Vraiment chouette idée de topic.
Je suis étudiante en médecine et le seul stage que j'ai fait reste mon stage de fin de P1 (qui date d'un an et demi déjà) aux urgences (6 jours aux "vraies" urgences, 3 jours dans un service à côté appelé UHCD [Unité d'Hospitalisation de Courte Durée]). J'ai pu voir énormément de patients, de pathologies différents : en ça, j'ai vraiment adoré ce stage (et ça m'a conforté dans l'idée d'être médecin aux urgences plus tard). Par contre, c'était très compliqué pour moi de "suivre" : les journées sont longues (12 heures), les patients défilent vite dans les box (ce qui fait que j'allais à l'endroit où on me demandait d'aller, je faisais ce qu'on me demandait sans trop savoir pourquoi le patient était là), l'organisation est assez complexe. J'étais chaperonnée par un aide soignant (pendant 3 jours) et une infirmière (6 jours). De ce stage, je garde en mémoire :
_ 1er jour : j'arrive à 8h30, comme marqué sur ma feuille de la scolarité. L'IDE commence à me réprimander quand elle me voit arriver : j'aurais du être là depuis 1h. Je lui montre ma feuille pour lui prouver ma bonne fois : on en arrive à la conclusion que l'administration de la fac de médecine pue du cul.
_ la première minute : je m'adosse à ce que je crois être une porte à 2 battants condamnée quand BAAAM : j'étais en fait contre la chambre d'isolement où une patiente pas vraiment commode me regarde d'un sale œil à travers la vitre. Brrr
_ toujours le 1er jour, un petit vieux bien méchant qui me dit : "mais elle sert à rien celle là" (en me désignant). Effectivement, j'en bavais pour trouver à qui demander tel ou tel renseignement (notamment : ai je le droit de donner de l'eau à tel patient) ainsi que le matos.
_ dans ce stage, j'ai surtout appris à me placer pour ne pas gêner le passage
_ je me suis sentie un peu débile quand je suis arrivée le 2e jour le ventre bien rempli alors qu'en fait, on avait le petit dej
_ repas de midi assez tristounes car les inf sont avec les inf, les ASH sont entre elles, les AS pareil, les externes même combat, les médecins et les internes aussi
_ j'ai passé le permis brancard
_ j'ai vu une infirmière faire des attelles plâtrées, un interne apprendre à un externe comment recoudre une paupière, un 3e année en médecine faire des points de suture, ce même étudiant qui m'a montré les réflexes neurologiques avec un marteau à réflexes, un accidenté de la voie publique moto qui a perdu son majeur (ont ils réussi à recoudre, je ne sais pas), un externe puis un interne en baver pour faire une ponction lombaire, les effets délirants du kalinox, des suicidants, des SDF, des alcooliques qui se mettent à pisser sur le personnel soignant, le protocole pour les perfusions sanguines
_ j'ai fait des prises de sang sur des cas faciles. J'ai insisté pour qu'on m'apprenne à en faire, même si ça me stressais à chaque fois que devais passer d'un tube à un autre. Mais y a un système qui a changé ma vie : l'aiguille, suivie d'un tube souple et très fin (pis y a comme 2 ailes de papillon dessus) pour arriver au système en plastique fait pour accueillir les tubes (si qqn sait de quoi je parle, merci de me dire le nom de cette chose).
Sinon, j'ai pris des constantes. J'ai donné ma main à des patients qu'avaient peur ou mal (je me souviens d'un qui m'a broyer les doigts tellement il avait mal). Et les ECG sont devenus mes meilleurs amis, pour le plus grand plaisir des externes blasés
_ j'ai raté plusieurs prises de sang. Et j'ai torturé un pauvre néerlandais en ratant ma prise de sang et mes premiers (et derniers) gaz du sang sur lui.
J'ai eu un grand moment de solitude en prenant la tension d'une patiente assez corpulente. J'ai essayé de prendre sa tension avec un brassard normal -_- . La pauvre, je lui ai fait mal. Pour ma défense, je ne savais pas qu'il existait d'autres tailles de brassards.
_ l'aide soignant qui croit me choquer en parlant de cul : je surenchéris dans le langage crû et on se marre comme des débiles
_ je n'ai pas vu le super geste d'intubation du chef de service sur une patiente qui était en très mauvais état. Tout le monde à vu cette prouesse. Sauf la couillonne qui essayait de faire marcher cette putain de machine à laver les urinoirs. Moi.
_ à l'UHCD, j'ai donné le repas de midi à une patiente sénile. Elle n'arrêtait pas de dire "feuh feuh feuh". Irritant au possible. "Feuh feuh feuh". Ne rien montrer, on reste pro."Feuh feuh feuh". Putain c'est long (en effet, je ne suis absolument pas productive : j'ai mis une heure avec elle)."Feuh feuh feuh" J'en peux pluuus faites que quelque chose, quelqu'un me libère et.... "Feuh feuh Vous êtes patiente mademoiselle"
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J'ai affiché un big smile pour toute la journée
_ des fois, y avait rien à faire, aucun patient et tout. Une après midi, on m'a fait visiter le centre d'appel du SAMU. Pis les hélicoptères (celui de la Côte d'Or et celui de l'Yonne). Je me suis marrée avec les 2 pilotes car chacun essayait de me convaincre que SON hélico était le meilleur.
_ un autre jour, j'ai donné le repas à un mec souffrant de troubles psychaitriques. J'étais un peu choquée car il était attaché. Les mains, la ceinture abdominale et les pieds. Comme d'habitude, j'étais absolument pas productive (je n'ai donné le repas qu'à lui). Il a été agressif parfois, la conversation a été assez surréaliste. Sauf quand on a abordé la musique : j'ai senti que j'avais réellement eu un échange avec lui
_ la semaine ou j'ai fait 3 journées de 12 h de suite : ça m'a cassée
_ Y a une autre patiente qui m'a marquée. Extrêmement sale : du vert au niveau du dos, des saletés solides entre les doigts de pieds. Ouch.
_ le dernier jour : à midi, quelqu'un a mis les tables en ronde. Fini les espèce de clans par niveau d'études, j'ai même droit à quelques mots de la part du chef de service. Puis tout le monde vient me féliciter pour mon gâteau aux carambars.
_ la dernière heure : encore un accidenté de la voie publique moto. En très mauvais état. Autour de lui, l'infirmière et 2 médecins confirmés, puis autour, une couronne de personnel médical prêts au cas où, encore autour d'autres médecins, puis les internes, puis les externes puis moi. Un interne essaie de me vulgariser tout le système sous lequel est le patient : une machine qui fait le massage cardiaque automatiquement, une autre qui propulse des perfusions de sang rapidement. Ce moment était impressionnant.
_ la dernière minute : je remonte donner les clés de mon casier à l'IDE. Je passe devant la salle des urgences vitales. Le motard est mort.