Faut-il tutoyer ou vouvoyer en entreprise ?

[Chess Fenrir]

Bon, pour ma part, je n'ai pas un max d'expérience de travail... Mais par exemple, dans la librairie où j'ai fait mon apprentissage, je vouvoyais mon patron, qui me tutoyais. Il avait beau me dire que je pouvais lui dire "tu", je n'y arrivais pas . Parce que c'était mon patron, qu'il était plus vieux que moi...
Par contre, il y a un de mes profs de collège (que je vois toujours aujourd'hui), et que je n'hésite pas à tutoyer. De même, lorsque j'étais en seconde, j'étais dans un lycée un peu particulier (le CLE, à Hérouville St Clair), où les élèves pouvaient tutoyer les profs. Et ça franchement c'était le pied ! Ca m'a fait très bizarre lorsque je suis retourné dans un lycée classique pour la 1ère...
Bref, tout ça pour dire que pour moi le "tu" n'est pas une preuve d'irrespect (au contraire des fois !), mais qu'il y a certaines occasions où le "vous" me parait plus "naturel".

 

[kensha]

Je suis surprise du nombre de personnes "choquées" par le "tu", mais je le comprends... J'ai l'impression que ça dépend vraiment de la manière dont c'est dit, du contexte et de la culture de la personne.

Dans ma boite, on tutoie tout le monde, sauf la patronne et les élus, qui sont nos supérieurs hiérarchiques... sauf que je tutoie certains des patrons des boites avec lesquelles on bosse (qui sont donc supérieur hiérarchiquement à moi en théorie), et une élue avec laquelle je suis partie en salon... Cela ne m'empêche pas de respecter à fond les gens que je tutoie, et parfois de ne pas en penser moins des personnes que je peux vouvoyer. Cela dépend du contact avec la personne en face...

Ma patronne ne nous dit rien, elle trouve toujours le moyen de tourner sa phrase autrement pour éviter le pronom personnel (sauf un "tu" qui a du lui échapper 1 fois ou 2 en 8 ans).

par contre, le truc bizarre, c'est que pas de bise avec la chef quand on est au boulot, mais lorsqu'on lui rend visite en dehors (pendant un arrêt maladie, ou sur une invitation à un apéro dînatoire), c'est elle même qui nous fait la bise, c'est peut être un moyen de signifier que la hiérarchie est moins marqué en dehors du travail...

c'est très étrange tout ça.

 

[jojokisslajoue]

Dans le monde du tourisme tout le monde se tutoie, ça a été un gros choc pour moi. Des gens que je ne connais ni d’Ève ni d'Adam à l'autre bout du monde, "bonjour c'est moi de l'agence bidule, tu peux me trouver ça...?".
La première fois j'ai demandé à ma responsable si elle connaissait toutes les personnes personnellement... :S Donc j'ai pris le pli, en mode détente et sympathie genre "le monde du tourisme est une grande famille tralala"
Bref un jour ma patronne m'appelle pour la première fois, et me dit "salut ça va, tu t'en sors ? " je lui ai répondu par le tutoiement et elle a pété un plomb. Bon, ma patronne est une connasse (pas seulement parce qu'elle met en place par le tutoiement/vouvoiement cette situation de dominant dominé, mais également parce qu'elle sous paye et filme ses salarié H24...)
BREF pour moi le tutoiement vouvoiement à toujours posé problème j'ai longtemps vouvoyé tout le monde en en vexant beaucoup, ça m'a fait une belle jambe. Pour moi c'est vraiment une marque de respect. Mon prof de violon que j'ai eu de mes 7 à mes 24 ans ça a toujours été "vous" même si je le connais très bien.
J'ai failli perdre ça dans le tourisme mais maintenant je le JURE je ne me ferai plus avoir. Tu te sens vexé ou vieux ou tu crois que je mets de la distance dans mon vouvoiement, grand bien te fasse, moi en fait, je veux simplement marquer mon respect.

 

[estreet.girl]

Je ne pense pas que le tutoiement soit une marque de "non respect" ou en tout cas d'un respect moins marqué qu'avec le vouvoiement, ça dépend aussi de l'attitude, du ton avec lequel on s'adresse à quelqu'un. Je bosse dans une grande entreprise où tout le monde se tutoie (sauf les "grands chefs" qui nous vouvoient et que l'on vouvoie également) et personnellement je trouve que ça a tendance à apporter une ambiance plus détendue et à atténuer le côté cloisonné de ce genre de boîte où la notion hiérarchie est très forte

 

[Calipo]

Team vouvoiement forever. Je suis la nana qui peut avoir une conversation entière où toutes les phrases sont tournées de façon a éviter le tutoiement

Pour moi le vouvoiement est d'abord une marque de respect pour les autres. ça peut être le respect de leur âge, de leur position, de leurs compétences... et tout simplement respect en tant que personne humaine.

