Les mots servent à véhiculer des idées, des concepts. Si tu emploie un mot particulier plutôt qu'un autre, c'est parce qu'il décrit mieux le concept que tu cherche à faire passer qu'un autre, que ce mot est plus précis.
Prenons E l'ensemble des concepts existants, l'ensemble des idées imaginable par un être humain, de la définition de "politique" à "j'ai envie d'acheter du pain". Lorsque tu utilise un mot quelconque pour décrire un concept, ça permet à ton interlocuteur d'avoir une idée de ce que tu pense ; pas une idée exacte, ce serait impossible, mais une représentation plus ou moins large selon les mots employés. Par exemple si tu dis "je suis fatigué", ça véhicule un concept relativement large ; appelons-le A, A appartenant à E.
Si tu cherche à véhiculer une idée plus précise, tu va plutôt utiliser un mot ayant une application plus restreinte : "je suis exténué", ça va décrire ce que tu pense de manière plus précise que juste "je suis fatigué" ; si tu es "fatigué", tu peux être "très fatigué" ou "un peu fatigué", ou entre les deux. L'utilisation du mot "exténué" permet de comprendre que tu veux dire "très fatigué" plutôt que "un peu fatigué". Donc si B représente le concept que tu cherche à faire comprendre par le mot "exténué", B appartient à A qui appartient à E.
Ça c'était pour faire comprendre ma position générale sur l'emploi des mots, désolée pour les éléments de la théorie des ensemble, je trouve ça personnellement plus clair mais dis-le moi si c'est pas le cas!
Revenons à la politique : si tu représente par P ce que tu entends dans le concept de "politique", et que tu prétends que "tout est politique", tu dis en substance que P=E. C'est à dire que l'ensemble des concepts représentables peuvent être qualifiés de "politique". Ça me semble être un mauvais concept car il ne discrimine pas assez dans ce cas là ; quand tu dis "machin est politique", au final tu ne dis rien sur "machin", puisqu'on sait déjà qu'il appartient à E, donc à P. Au final, ton interlocuteur n'es pas plus avancé qu'au début sur ce que tu pense de "machin". C'est pour ça que je pense que c'est une mauvaise définition : ça rends le mot même de "politique" inutile, car trop imprécis. J'ai d'ailleurs du mal à croire que des scientifiques l'utilise tel quel, la communauté scientifique ayant généralement la tendance inverse : utiliser les mots les plus précis possibles pour éviter le flou au maximum.
J'ai trouvé tout cela très clair, merci pour ce passage, il me permet de mieux comprendre ce que tu voulais dire ! Et je suis d'accord avec tout le raisonnement... sauf la conclusion que je ne n'approuve pas complètement. En fait, "politique" en soi a une utilisation très large ; ce qui peut être plus précis, ce sont tous les mécanismes qui sont pris en compte par ce mot. La catégorisation fait aussi partie de la démarche positiviste : on catégorise, on fait des ensembles qui vont dans des ensembles plus grand, et "politique", pour moi, est tout simplement un très grand ensemble.
Déjà : oui il y a des biais dans la recherche fondamentale... Mais beaucoup moins qu'ailleurs. On ne travaille pas sur des sujets politiques, la méthode scientifique et mathématique rendent les raisonnements facilement vérifiables, etc. Les biais qui existent ne sont pas des biais politiques ou, comme on l'entends souvent, des moyens de promouvoir la "science blanche occidentale misogyne" contre le reste du monde, mais des mauvaise interprétations d'expériences.
En fait là dessus encore nous sommes presque d'accord, sauf sur la question du "dosage". En fait, je m'efforce à ne pas hiérarchiser "qu'est-ce qui est plus un biais qu'un autre biais", ou sans même entrer dans la question des biais, "quels sont les choix, faits dans leur contexte social, qui ont plus d'importance que d'autres choix ?". Là où par exemple tu vas estimer qu'une mauvaise interprétation d'expériences est le biais le plus important. Individuellement, je suis d'accord, je vais tendance à penser que "conditions de l'interprétation du résultat conduisant à une mauvaise interprétation" c'est plus important que, disons, "utilisation de l'alphabet latin et du système décimal" (parce qu'en vrai, on pourrait tout réécrire dans un autre système que ça changerait rien). Mais philosophiquement parlant, si on veut, je trouve pas cette distinction légitime, ou du moins, il faudrait d'abord définir "qu'est-ce que ça veut dire être plus important qu'autre chose, selon quels paramètres". Je ne pense pas que nous soyons conciliables à ce sujet, mais au moins nous nous sommes compris.es :')
Enfin :
Ensuite, la plupart des gens qui donnent comme argument "il y a des biais dans la science fondamentale" s'en servent pour rabaisser les scientifiques et mettre un peu tout au même niveau. "mon opinion est peut-être biaisée, mais celle des scientifiques aussi, donc on est kif-kif?". Je trouve ce genre d'argument dangereux en fait, et il suffit de voir ce qu'il se passe dans les mouvements climatosceptiques pour s'en convaincre.
Là par contre nous sommes parfaitement d'accord sur toute la ligne. Les gens qui disent (*kof* les créationistes *kof* les climatosceptiques) "c'est biaisé donc euh mon avis vaut autant qu'un autre", clairement non, et tu as tout à fait raison de dire que ces arguments sont dangereux (tiens, on a pensé à la même chose, j'avais pas encore lu la phrase suivante !), on voit leur application sur la scène politique (dans le sens commun du terme ) internationale...
"Enfin, une théorie scientifique ne prétends pas représenter la réalité de manière exacte certes, mais ce n'est pas "qu'une théorie". C'est la représentation d'une partie des lois de la nature la plus exacte que l'on puisse mettre sur pied et vérifier dans l'état présent des connaissances humaines."
Tout à fait, c'est que je disais quand j'affirmais que le discours scientifique vise à décrire de la manière la plus objective possible le réel. Pour moi, dire "tout est politique" est ce qui permet ensuite non pas d'invalider le discours scientifique mais au contraire de le parfaire !
En fait, nous sommes bien plus d'accord que ce que je pensais au départ.
Dernière édition :