Effectivement personne ne s'offusque du fait que les hommes blancs fassent la bise aux femmes et se serrent la main entre eux. Pourtant c'est exactement la même chose. Je suggère à
@Clemence Bodoc d'écrire un article sur le sujet.
C'est prévu. (cf mon précédent post sur la vie professionelle, p.1 ou 2)
Sinon (coucou, I'm back
), je constate que le débat est resté sur l'acceptabilité d'une pratique culturelle, selon sa dimension sexiste (ou autre discrimination). Ça me va.
Donc on analyse tous les comportements jugés sexistes dans leur cadre culturel ? Alors. Dans beaucoup de cultures, la fille est la propriété de son père, qui choisit son futur mari, lequel hérite ensuite de sa propriété.
L'excision est une pratique culturelle, comme ça a été souligné.
Mais on ne dira pas que je suis de mauvaise foi : prenons uniquement
les pratiques culturelles qui ne causent aucun dommage physique à la femme.
Après tout, qu'on me serre la main ou pas, ça ne change pas ma vie, on est d'accord. Et si je vais faire du business au Japon, je m'attends à zéro contact physique, et devoir compter sur mes collègues masculins pour la négo, car je ne serai pas prise en considération. C'est culturel, fair game.
Ok, donc on est d'accord que siffler les filles, les draguer dans la rue, c'est culturel. C'est une méthode de séduction convenue entre les 2 sexes : les filles feignent l'indifférence, les garçons en rajoutent. De toute façon, c'est avec la famille (et entre hommes !) que ça se décide. Les mariages arrangés, c'est culturel, et pour beaucoup, ça se passe super bien ! (Vu que c'est super accepté dans la culture, tout le monde s'y fait !) Si vraiment des filles (ou des mecs) ne veulent pas, ils ne sont pas obligés (ils refusent, partent à l'étranger, c'est pas non plus des mariages forcés, ça passe).
Le harcèlement de rue, c'est culturel... Et franchement, ça ne nous "touche" pas directement, y a pas de contact physique sans consentement. Le mec, souvent, c'est pour nous faire un compliment qu'il fait ça (certes hyper maladroit, mais on ne dira pas que "mamoiselle t'es charmante" c'est une insulte non plus).
Je vais m'arrêter là :
en quoi "la culture" excuse quoi que ce soit ? Je conçois qu'il faille prendre des pincettes pour expliquer à des mecs en quoi dire "t'es charmante" dans la rue ce n'est pas un compliment, mais j'aurais vraiment l'impression de prendre mon interlocuteur pour un con si je devais lui expliquer en quoi refuser de serrer la main des femmes en général est offensant.
Personnellement, me dire qu'il faut "respecter ça" comme si ceux qui s'en réclament (en toute bienveillance patriarcale mal placée) étaient incapables de comprendre en quoi c'est profondément offensant,
je trouverais ça particulièrement patriarcal et infantilisant de ma part. Ces gens sont tout à fait capable de comprendre en quoi certains us et coutumes sont contraires à l'égalité entre les femmes et les hommes.
Je m'interroge sérieusement sur certains arguments avancés dans ce débat, par rapport à ceux que j'ai pu lire sur d'autres topics. On vient de débattre des mythes sur le harcèlement de rue : à celles qui disaient "moi ça me dérange pas, moi je prends ça pour un compliment", on expliquait le phénomène social sexiste sous-jacent, et
en quoi ta tolérance individuelle ne rachète absolument pas un comportement misogyne culturel.
Sous Danish Girl, on expliquait en quoi distribuer les rôles sociaux sous le prisme rigide du genre excluait tou•tes celles et ceux qui n'appartenaient ni à l'une, ni à l'autre catégorie, ou qui avaient transitionné de l'une à l'autre. Et tout à coup,
c'est acceptable de fonder sa vision de la société sur une dichotomie de genre si stricte qu'elle affecte carrément la manière dont tu t'adresses aux gens ? C'est trans-friendly, de traiter différemment les hommes et les femmes ?
Je respecterai la culture japonaise et la culture indienne si je me rendais dans ces pays. Mais d'une part, ces cultures y sont pour quelque chose dans le fait que ces pays ne figurent pas en tête de liste de mes destinations de rêve. Et d'autre part : je nourris l'espoir qu'un jour, les indiennes et les japonaises pourront voyager dans des wagons mixtes, s'habiller et se comporter comme elles veulent sans être victimes d'agressions sexuelles.
Il me semble que l'ensemble du mouvement féministe se bat pour ce but ultime : l'égalité entre les hommes et les femmes.
Je ne nie pas les différences culturelles : je sors justement l'égalité hommes-femmes de ce cet imbroglio. Peu importe ce que tel peuple considère comme poli, ce que telle religion vénère comme sacré ou maudit comme impur.
Être un homme ou une femme, ou entre les 2 ou aucun des 2 ne devrait pas influencer la façon dont tu es perçu•e et traité•e dans la société. Peu importe les croyances et la culture de l'autre. Notre dénominateur comment à tou•tes devrait être :
le respect sans condition. (Ce mec m'offense alors que je ne le connais même pas : juste parce qu'il dit, comme si c'était normal (la preuve, « beaucoup de rabbins » le font !), qu'il ne serre pas la main des femmes. Je le prends comment, du coup ? Mal.)
J'ai été élevée dans une culture catholique sexiste. Un papa, une maman, on ne ment pas aux enfants,
c'est culturel. On a toujours fait comme ça. La vie est sacré, de la conception à la mort naturelle, c'est culturel et religieux. Respectons ça. C'est pour protéger les plus faibles, nous expliquait une madz sur le topic de l'IVG. Pas pour rogner sur les droits des femmes ! C'est par pudeur, par respect que M. Sihamédi ne serre pas la main aux femmes !
« D'accord », pour citer Ali Baddou. Juste, on fait comment pour répondre au FN, qui brandit « les racines chrétiennes de la France » et sa « culture catholique », si on accepte en face que la « culture musulmane » soit une excuse pour justifier environ la même chose que ce que prône le FN : traiter différemment les hommes et les femmes dans la société ?
Moi, je vous propose une porte de sortie : on dit que
les droits des femmes, le respect de l'être humain en général, c'est pas conditionné par un cadre culturel. C'est pas négociable, c'est pas relativisable. Je me fous de savoir que dans telle culture, si on ne brûle pas la veuve avec le corps de son mari, leurs âmes seront maudites (ou je ne sais quoi). Je place le respect de l'individu avant le respect de toute spiritualité. Et je ne vais pas prendre des gants pour le faire, ni m'en excuser, en fait.
Je dis ça en ayant conscience que
« notre » culture EST sexiste. On nous soutient que le harcèlement de rue (« la drague de rue » lol), c'est culturel. Je me démène assez pour expliquer que c'est pas parce que c'est dans nos moeurs qu'on doit l'accepter. Et je devrais accepter le sexisme d'autres cultures parce que « c'est leur culture », justement ? Justement non, en fait.