Parce que la « Parisienne » n’est pas qu’une jeune femme blanche et mince…

2 Juillet 2018
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3 Novembre 2018
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Cet article me questionne, pour un truc précis : la personne parle de femmes "de couleur", pour ne parler que des femmes noires si j'ai bien compris. J'ai toujours entendu les femmes racisées noires refuser cette façon de parler. Dire "noire", directement. Sans passer par cette périphrase.

Je vais essayer d'expliquer ce que j'ai compris là-dessus : se dire "de couleur", c'est se définir par rapport au regard de l'autre. Les femmes noires ne sont des femmes "de couleur" que parce que leur couleur existe dans le regard blanc, qui est la "norme", la non-couleur (si on suit un prisme raciste).
Dire quelque chose comme "comment expliquer la couleur de peau aux enfants", c'est déjà prendre un point de vue bizarre. C'est plus logique de dire "comment expliquer le racisme", si le but c'est d'expliquer le racisme, ou "comment expliquer les différences physiques", si le but c'est d'expliquer que certain.es ont plus de mélanine que d'autres, comme il y a des grands, des minces, des hommes et des femmes etc.

J'ai trouvé cet article La question blanche (site "Les mots sont importants") : "2. Être blanc, c’est avant tout ne pas subir la discrimination comme les non-blancs la subissent. Ce n’est pas avoir une certaine couleur mais occuper une certaine place – un certain rang social."
Autre exemple, cet article (site "Les mots sont importants") : "Personne de couleur : Personne de couleur noire (ou assimilée au noir) ; les français n’ont, par définition, pas de couleur, puisqu’ils sont blancs"

Y a aussi cet article (pour le coup par un homme blanc, mais il reprend des idées que j'ai entendu ailleurs et il les détaille donc je le cite) :
"
Certains étudiants notent le phénotype des passants de leur lieu d’observation en recourant à une formule contestable, disant de certains d’entre eux qu’ils sont « de couleur ». Je leur pose alors systématiquement la question : de quelle couleur ? Et de quelle couleur sont ceux qui ne sont pas « de couleur » ? Une telle expression illustre l’asymétrie propre à l’idéologie raciste, qui traite les racisés comme « différents », mais sans préciser de quoi ils sont différents, sans énoncer la norme implicite dont ils dévieraient. Parler de personnes « de couleur », c’est faire du point de référence (le Blanc par rapport auquel les autres seraient « de couleur ») un point aveugle (le Blanc ne serait pas une couleur). La perception raciste des populations implique une asymétrie qui est incompatible avec le souci d’objectivation scientifique, qui doit nommer et classer tous les objets de l’observation dans une nomenclature qui fait une place explicite à tous les êtres.

C’est pourquoi je recommande aux étudiants de dire « Noir » et « Arabe » si ce sont les catégories qui leur semblent adéquates, mais surtout de ne pas oublier leur correspondant : le « Blanc », tellement moins nommé dans les discours ordinaires, supposément invisible par rapport à des minorités qui seraient, elles, « visibles ». Les Blancs ont moins l’habitude d’être nommés blancs et de se considérer comme blancs que les Noirs ne sont contraints d’entendre qu’ils sont noirs et donc de se considérer comme noirs. Il est donc possible que les Blancs soient davantage effarouchés d’être labellisés ainsi, mais c’est le prix à payer pour la mise en équivalence que requiert l’analyse [5]. Lorsque le sociologue décide de nommer, il doit être conséquent et le faire systématiquement."

Du coup, pourquoi employer le mot "de couleur" ? C'est une vraie question :fleur:, parce que visiblement c'est une femme noire qui l'emploie, et que du coup ça m’intéresse de savoir pourquoi elle choisit ce mot-là. C'est en fonction du public supposé qui va recevoir le message ? Est-ce qu'avec d'autres femmes racisées elle emploie aussi cette expression ?
 
