Je comprends les réticences face à ce hashtag, mais je suis d'accord avec @Esturgeon que tout le monde n'est pas au même niveau de réflexion autour de la notion de genre et parfois, il faut commencer par le degré zéro pour pouvoir augmenter progressivement la réflexion.
A titre personnel, quand j'étais toute jeune étudiante, j'étais fan d'un sport très connoté masculin. Aujourd'hui, les fédérations sportives font beaucoup d'efforts pour promouvoir le sport féminin en règle générale, mais à l'époque, on n'entendait absolument jamais parler de ce sport joué par des femmes en France. Et du coup, ça ne m'était absolument jamais venu à l'esprit d'y jouer. Un jour dans le métro, je croise des supporters venus d'une région où ce sport est beaucoup plus popularisé qu'à Paris (j'imagine que ça donne un indice sur quel sport
). C'était des mecs assez âgés, genre la cinquantaine ou la soixantaine, mais typiquement les supporters à vie qui ont vraiment l'esprit du sport dans la peau. L'équipe de Paris jouait contre la leur et on allait tous aux matchs. On discute un peu, ils réalisent que j'adore ce sport et ils me demandent pourquoi je n'y joue pas. Franchement, ça m'a vraiment laissée sans voix car j'y avais jamais pensé jusque là alors que j'avais déjà une pensée assez féministe et que j'avais lu des choses sur la construction sociale du genre! Pour moi, c'était un sport d'hommes et que des hommes d'un certain âge me suggère de pratiquer ce sport m'a stupéfaite. J'ai répondu que c'était quand même pas trop un sport de femmes, et là un des gars me dit que ah si si, dans leur club ils ont une équipe féminine et la capitaine c'est une femme super, très féminine, elle n'a rien d'un garçon manqué ou quoi! J'étais pas trop convaincue par ce qu'ils venaient de me dire, mais ça m'a quand même marquée.
Quelques mois plus tard, je pars dans un autre pays où ce sport est aussi largement pratiqué, et il y avait une équipe féminine dans ma fac. Au début, je ne voulais pas rejoindre l'équipe. Je me souviens avoir dit à des gens que c'était quand même pas un sport très féminin donc j'allais pas rejoindre l'équipe, qu'il y a peu de choses qui ne sont pas faites pour les femmes, mais là vraiment non. Mais le discours des vieux supporters me trottait dans la tête. Je me suis dit que si des gars de cet âge pouvait trouver que c'était un sport tout à fait approprié pour des femmes, ça voulait quand même dire quelque chose, et l'équipe faisait des calendriers en mode sexys, donc je me disais que c'est vrai que ça a l'air quand même assez possible d'être féminine tout en faisant ce sport, puis j'ai fini par rejoindre l'équipe. Je me souviens que j'avais hésité avec l'équipe de water-polo (qui était mixte), et les responsables mettaient dans leur brochure que les filles ne devaient pas s'inquiéter pour l'entrainement physique, car les exercices de musculation leur donnerait un corps ferme et non pas un corps masculin, parce qu'apparemment, c'était une crainte de beaucoup de filles qui s'intéressaient au water-polo, et beaucoup renonçait à rejoindre l'équipe à cause de ça.
Aujourd'hui, je suis d'accord que mettre du rose et des talons hauts partout pour promouvoir le sport féminin, c'est nul. Mais je pense aussi qu'entre le moment où j'ai rejoint l'équipe (il y a 10 ou 15 ans), la perception de la "féminité" a beaucoup été déconstruite, donc on peut avoir un discours moins rose bonbon qu'à l'époque, ce qui est vachement moins le cas de la virilité. Me rassurer sur le fait que je n'allais pas être une paria de la société en transgressant trop les normes genrées parce que je faisais tel ou tel sport, ça m'a beaucoup aidé à en réalité trangresser un peu ces normes parce que oui, ça restait un sport très connoté masculin. Je pense que si on m'avait tenu un discours féministe plus avancé, si on ne m'avait pas parlé de cette femme "très féminine" qui est une super joueuse ou si mes coéquipières n'avaient pas fait un calendrier sexy parce qu'on se serait dit que c'est jouer le jeu du patriarcat, la moi de 20 ans aurait peut-être eu trop peur de s'engager là-dedans. Or, une fois que je m'y suis engagée, ça m'a beaucoup fait évoluer sur ma position féministe, parce que ce sport attirait du coup beaucoup de femmes qui ne se reconnaissaient pas dans les normes hétéro-genrées en même temps que des femmes parfaitement dans ces normes. On m'a donc attiré vers un rôle moins patriarcalement féminin en me rassurant sur ma féminité.
