C'est drôle, parce qu'en grandissant j'ai l'impression que la norme "avoir une meilleure amie" s'estompe. Ou alors c'est moi qui choisit mieux mes ami.es ? J'ai pas souvenir que, dans mes amies actuelles, l'une d'entre elles m'ait désigné une de ses connaissances comme "sa" meilleur.e ami.e.
Parce que pour moi c'était vraiment une norme à laquelle tout le monde devait se plier, de la primaire jusqu'à la fac. J'ai eu plusieurs "meilleures amies", et à chaque fois la relation partait en vrille, et je crois vraiment que c'est lié à ce statut de "meilleure".
En fait je crois que c'est vraiment le critère "meilleure" qui me sortait par les yeux : quand j'étais l'une des parties du duo, c'était une pression constante pour maintenir la version "idéalisée" de l'amitié. À la moindre tension je le prenais comme une remise en question de notre amitié. Le côté fusionnel était vraiment pas terrible, en tout cas ça ne me convenait pas du tout.
Et quand j'étais extérieure à un duo de cette sorte, j'avais l'impression que ce n'était pas la peine de chercher à créer des liens avec l'une ou l'autre, que de toute façon je serais toujours "moins bien" (le contraire de meilleure, ce que sous-entend clairement l'expression). En plus, généralement je m'entendais bien avec l'une, et pas avec l'autre (en tout cas pas aussi bien). Mais c'était difficile de créer une relation amicale, parce que le duo fonctionnait tellement ensemble. J'avais l'impression que je ne pouvais pas clairement dire à l 'une "écoute j'ai bien envie de faire un truc cet après-midi, est-ce que tu es libre, mais sans xxx, parce que je m'entends moyen avec elle".
Alors que dans le cadre d'une relation amoureuse, j'ai jamais eu aucun souci à verbaliser ça à mon ami du moment : "ça te dit de faire un truc, mais je m'entends pas avec untel de tes potes, est-ce que tu es libre ?"
En devenant féministe, s'est ajouté aussi une question : est ce que l'injonction sociale à avoir une meilleure amie n'est pas différente, plus forte, pour les femmes et pour les hommes ?
Quand je vois la sociabilité masculine, j'ai l'impression que l'amitié "de groupe" est plus fréquente (et surtout chez les "vieux", là encore), alors que les femmes, même encore âgées, sont plus nombreuses à avoir une relation étiquettée "meilleure que les autres". Et que cette injonction peut être handicapante socialement, parfois (on se ferme des amitiés qui-ne-conviennent-pas-aux-deux).