7 Juin 2014
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Paris
-> Une sorte de réponse uniquement sur mon ressenti, étant donné que je suis sud-américaine j'ai un teint de couleur brune, plus précisément et plus illustré : couleur Pantone 730.
Donc je suis "brune" ou "marron"
Quand je parle de moi dans une discussion et que j'essaie de poser des mots sur la manière dont je peux être "vue", "envisagée" par d'autres je dirais : Oui moi qui suis une femme de couleur je connais ce genre de situation.
Car je ne suis pas noire, pas d'origine africaine.
Simplement pour m'intégrer dans toute la bande des femmes/personnes qui subissent le racisme au quotidien, je parle de moi comme d'une femme donc "colorée", donc non-blanche, donc concernée par le problème de devoir prouver le fait que je suis française, assimilée à ce pays depuis toujours.
 
28 Avril 2015
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@grenouilleau

Il y a un truc que je ne comprends pas vraiment dans la citation du prof que tu as donnée.
Il parle d’une observation des passants et qu’il préfèrent au lieu d’utiliser le terme « de couleur », les termes « arabes », « noirs » ,...

Ça me paraît délicat, il y a des gens qui ne sont pas noirs, ni arabes mais tout de même racisés et qui sont peu représentés en france donc il y a des risques d’erreur.
Édit : je prends l’exemple de mon copain, la majorité‘ des gens se trompent concernant son origine : certains pourraient le mettre dans la case arabe, d’autres européens bien typé du sud, d’autres amérique latine,... alors que c’est rien de tout ça
 
20 Avril 2015
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Angers
@grenouilleau C'est peut-être aussi un anglicisme, réflexe facile si on a l'habitude de lire à ce sujet en anglais, le terme utilisé étant "people of color", on peut vite se retrouver à retranscrire ça par "personne de couleur" en français, même en sachant que ce n'est pas le bon terme, parce que la formulation nous est venue à l'esprit dans une autre langue.
 
3 Novembre 2018
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@PetitePaille Les jeunes femmes de l'article ont fait le même raisonnement que toi :
"
Ainsi Sarah et Sophie se lancent-elles, à l’intérieur du parc Monceau, dans un comptage des personnes qui y entrent « en fonction de leur couleur de peau ». Elles construisent alors une nomenclature qui devient presque aussi sophistiquée que le nuancier d’un magasin de peintures. À l’origine, elles établissent quatre catégories dont trois seulement renvoient à une couleur : « Blanc, Jaune, Beur, Noir ». Mais, écrivent-elles, « au cours de notre comptage, d’autres nuances de couleur de peau sont apparues, telles que “marron clair”, “marron foncé” et “marron très foncé” pour les couleurs qui ne pouvaient pas être comptabilisées dans la catégorie “noir” ». Leur perplexité ne cesse de grandir. « Par exemple : est-ce qu’un Philippin est “noir” ? Il n’est pas “beur” ni “marron clair”, en comparaison avec un Maghrébin, un Émirati ou un Iranien ; dans ce cas, il est peut-être “marron foncé” mais il n’est pas “noir”, en comparaison avec les populations “noires d’Afrique”. De même : est-ce qu’un Pakistanais est “noir” ? Est-ce qu’un Cambodgien est “noir” ? Est-ce qu’un Malgache est “noir” ? […]

De même, à l’opposé qu’est-ce qu’être “blanc” ? Il existe bien des Italiens du sud qui ont une couleur de peau parfois très foncée, sont-ils “blancs” ? […] Les Inuits dans leur environnement naturel arrivent à distinguer visuellement au moins une quinzaine de types de “blancs” différents ; ils ont donné des désignations spécifiques pour chacune des différentes nuances de “blancs”. » Avec cet exemple éloigné, Sarah et Sophie montrent qu’il y a mille manières de découper et catégoriser le réel. Toutefois, l’inventivité des hommes est proportionnée à leurs préoccupations concrètes : si les Inuits distinguent tant de nuances de blanc, c’est parce que cela permet de mieux appréhender, dans leur environnement, les différentes formes de neige et de glace. De la même manière, un classement racial doit avoir pour objectif d’outiller et d’orienter l’analyse d’un ordre social raciste.

