Hum alors je m'y connais pas en "golden ratio" mais clairement, ça sonne comme un truc marketing d'un gars qui invente un concept bidon en apposant "Grèce antique" à côté pour se donner un air hyper crédible et "intemporel" alors qu'il ne sait pas du tout de quoi il parle.
En fait, ce passage-là de l'article est plutôt une reprise de l'argumentaire d'hommes beaucoup plus proches de notre époque qui veulent se donner une crédibilité :
"Je rappelle que le Golden Ratio a été inventé au temps de la Grèce Antique et qu’il était utilisé pour déterminer quelle est la beauté parfaite présumée à cette époque-là.
Or, petit plot-twist, nous sommes en 2020 et la Grèce Antique, et ben ça commence à dater, les gars."
En réalité, ce n'est même pas que la Grèce antique commence à dater... C'est que cette histoire de beauté parfaite ce n'est pas du tout ce que racontent ces gars! D''ailleurs, avant toute chose, il faut savoir que le sujet de l'esthétique et de la beauté chez les philosophes antiques, il y a encore des centaines de chercheurs qui y consacrent leurs travaux et leurs thèses donc ça m'étonnerait qu'un chirugien plastique ait vraiment bien cerné le sujet, à moins qu'il ait aussi un suivi un double cursus "histoire de la philosophie/médecine" jusqu'en thèse.
Je trouve ça assez intéressant au final, car la beauté est un concept totalement flou et cette histoire le démontre bien. La notion de beauté physique chez un être humain est un concept social qui dépend des cultures. Quant à la beauté esthétique, c'est une notion philosophique qui a fait l'objet de nombreux traités et longues, longues disserts sur ce qui est beau ou non.
Historiquement et notamment dans la Grèce antique, le terme de "beau" est un terme qui porte des notions de vertus et morale, mais en 2020, ce sens a pas mal disparu du français et de l'anglais. Dans les récits anciens, de nombreux héros sont décrits comme beaux mais ce n'est que marginalement un jugement sur des critères esthétiques. Souvent, le héros est beau parce que la beauté est une forme de noblesse, pas parce qu'il est littéralement BG. Dans de nombreux écrits antiques, ce qui est beau est ce qui a de la valeur, mais ce n'est pas forcément la beauté qui donne la valeur à l'objet/le paysage/l'action mais au contraire la valeur/la vertu qui permet de qualifier cet objet/personne/paysage de beau. "La vraie beauté vient du coeur", ce n'est pas juste une morale gnagnan digne d'un Disney, c'est issue d'une vraie réflexion que les penseurs développent depuis des milliers d'années.
Bref, cette règle d'or appliquée à un visage, j'ignore si elle existait vraiment pour juger des apparences humaines, mais si c'est le cas, je suis quasiment sûre qu'elle n'était absolument pas utilisée pour classer des belles femmes bien vivantes car si un nombre mathématique "parfait" était employée sur l'esthétique du corps humain, c'était très certainement pour discuter de perfection, donc de quelque chose de proche du divin, d'inhumain. J'imagine que si elle a été vraiment utilisée, cette règle était réservée à l'art. Or, dans la Grèce antique classique, l'art n'avait pas vocation à représenter de manière réaliste l'être humain ou à reprendre des standards physiques auxquels se conformer mais à représenter justement une sorte de perfection esthétique que personne n'imaginait qu'un vrai humain était supposé égaler, à sublimer des personnes réelles pour leur donner une dimension supérieure au réel.
La "perversion" de la notion de beauté à notre époque, c'est qu'on semble en avoir retiré sa dimension philosophique, morale, intellectuelle, émotionnelle que décrivait les philosophes antiques, pour faire croire qu'il s'agit d'un guide à portée de l'humain. Dans le passé antique, j'aurais pu me faire représenter selon un éventuel nombre d'or, mais celui-ci n'aurait eu aucune pour but de montrer ce à quoi je
devrais ressembler pour être vraiment sexy, mais plutôt une version héroïsée de ma personne, un peu comme si je me demandais à un artiste de faire un portrait géant dans mon salon où je suis représentée comme une Princesse légendaire : on me déguiserait, me maquillerait, me retoucherait, etc. et personne ne s'imaginerait que je suis "moins bien en vrai", parce que cette image serait supposée exalter certains aspects de moi-même, notamment des qualités personnelles, en les mettant en valeur grâce à cette mise en scène plutôt que de cacher mes défauts de la vie réelle.
Je trouve donc assez intéressant qu'on évoque la Grèce antique pour trouver une nouvelle manière de rabaisser le corps féminin alors que cet appréhension de la beauté et de l'art n'a absolument rien à voir avec la "Grèce antique" (et d'ailleurs dans l'art de la Grèce classique, la notion de beauté était essentiellement rattachée au corps masculin et non au corps féminin, contrairement à l'art actuel).