Au travail c'est aussi une façon de préserver mon espace personnel car je suis assez sauvage, et je n'aime pas les familiarités excessives. Je pense qu'on peut tout à fait avoir des relations plus que cordiales avec ses collègues tout en les vouvoyant. Je trouve que c'est plus sain, parce que le tutoiement entraîne parfois une confusion dans l'esprit des gens, comme s'il impliquait un certain degré d'amitié (ce qui peut être pervers en entreprise). Je trouve aussi que le vouvoiement permet aussi de garder son calme plus facilement en cas de conflit, puisqu'il marque bien la séparation entre le collègue, avec qui on peut ne pas être d'accord professionnellement parlant, et la personne, qui peut être adorable au demeurant. Et puis déraper gravement à l'oral quand on vouvoie quelqu'un est à mon sens plus difficile, et beaucoup moins naturel que quand on tutoie la personne.

Et en tant que femme le vouvoiement m'a toujours permis de tracer une ligne claire avec les hommes avec qui j'ai travaillé. Le boulot c'est le boulot, on est pas potes, le "vous" ne laisse place à aucune ambiguïté quant à la relation entre nous. Evidemment un mec qui veut dépasser les bornes peut s'en foutre royalement que je le vouvoie, mais pour l'instant ça a toujours marché, donc j'espère que ça va continuer

 

[Freehug]

C'est drôle, moi je m'en fiche complètement qu'on utilise le tutoiement ou le vouvoiement à condition que ce soit réciproque. J'ai pu me sentir très complice avec des collègues dans une entreprise où le vouvoiement était de rigueur (pour le coup j'aurais trouvé le "tu" rabaissant) et ne rien ressentir du tout pour des collègues - voire ne pas les aimer - alors que tout le monde se tutoyait jusqu'au PDG. Par contre, devoir vouvoyer quelqu'un qui me tutoie (typiquement, certains profs au lycée et tous au collège), ça me hérisse le poil. Je vois ça comme une manière de se placer au-dessus de moi sans raison.

 

[Ruth]

Dans les 2 derniers boulots que j'ai fais, j'ai eu 2 cas de figures qui correspondait clairement à 2 visions des choses différentes :

- Dans le premier, j'étais en alternance dans une agence d'architecte, assez petite, et le tutoiement était de mise. Sauf pour moi, la seule assistante de la boite, contre 10 architectes. C'est à dire que mon boss tutoyait tout le monde, mais me vouvoyait. Pour moi, c'était pas une question de respect, c'était clairement pour me montrer que je ne faisais pas parti de leur monde... Il tutoyait les autres architectes qui avaient le même âge que moi (qui elles le vouvoyait par contre, là par respect). Ça mettait une énorme distance entre nous, et c'était pas forcément facile à gérer. D'autant que la boite avait quand même un esprit assez détendu, ce qui rendait le truc encore plus bizarre. Pendant 2 ans, je n'ai jamais su non plus si je devais l'appeler Monsieur ou par son prénom...

- Dans la seconde entreprise, qui était bcp plus grosse, c'était tutoiement de mise pour tout le monde, même pour les grands chefs, même si on les connaissait pas. Mais là c'était juste pour donner une impression d'entreprise familiale, bienveillante (ce qui n'était pas le cas).

Le tutoiement/vouvoiement en entreprise, pour moi, ça dépend plus d'un esprit d'entreprise, de ce qu'on veut faire ressortir, qu'une simple question de marque de respect.

 

[Donoma]

Que ce soit pour mes stages (dans la culture donc détendu du slip) ou job d'été (caissière) j'ai toujours tutoyé tout le monde et réciproquement.

J'ai du tomber sur des gens cools !

Quand j'ai fais un stage en Angleterre mes collègues m'appelaient "Alex" car ils trouvaient mon vrai prénom (Alexandra) trop compliqué. C'est vrai que c'est super moche prononcé en anglais. Du coup autant vous dire qu'on est vite devenu pote !
Les anglo-saxons sont généralement beaucoup plus détendus au boulot, mais je pense que ça tiens aussi à leur rapport au monde du travail. Pour beaucoup, leur job c'est limite toute leur vie, du coup c'est courant d'être pote avec ses collègues. En tout cas c'est l'impression que j'ai eu.

