C'est compliqué le bonheur, compliqué d'être heureux et d'apprécier de l'être.
En ce qui me concerne je peux distinguer un état général et des moments ponctuels de bonheur. Les moments ponctuels on peut en connaître à peu près tous les jours, mais ils sont transitoires. Les états prolongés sont rares, et souvent on ne s'en rend compte qu'après, en réalisant que malgré les petits désagréments de la vie, telle ou telle période a été globalement heureuse.
Savoir ce qui peut nous procurer du bonheur aide beaucoup, et ça aide à avancer dans la vie quand les merdes pleuvent sur toi. Ça peut être des choses très simples: le parfum des arbres en fleur au printemps,le soleil levant au détour d'une rue, rentrer le soir et retrouver mon chéri, allumer une bougie, se faire une pizza, avoir réussi une journée productive au boulot, etc. Ça peut aussi être plus compliqué, et avoir un effet à plus long terme: revoir sa famille après une longue absence, décrocher un entretien d'embauche (enfin), parvenir à emménager avec son copain...
Mais si tous ces éléments participent d'un état de bonheur général, celui ci m'échappe toujours sur l'instant, parce qu'il y a toujours un élément pour gâcher le plaisir, fut-ce temporairement. C'est sur le long terme qu'on remet les choses en perspectives. Mais est-ce être heureux, si on ne le réalise qu'après coup? Dans l'instant présent, je suis quand même obligée de faire face au négatif aussi bien qu'au positif.
Et si on se tourne vers l'avenir, deux choses s'affrontent: la perspective grisante des projets à venir, des choses qu'on souhaite réaliser (voyager, se marier, avoir un jour un chien,...) projets dont on pense qu'ils nous procureront du bonheur.
Mais il y a toutes les inquiétudes, les doutes: trouverais-je un jour un meilleur boulot? Est-ce que je ne serais pas trop vieille pour avoir des enfants? Est-ce qu'enfin un jour j'aurai le temps de me consacrer à ma passion? Est-ce qu'on aura les moyens d'entretenir le chien et d'acheter une maison?
Dans l'ensemble les projets donnent envie d'avancer, de surmonter les obstacles. Et ça donne du courage pour affronter la vie, pas à pas et jour après jour, c'est pour ça qu'ils sont si importants. Et le jour où on les concrétise ça nous procure du bonheur, évidemment. Peut être pas autant ou de la manière qu'on a imaginé, mais tout de même. Et on réalise que c'est un pas de plus, mais pas une concrétisation. Et heureusement qu'il y a toujours un autre but, un sommet suivant à gravir, sinon qu'est-ce qu'on ferait après?
Cependant la vie nous joue des tours, et notre propre esprit est parfois notre ennemi. J'ai beaucoup tendance à angoisser, mon cerveau tourne plus vite que je ne voudrais et a le chic pour me suggérer tout un tas de scénarios catastrophe, sources d'anxiété. Et ça mine complètement l'aspect positif de se projeter dans l'avenir.
J'ai appris très récemment que mon père est malade, un cancer du pancréas (un des plus méchants). Le traitement n'est pas encore défini, mais chaque jour j'angoisse. Tous les projets qui me paraissaient si clairs avant sont brouillés, je ne peux plus me projeter dans l'avenir pour me donner du courage, parce que j'ai trop peur de ce que l'avenir me réserve. Je sais que même avec le recul dans quelques années cette période de ma vie de sera PAS une période "heureuse". Mais il faut bien avancer, même si on ne sait pas vers quoi.
Alors même si le bonheur n'est pas qu'instantané et transitoire, je pense qu'il est parfois important salutaire de donner de l'importance à ces "instants de grâce" du quotidien, parce que parfois c'est la seule chose à quoi se raccrocher, aussi trivial que ça puisse paraître.