C'est pour ça que je pense que ce genre de campagne peut être pertinente pour certains publics.
Dans la même lignée d'idées, je suis convaincue que la majorité des gens sont bisexuels avec une tendance peut-être un peu plus forte vers une orientation ou une autre, mais que ce sont les pressions sociales qui nous poussent à ignorer notre bisexualité, particulièrement quand on se pense hétéro. En général, les femmes ne se sentent pas "menacées" par ce discours. Elles peuvent ne pas partager ma conviction, mais c'est assez rare que quand j'explique ça à une femme elle réagisse vivement, en général on échange sur le sujet et voilà. A l'inverse, la MAJORITE des hommes à qui j'ai expliqué ça ont réagi comme si je les attaquais personnellement et ne voulait pas aller plus loin dans la discussion "berk pas moi, moi je SUIS 100% HETERO!!! Les hommes c'est DEGUEULASSE!! Tu ne peux pas dire que je suis attiré par les hommes secrètement alors que c'est PAS VRAI DU TOUT!!!", même des hommes qui peuvent tenir un discours plus ou moins ouvert sur le sujet réagisse souvent très vivement comme si je remettais en cause leur qualité d'homme et que c'était une insulte personnelle.
Cette discussion est totalement impossible avec de nombreux hommes parce que j'aborde les choses à un niveau de remise en cause des normes genrées qui va trop loin pour eux. Pour que je puisse un tant soit peu avoir ce genre de discussion avec eux, il faut toujours que j'édulcore énormément mon discours, que je "préserve" la perception de leur virilité. Je ne dis même pas que j'ai raison, juste que c'est un sujet bien trop sensible pour de nombreux hommes, et si j'arrive sur mon cheval féministe en n'y allant pas par quatre chemins, on ne peut pas discuter. Ces hommes ne remettront jamais en cause leur sexualité hétéro tant qu'ils penseront qu'être autre chose qu'hétéro n'est "pas viril". Parfois, pour les amener au niveau supérieur, il faut ménager des trucs qui nous paraissent un peu anti-féministe.
Je suis d'accord que c'est un débat complexe ceci dit!
A titre personnel, quand j'étais toute jeune étudiante, j'étais fan d'un sport très connoté masculin. Aujourd'hui, les fédérations sportives font beaucoup d'efforts pour promouvoir le sport féminin en règle générale, mais à l'époque, on n'entendait absolument jamais parler de ce sport joué par des femmes en France. Et du coup, ça ne m'était absolument jamais venu à l'esprit d'y jouer. Un jour dans le métro, je croise des supporters venus d'une région où ce sport est beaucoup plus popularisé qu'à Paris (j'imagine que ça donne un indice sur quel sport
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Quelques mois plus tard, je pars dans un autre pays où ce sport est aussi largement pratiqué, et il y avait une équipe féminine dans ma fac. Au début, je ne voulais pas rejoindre l'équipe. Je me souviens avoir dit à des gens que c'était quand même pas un sport très féminin donc j'allais pas rejoindre l'équipe, qu'il y a peu de choses qui ne sont pas faites pour les femmes, mais là vraiment non. Mais le discours des vieux supporters me trottait dans la tête. Je me suis dit que si des gars de cet âge pouvait trouver que c'était un sport tout à fait approprié pour des femmes, ça voulait quand même dire quelque chose, et l'équipe faisait des calendriers en mode sexys, donc je me disais que c'est vrai que ça a l'air quand même assez possible d'être féminine tout en faisant ce sport, puis j'ai fini par rejoindre l'équipe. Je me souviens que j'avais hésité avec l'équipe de water-polo (qui était mixte), et les responsables mettaient dans leur brochure que les filles ne devaient pas s'inquiéter pour l'entrainement physique, car les exercices de musculation leur donnerait un corps ferme et non pas un corps masculin, parce qu'apparemment, c'était une crainte de beaucoup de filles qui s'intéressaient au water-polo, et beaucoup renonçait à rejoindre l'équipe à cause de ça.
