Il m'est arrivé de constater, sur des photos de vacances, des gens qui regardent d'autres gens. Après c'est facile d'interpréter à n'importe quelle sauce quel sorte de regard les uns portaient sur les autres.
Je me souviens d'avoir pris quelques photos du genre :
en photo j'ai pris par hasard dans la rue :
- une "occidentale" dans un pays "oriental", 50/60ans, l'air morne, la tête baissée. En second plan, sur la photo, on voit clairement une bande de jeunes filles "locales" (je ne sais pas trop quels termes employer) se retourner sur le passage de la dame et lancer des regards moqueurs, en train de s'esclaffer. Honnêtement, je ne pouvais pas dire en regardant la photo si la dame âgée possédait une caractéristique particulière pour mériter ces regards.
-un groupe de 3 jeunes filles anglaises fraîches et blondes croisant le passage d'une grande femme noire, féline, moulée dans un jean serré et portant pour seul haut une espèce de brassière à dos nu. Sur la photo de loin, on voit des airs de dédain vers la dame noire ou non, et même qu'une des filles porte la main à sa bouche, le visage crispé. Eh bien en zoomant et en me souvenant de la scène, j'ai pu constater que la jeune fille baillait, que son groupe de copines plissaient les yeux car était aveuglé par le soleil
- puis enfin, je prenais en photo ma soeur de dos (oui oui, c'est très utile comme démarche) et j'ai constaté plus tard que deux femmes se moquaient clairement d'elle. Etait-ce à cause de sa tête, de son poids, de sa robe, de son sac, de ses chaussures, ou bien de sa démarche ? On ne sait pas. Mais on s'en fout non ?
Les gens se moquent d'autrui pour toute et n'importe quelle raison. Oui, les regards, ce n'est pas forcément évident à gérer pour tout le monde, mais on n'y peut rien, ou pas grand chose.
Peut-être : on pourrait maîtriser l'air qu'on a en public.
Dans les séries de la photographe, elle se met très souvent en scène le regard ou le corps vers le bas, la mine triste. Elle n'est pas neutre du tout, et ça attire l'attention (positive ou négative). Ses postures sont même prostrées parfois, ou particulières (elle prend une photo les jambes assez écartées, ou téléphone les genoux quasi face à face. Quelqu'un dans cette posture, ça attire ma curiosité, sans que ce soit malsain.
Je me souviens, un jour d'automne, avoir croisé en l'espace de longues secondes le regard de pas mal de personnes, plus que d'habitude, quand je marchais dans la rue, rayonnante (je sortais d'une colle où j'avais eu 18

). Quand je porte cette fameuse chemise rose à fleurs en été, aussi.
Quand je suis sur le point de pleurer dans les transports en communs ou dans la rue, les gens le remarquent aussi.
Quand je parle avec excitation avec quelqu'un dans la rue, ou que mes zygomatiques ressortent clairement sur le visage, je me fais statiquement plus abordée ou plus d'inconnus me parlent spontanément (je ne fais pas référence à de vieilles dragues pourries).
Qu'on ait l'air avenant ou au contraire, pas du tout, ça modélise les interactions avec les gens dans la rue. Il n'y a pas forcément de méchanceté dans cette attitude.
Moi ce qui me frappe, c'est que la photographe a choisi de faire cette série, de se mettre en scène de cette façon là (attitude, direction du regard, posture). On ne sait pas trop où elle veut en venir : Dénoncer l'existence de gens qui se moquent d'elle en particulier ? Des personnes obèses en général ? Montrer l'étendue de sa solitude (et de la possible cause de cette solitude) ?