Les catégories sur lesquelles débouchent Sarah et Sophie ne sont pas des catégories de « couleur ». Pour observer, l’enquêteur n’utilise pas un nuancier qui lui offrirait une nomenclature raffinée par la déclinaison de centaines de teintes. Il n’est pas question de couleur mais de race, c’est-à-dire de catégories et de marqueurs correspondants forgés par l’histoire de rapports sociaux de domination. Par exemple, les Arabes ou Maghrébins ont longtemps été considérés comme blancs dans les pays anglo-saxons parce que l’histoire coloniale de ces pays ne les avait pas constitués comme une catégorie particulière. Une telle assimilation n’aurait aucun sens en France, où les populations d’origine maghrébine sont rendues saillantes, au moins depuis la colonisation de l’Algérie au XIXe siècle, par des discours et des pratiques multiples, des plus publics aux plus privés.

Concluant que la couleur ne suffit pas, les deux étudiantes estiment « plus judicieux de prendre en compte non seulement la couleur de peau mais aussi la morpho-physionomie du visage (la forme générale du visage, la forme et la taille du nez, la couleur et texture des cheveux, la couleur des yeux, etc.) ». Elles reprennent ainsi le cheminement des savants racistes du XIXe siècle – qui, contrairement à Sarah et Sophie, ajoutaient à leurs classements morphologiques la conviction qu’ils pouvaient prédire des variations culturelles. Elles s’affrontent donc aux mêmes impasses : aucun critère décisif ne permet de déterminer où tracer les frontières entre catégories. Sarah et Sophie fabriquent ainsi un tableau comportant huit catégories raciales. Encore insatisfaites, les étudiantes trouvent leur classement « très subjectif », ne cessant d’en souligner l’arbitraire. Cela ne signifie pas qu’il est faux, mais qu’on aurait pu faire autrement. Elles achèvent leur raisonnement par un tableau beaucoup plus rudimentaire, qui se contente de séparer les Blancs (78 % des 250 personnes entrées dans le parc pendant leur observation) des non-Blancs (22 %).

Par ce cheminement, elles montrent ainsi le caractère conventionnel des classifications : une observation, même fine, des traits et tons du visage ne donne pas de réponse automatique à la question des catégories de classement qui seraient pertinentes. Quel que soit le critère retenu, la réalité présente un continuum des corps, tandis que l’on cherche à ranger dans des catégories séparées. La logique de rangement est construite par une perception des races, qui est une perception raciste léguée par notre histoire, mais qui est un moyen parfois incontournable pour mettre en lumière des phénomènes découlant du racisme. La compétence mise en œuvre par Sarah et Sophie est une sorte de sens commun raciste qui loge en chacun de nous, augmentée simplement d’un principe de symétrie (c’est-à-dire du souci de nommer les Blancs), et de la conscience que ces catégories sont utiles à la description parce qu’elles ont servi et servent à opprimer.

Les catégories mobilisées sont arbitraires, contingentes, historiques. Si elles ont une efficacité descriptive, c’est parce que des acteurs innombrables leur ont donné une consistance, une puissance de structuration de la société
. On a beau le dire et le savoir, on risque toujours de l’éluder lorsqu’on fige ces catégories en tête de colonnes d’un tableau statistique. C’est le risque à prendre pour décrire notre présent, qui est à la fois le fruit et un moment parmi d’autres de l’histoire.