Aujourd'hui, je suis d'accord que mettre du rose et des talons hauts partout pour promouvoir le sport féminin, c'est nul. Mais je pense aussi qu'entre le moment où j'ai rejoint l'équipe (il y a 10 ou 15 ans), la perception de la "féminité" a beaucoup été déconstruite, donc on peut avoir un discours moins rose bonbon qu'à l'époque, ce qui est vachement moins le cas de la virilité. Me rassurer sur le fait que je n'allais pas être une paria de la société en transgressant trop les normes genrées parce que je faisais tel ou tel sport, ça m'a beaucoup aidé à en réalité trangresser un peu ces normes parce que oui, ça restait un sport très connoté masculin. Je pense que si on m'avait tenu un discours féministe plus avancé, si on ne m'avait pas parlé de cette femme "très féminine" qui est une super joueuse ou si mes coéquipières n'avaient pas fait un calendrier sexy parce qu'on se serait dit que c'est jouer le jeu du patriarcat, la moi de 20 ans aurait peut-être eu trop peur de s'engager là-dedans. Or, une fois que je m'y suis engagée, ça m'a beaucoup fait évoluer sur ma position féministe, parce que ce sport attirait du coup beaucoup de femmes qui ne se reconnaissaient pas dans les normes hétéro-genrées en même temps que des femmes parfaitement dans ces normes. On m'a donc attiré vers un rôle moins patriarcalement féminin en me rassurant sur ma féminité.
C'est pour ça que je pense que ce genre de campagne peut être pertinente pour certains publics.
Dans la même lignée d'idées, je suis convaincue que la majorité des gens sont bisexuels avec une tendance peut-être un peu plus forte vers une orientation ou une autre, mais que ce sont les pressions sociales qui nous poussent à ignorer notre bisexualité, particulièrement quand on se pense hétéro. En général, les femmes ne se sentent pas "menacées" par ce discours. Elles peuvent ne pas partager ma conviction, mais c'est assez rare que quand j'explique ça à une femme elle réagisse vivement, en général on échange sur le sujet et voilà. A l'inverse, la MAJORITE des hommes à qui j'ai expliqué ça ont réagi comme si je les attaquais personnellement et ne voulait pas aller plus loin dans la discussion "berk pas moi, moi je SUIS 100% HETERO!!! Les hommes c'est DEGUEULASSE!! Tu ne peux pas dire que je suis attiré par les hommes secrètement alors que c'est PAS VRAI DU TOUT!!!", même des hommes qui peuvent tenir un discours plus ou moins ouvert sur le sujet réagisse souvent très vivement comme si je remettais en cause leur qualité d'homme et que c'était une insulte personnelle.
Cette discussion est totalement impossible avec de nombreux hommes parce que j'aborde les choses à un niveau de remise en cause des normes genrées qui va trop loin pour eux. Pour que je puisse un tant soit peu avoir ce genre de discussion avec eux, il faut toujours que j'édulcore énormément mon discours, que je "préserve" la perception de leur virilité. Je ne dis même pas que j'ai raison, juste que c'est un sujet bien trop sensible pour de nombreux hommes, et si j'arrive sur mon cheval féministe en n'y allant pas par quatre chemins, on ne peut pas discuter. Ces hommes ne remettront jamais en cause leur sexualité hétéro tant qu'ils penseront qu'être autre chose qu'hétéro n'est "pas viril". Parfois, pour les amener au niveau supérieur, il faut ménager des trucs qui nous paraissent un peu anti-féministe.
Je suis d'accord que c'est un débat complexe ceci dit!