Ça date, cette histoire de cheveu : "Paul Broca (1824-1880) affirmait que jamais un peuple « à la peau noire, aux cheveux laineux, et au visage prognathe n’a pu s’élever spontanément jusqu’à la civilisation »." (source : blog de Christine Delphy,
Vers un racisme (vraiment) français)
J'avais lu un livre vraiment intéressant, où l'autrice met bien en lumière le sujet (
nigérienne qui vit notamment aux États-unis) :
Americanah, de Adichie. Ce livre permet à mon avis de bien de comprendre le problème, en tant que non concerné. Je vous mets ici le résumé : "Dans un salon de coiffure africain, à Trenton dans le New Jersey, une jeune femme écoute avec consternation les conversations des clientes. Toutes ne parlent que défrisage, crèmes éclaircissantes pour la peau et mariage avec un homme, américain si possible, ou, au moins, ayant ses papiers en règle. Ifemelu, qui a quitté le Nigeria en espérant poursuivre ses études de littérature, est installée aux États-Unis depuis quinze ans. D’abord clandestine, elle a connu les humiliations, la violence, la misère. Dorénavant blogueuse à succès et conférencière, elle est devenue une référence, en matière de racisme, décrivant avec un humour ravageur les préjugés des Noirs comme des Blancs, même lorsqu’ils se prétendent non racistes. Tout à coup Ifemelu est envahie d’une immense nostalgie de son pays, seul endroit où elle imagine pouvoir enfin se sentir à sa place. Et, pendant qu’elle se fait tresser les cheveux à l’africaine, ce qui suscite la désapprobation de ses voisines, elle va se souvenir de tout : de son enfance heureuse, de son premier amour, et de ces années d’apprentissage en Amérique."
Ça m'a fait aussi penser à un autre témoignage,
Quand le racisme ne tient qu'à un cheveu, sur le blog de Sophie Gourion.
Sur le sujet, y a aussi une émission France Culture :
Crépue, entre racisme larvé et acceptation de soi, et sûrement d'autres encore.
Ce genre de stupidité raciste entraîne encore plus de boulot pour les femmes racisées, et d'argent/temps/souffrance consacré à "rentrer dans la norme blanche", tout ça pour éviter les remarques. Ça montre bien que les oppressions se rejoignent sur au moins une chose : faire perdre du temps et de l’énergie pour rien à certain.es, et pas à d'autres. Le cheveu des uns est devenu un sujet politique, ce serait tellement bien que ce soit juste des cheveux, pas autre chose.
@Zik Effectivement c'est facile de reprendre les éléments de langage qu'on entends le plus couramment pour parler de quelque chose. Ta réaction ne montre pas que tu es raciste, mais avant tout que les expressions qui circulent dans la société (médias, livres, bref le paysage culturel) sont racistes : cette association de mots, employée comme ça, est raciste, et par ailleurs on l'entend souvent, utilisée par beaucoup. Associer femme noire et animalité, sauvagerie, c'est très fréquent. Notamment d'un point de vue sexuel (les femmes noires seraient perçues comme plus "sauvage").
Y a d'autres cliché, par ex celui de la femme noire plus maternelle, "naturellement douée" avec les enfants.
Avoir conscience et pouvoir démonter ces éléments de langage qu'on ne voient pas forcément (parce qu'employés partout), ça permet d'éviter de continuer à propager un imaginaire raciste, même malgré soi. Moins on perçoit le biais dans une expression, plus la manipulation a été réussie historiquement (ex le "crime passionnel", il y a peu ça passait sans souci dans les médias, maintenant le problème de l'expression saute aux yeux d'une bonne partie des genTes).
Edit : modification détail bio Adichie
Edit : y a aussi cet article récent sur
La coupe afro de Sibeth Ndiaye, le long combat contre les normes dominantes (peu importe les idées politiques de cette femme).