Si repérer des races n’a de sens que parce qu’il y a du racisme, et si le repérage des races emprunte par conséquent les catégories instituées par le racisme, pour autant ce dernier ne fournit pas une nomenclature unique et assurée. Au cours de ses cinq siècles d’existence, l’idéologie raciste n’a cessé de se contredire en affirmant le caractère évident, absolu et éternel des races, tout en en inventant constamment de nouvelles. Par exemple, faut-il aujourd’hui user d’une catégorie unifiée de « Beurs », comme le font Sarah et Sophie, ou distinguer les « Arabes » des « Berbères » ? Aucune réponse définitive n’est possible. C’est un arbitrage entre ce que l’on cherche, les questions que l’on se pose, et ce que présente le terrain comme informations. En l’occurrence, Sarah et Sophie ont finalement conclu de la taille réduite de leur échantillon et de l’incertitude pesant sur leurs classements que la nomenclature la plus simple à manipuler et la plus fructueuse en termes de résultats était celle séparant des Blancs des non-Blancs."
 
28 Avril 2015
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@grenouilleau

J’avoue que j’ai pas tout compris.. À la fin on en revient au final à la classification « blancs » et « non blancs » ce qui est similaire avec « blancs » et « personnes de couleur ».

Du coup le passage où il dit qu’il préfère qu’on emploie le terme « noir » ou « arabe » a plus trop de sens puisque ça se révèle être un échec pour cette expérience.
 
12 Octobre 2014
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et encore, séparer les blancs des non blancs est également inexact.... car ne prenant pas en compte les groupes intra-ethniques chez les Blancs, comme le font pourtant les Chinois, par exemple, avec leurs 52 "nations" (= ethnies)...
Le terme même de "race caucasienne" (=blanc) est biaisée (l'origine de cette "idée" vient du 18e siècle).
 
3 Novembre 2018
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@PetitePaille C'est vrai que c'est pas évident. De ce que j'ai compris, pour résumer, l'article parle des étudiantes en sociologie essayent de faire un classement détaillé des genTes dans la rue pour un exercice pour la fac, elles n'arrivent pas à établir un classement fin, subtil, des genTes, en fonction de leu couleur de peau. C'est un peu ce que tu as fais, si je t'ai bien comprise, quand tu décrivais ton ami.
Et le résultat c'est que les catégories qu'elles ont trouvé étaient trop instables, ne marchaient pas tout le temps pour "classer" tout le monde.
Donc, si on veut réfléchir sur le racisme, et lutter contre, on doit réfléchir avec le classement raciste, ne pas l'ignorer, parce que les genTes comprennent bien que ça renvoie à des stéréotypes sociaux et institutionnels.
Pour parler du racisme, il faut "voir" la réalité sociale à laquelle il renvoie, puisque le racisme, c'est du social, pas du biologique.

edit : pour le dire autrement : même si l'expérience de créer un classement a raté, l'échec permet quand même de comprendre des choses sur le racisme.
 
23 Mars 2016
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Ailleurs
Au-delà des échanges ci-dessus (qui sont vraiment intéressants et pertinents à mes yeux), je trouve ça bien de redéfinir une image de la "Parisienne" parce que, aussi régionaliste puissé-je être, il faut bien reconnaître que c'est l'image de la femme française qui passe à travers ce terme de "Parisienne". C'est un beau projet de montrer des parisiennes qui incarnent aussi bien cette image qu'une femme blanche.

Après, d'un point de vue de "provinciale" de toujours, c'est ironique, parce que Paris est typiquement le lieu où on voit les gens de couleurs par rapport au reste de la France. Beaucoup de grandes villes régionales ont des populations de couleur mais rarement autant qu'à Paris et en région parisienne (et pour cause, la concentration d'activité et de population va dans ce sens)_un bémol pour Marseille qui est plus cosmopolite. Pour avoir vécu dans des grandes villes en région, la population y est beaucoup plus blanche. Et je ne parle même pas des villes moyennes où les personnes de couleurs sont bien moins nombreuses en proportion (je vous parle pas de mon village familiale en Ardèche où y'a une famille noire, sur l'air de Marly-Gaumont). Donc clairement, s'il y a une personnification de la femme de couleur urbaine, c'est la Parisienne.
 

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