-être victime de lavage de cerveau, ou elle veut surtout défendre son mari... peu importe au fond

De ce que je lis ici, ça a l'air très intéressant de lire le livre et de voir comment il a été interprété par Attal, puisque le roman a déjà l'air ambigu
 
16 Février 2009
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Tu dis qu'il est infantilisant de dire que Charlotte Gainsbourg est victime
Non.
Ce qui me paraît infantilisant, c'est de le faire à la place de Charlotte Gainsbourg, quitte à la présenter comme dépossédée de ses capacités de réflexion et de discernement.
Désolée mais la connivence et le détournement de regard jusqu'à ce que la victime s'exprime, le "tout le monde savait" sans réagir, c'est pas mon truc.
Et c'est pas le mien non plus, si c'est ce que tu sous-entends... En l'occurrence, Charlotte Gainsbourg s'est déjà exprimée sur le sujet et je trouve assez grave qu'on lui accorde aussi peu de crédit.

@Clèves et @Kettricken merci, vous formulez les choses mieux que moi!
 
J

Jesilma

Guest
Roh mais non, ce bouquin malaisant quoi...
Si je ne dis pas de bêtises, il est inspiré de l'affaire Brock Turner et il PUE la culture du viol (en faisant parfois mine dans certains passages de la dénoncer... pour faire retomber le truc comme un soufflé...).
Le pire pour moi c'est qu'il a été écrit avant que Channel Miller ne brise l'anonymat donc l'autrice invente et part en freestyle complet sur le personnage de la victime qui est ridiculisée et antipathique de bout en bout... Malaisant...
Et tout ce truc autour du personnage du père je n'ai toujours pas compris son intérêt mais bon j'imagine que la misère sexuelle des hommes est un sujet essentiel dans cette problématique écoutez... Et les petits tacles aux féministes prétendument laxistes envers les musulmans, comme c'est original comme critique.
Bref je ne suis pas surprise que un type comme lui adapte un livre comme ça. Vraiment il vaut mieux lire le témoignage de Miller sur ce sujet précis. Outre le fait d'avoir le point de vue de la victime (ce n'est pas le cas dans ce livre), les réflexions sont infiniment plus poussées et subtiles...
 
Dernière modification par un modérateur :
10 Décembre 2019
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prétendre savoir aussi bien (voire mieux) que Charlotte Gainsbourg ce qu'elle a pu vivre et dans quel milieu elle a baigné, ça revient à la déposséder de son vécu et je trouve ça très dérangeant.
J'arrive un peu tard dans la discussion, mais je voudrais ajouter que Charlotte Gainsbourg a publiquement déclaré que sur le tournage du clip "Lemon Incest" son père était allé trop loin et que cela l'avait mise très mal à l'aise. A cette époque son père était séparé de Jane Birkin et j'imagine c'est cette dernière qui avait la garde principale des enfants compte tenu de l'alcoolisme notoire du père. Pourtant Serge Gainsbourg et sa fille Charlotte ont vécu ensemble le temps du tournage, ce qui a renforcé cette atmosphère exclusive et étouffante.
Seulement voilà Serge Gainsbourg est vénéré en France, considéré comme un génie intouchable, et d'ailleurs sa fille Charlotte s'est exprimée sur le sujet en déclarant qu'elle s'est toujours sentie très aimée par le public parce qu'elle était la fille de Gainsbourg, et on sent dans ses interviews qu'elle aussi l'idolâtre complètement.
Le discernement peut être altéré par de nombreux paramètres, et comme le dit @Esturgeon, le statut de victime ne dépend pas du ressenti de la victime elle-même, puisqu'elle a pu évoluer dans un environnement biaisé où elle ne se perçoit pas comme une victime, et même parfois elle est désignée comme une personne privilégiée de recevoir les "faveurs" qu'on lui accorde.
 

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