Mais la seule expérience "awkward" que j'ai eu en fait par rapport au boulot, socialement, c'était en Angleterre! un soir j'ai rejoins un collègue dans un pub, sachant que les autres devaient nous rejoindre après, et il a essayé de me faire un "hug". Sauf que moi ça faisait 3/4 jours que j'avais débarqué, j'étais en coloc avec des latinos (qui font la bise aussi du coup) et donc j'avais complètement zappé que c'était la manière de saluer ici. Quand je l'ai vu s'avancer vers moi, j'ai donc été pris d'un vieux réflexe et me suis avancé vers sa joue pour lui claquer la bise, avant de réaliser qu'il était en train d'écarter ses bras, j'ai donc eu un moment de "WTF qu'est-ce qu'il est en train de faire là ?" du coup j'ai eu un petit mouvement de recul, mais il m'a quand même serré dans ses bras, pendant que j'étais toute crispée les bras le long du corps à essayer de comprendre ce qu'il m'arrivait ^^
Jpense aussi qu'il a du pas mal beuguer en me voyant tendre les lèvres, si ça se trouve il a cru que j'allais l'embrasser tranquillou haha
Faut savoir que c'était mon premier stage et aussi la première fois que je partais seule à l'étranger, pas mal de stress, d'où le disjonctement instantané de mon cerveau.
Bref, un de mes plus beaux moments de solitude à ce jour.

 

[Illyria]

Je vouvoie systématiquement une personne avec qui je n'ai eu aucun contact précédemment, sauf pour ce qui est de ma famille/amis/proches où je laisse en général décider la personne d'abord (en m'arrangeant pour ne pas avoir à le faire en premier dans la tournure de mes phrases), et en fonction je m'adapte.
Dans le milieu professionnel, je vouvoie mes supérieurs hiérarchiques, je tutoie mes collègues de travail. Avec quelques exceptions cependant: je tutoie deux cadres que je connais depuis longtemps et les appelle par leur prénom. Et je tutoie des collègues qui sont sur le papier au dessus de moi mais avec qui je travaille en équipe.
Je vouvoie en revanche systématiquement les clients, même les enfants, lorsque je m'adresse à eux.

Il m'est arrivé plusieurs fois qu'un client me tutoie et m'appelle par mon prénom (vive les badges nominatifs), ça me met mal à l'aise et je réponds systématiquement par le vouvoiement en insistant. Il m'est arrivé aussi de me faire tutoyer et appeler par mon prénom en appelant une hotline interne pour un problème informatique, j'insistais sur le fait que je m'appelais MME Untel mais il continuait de m'appeler par mon prénom. Je n'ai été soulagée qu'après avoir raccroché

Après, il y a des gens avec qui j'ai un peu du mal à me décider... ma chef sur le terrain par exemple, je passe beaucoup de temps avec elle, on mange ensemble, on se raconte un peu nos vie des fois, mais on se vouvoie et on se fait jamais la bise... je trouve ça un peu étrange.

 

[Mukanshin]

Je vis au Québec depuis un peu plus d'un an, et ici, il est difficile de s'adapter au tutoiement, pas toujours utilisé, dans certaines circonstances totalement random. C'est très perturbant, mais j'ai fini par essayer de tutoyer tout le monde, non pas pour la coutume (je bosse principalement avec des français de toute façon) mais par conviction personnelle...

J'ai bossé dans des milieux assez guindés où l'on ne tolérait pas le tutoiement, où ce système te faisait bien sentir que tu étais inférieur, que ton patron te vouvoie lui-même ou pas. Le pire, c'est quand il te vouvoie mais qu'il t'appelle par ton prénom, pour bien te faire comprendre ta place. Ce ton condescendant, quand de l'autre côté tu les appelle "Monsieur ou Madame, vous...", me dégoûte.
Une autre fois, je me souviens m'être faite proprement engueulée car j'avais tutoyé mon patron, auquel nous disions "Prénom + vous". D'après lui, c'était un manque de respect parce qu'il était "mon patron" et pas un simple collègue. Devais-je comprendre que lui et moi-même pouvions donc manquer de respect aux autres tant qu'ils n'étaient pas se son "grade" ? A quoi tient le respect dans ce cas ? Pourquoi cette personne se considère-t-elle au dessus des autres, au dessus de moi ? Parce que c'est elle qui est gestionnaire, parce qu'elle veut se sentir plus importante, qu'elle gagne plus, qu'elle a plus de responsabilités ? C'est féodal, tout ça, et à mes yeux, le vouvoiement est un sale reste d'une époque où on considérait que certaines personnes valaient mieux que d'autres.

A force de ce type d'expérience, le vouvoiement a fini par me sembler être une sorte de tare de la société française, engoncée dans ses notions hiérarchiques stupides et dans sa bienséance hypocrite (oui, tout ça).
Boulot ou pas, ça met une distance froide entre les gens, ça les empêche de se sentir à l'aise, ça les enferme loin des autres. C'est un mot qui isole.
A force d'être au Québec, je me rends compte à quel point il est plus facile d'utiliser le tutoiement, qui évite ces usages du "vous de respect" ou du "vous de distance méprisante" (on l'a tous déjà subi, je crois...).

Bien sûr, tout ça n'existerait pas dans une société égalitaire. Mais nous ne vivons pas dans ce type de société, et il me semble qu'un tutoiement naturel, unique, est un petit pas vers le traitement égal des personnes. Surtout en entreprise. ^^

 

[zaytoun]

@Mukanshin Un big-up ne suffisait pas