Moi qui ai longtemps été rebutée par l'idée d'allaiter, assumant pourtant mon animalité et mon statut de mammifère, mais beaucoup moins la proximité physique avec un autre être humain, j'ai revu ma copie durant ma grossesse. Voici les raisons qui m'ont poussées à allaiter, et qui ne sont presque jamais évoquées dans les articles et études :
- la peur de la rupture de stock (et oui, j'ai été enceinte dès le 1er confinement) : que se passe-t-il si les livraisons voire la production de lait en poudre ou d'eau pour nourrisson ne se font plus ? L'idée m'a complètement fait flipper ! Tant que je bois bien et me nourris bien, tant que bébé tête, je peux assurer ma propre production. Cela m'a beaucoup rassuré.
- le côté pratique : moi qui adore me balader sans trop savoir combien de temps je sors, j'ai le garde manger sur moi quoiqu'il arrive !
- la colère envers les industriels. Surtout autour du business "bébé" et de l'agro-alimentaire. (ça m'empêche pas d'acheter, mais pour le lait j'avais pas envie de les engraisser sachant que j'avais une solution en mon sein - du moins si mon allaitement fonctionnait ,ce qui a été le cas malgré bien des épreuves ! car non, c'est pas facile d'allaiter il faut beaucoup de soutien :o )
- l'aspect économique. J'ai plus de boulot, budget méga serré, comment économiser significativement des sous tous les mois ? Ben voilà, en évitant d'acheter du lait et de l'eau. Ca parait très pragmatique et ça l'est. Mais croisé avec le point précédent, ça prend encore plus de sens.
- la peur très personnelle de ne pas être proche de mon bébé, car je suis peu (pas) tendre naturellement. L'envie de briser cette pudeur pour mon enfant. Chose qui, rétrospectivement, aurait aussi bien marché avec le biberon en faisant du peau à peau ! Et parce que en donnant le biberon un jour où j'étais épuisée, j'ai ressenti le même plaisir profond (merci Ocytocine). Mais à l'époque ça a orienté grandement mon choix.
- et enfin : le goût. Le goût du lait est influencé par ce que la maman mange. Je trouve ça fun. Et aussi le lait s'adapte : plus il fait chaud, plus il contient d'eau. Pas besoin de réfléchir à la quantité de lait ou d'eau à donner, puisque c'est à la demande le bébé se régule tout seul, tant qu'il grossit c'est que ça roule. J'aime bien cette praticité aussi, cette confiance que je peux lui faire. Après, j'ai conscience que certains bébés grossissent moins bien et que là ça devient angoissant pour les parents, alors qu'au bib on contrôle la prise. L'inconvénient toutefois de tout ça : à la demande, les 2-3 premiers mois, c'est BEAUCOUP !!!!! T'as intérêt à avoir une réserve de bouquins et de films à mater ^^ (mais ça repose, aussi, du coup). Et puis ben, je peux picoler qu'après une tétée, et pas trop. Ca me manque ça, j'avoue.
Et enfin je dois dire que l'allaitement m'a évité une grosse dépression post partum. Ca, on en parle peu, mais j'ai fait un baby blues de 2 mois qui commençait à partir sur une dépression, j'ai vu la psy de la maternité plusieurs fois durant ce temps. Dès le début je ne me sentais pas mère, pas à ma place, mes problèmes de confiance en moi étaient terribles et je me sentais inutile pour mon bébé. Pourtant je l'aimais à en crever. Et puis j'ai compris que l'allaitement, dans sa fonction de nourrissage et de réconfort, il n'y avait que moi pour le lui apporter. C'était (dans ma tête, à ce moment là) notre seul lien rien qu'à nous. Je me suis raccroché à ça comme à une bouée de sauvetage et c'est comme ça que j'ai réussi peu à peu à trouver ma place, prendre confiance, et avec le temps j'ai réussi aussi à passer le relais au papa en passant par le biberon pendant mes absences. Et j'ai réussi à ne plus définir ma maternité à travers l'allaitement au sein. Mais voilà, sur cette période, ça m'a sauvé.
BIEN QUE...si j'avais choisi le biberon, peut-être que j'aurais mieux récupéré physiquement aussi, que je me serais moins mis la pression, et que j'aurais eu un post partum moins chanmé. On ne saura jamais !
Les bienfaits sur la sante bébé/maman, franchement, ça n'a jamais joué dans ma décision. J'ai pas été allaitée et j'ai la santé (et un cerveau fonctionnel) donc j'avais vraiment pas de préjugés de ce type.
Ah un petit avantage quand même, tiens, c'est que j'ai toujours pas mes règles et j'avoue que ça, c'est le bonus que je kiffe bien ^^
Mais comme vous le voyez, mon choix est très personnel et j'ai du jongler avec beaucoup de difficultés qui ont failli me faire renoncer plusieurs fois. Je trouve les débats autour de "c'est quoi qu'est le mieux pour nos bébés" fatigants. Ils touchent forcément à des cordes sensibles chez toutes les mamans car on a toutes fait un choix (ou un non-choix, dans le cas d'un allaitement au sein impossible par exemple !) sur la base de notre histoire personnelle, de nos valeurs, de notre manière d'envisager notre maternité et la manière d'inclure le/la partenaire de vie.
Pour finir, oui l'allaitement est de plus en plus plébiscité...mais grand maximum 6 mois. Jusque là les gens sont bienveillants, mais dans le cas d'un allaitement long vous commencez à vous bouffer des regards et des réflexions tout à fait désagréables... j'en suis à 7 mois, j'ai pas envie d'arrêter. Et je me retrouve de plus en plus "seule". Avant j'osais facilement allaiter au parc. Maintenant je me planque derrière la poussette sous des foulards. Pas envie de prendre une baffe par une vieille connasse.
Voilà pour ma contribution laitière
