Le problème avec les quotas, c'est qu'ils sont souvent retournés contre leurs instigateurs.
La question du quota en politique semble très immédiate : les représentants du peuple sont censés être représentatifs. La conséquence des quotas à l'Assemblée Nationale, c'est que Madame est presque toujours l'adjointe de Monsieur. La conséquence au Gouvernement, c'est que nous avons des ministères de convenance où on met une Madame qu'on a sélectionnée pour son sexe, sa couleur de peau et pas pour ses compétences (quelles qu'elles soient, hélas, l'exemple de Mme Bachelot à la Culture "parce qu'elle aime l'Opéra" et en pleine pandémie où on avait décidé de toute façon qu'elle n'aurait aucun levier d'action, c'était édifiant). Les autres ministres en présence savent très bien repérer ces cas, et on entérine par-là même le rôle de potiche à la représentation publique, ce qui est incroyablement dégradant... et problématique parce qu'en fait, ces ministères ont du travail.
Pire, on décrédibilise les quelques lionnes qui ont tracé leur propre sillon dans la jungle car alors, à poste égale avec une potiche, on les soupçonne d'avoir bénéficié de la même complaisance à la montée des marches de la hiérarchie.
J'ai un exemple concret du problème à imposer des individus considérés comme malvenus au sein d'un conseil de délibération. Pour ce cas, il s'agit d'une discrimination sur l'âge. Il s'agit du Conseil des Etudes d'une Grande École d'ingénierie. Deux de mes amis y étaient les délégués représentants élèves. Ils étaient conviés, lorsqu'il avait lieu, au Conseil des Études où se discutaient les contenus de la maquette, les modalités de stage, les filières d'aménagement horaire sport et art de haut niveau. Et après un vote particulièrement rapide sur une liasse de plusieurs dizaine de pages où on leur a vaguement résumé le contenu sans qu'ils n'aient le temps de lire, ils ont fait leurs recherches pour constater que se tenait systématiquement un Conseil des Études Restreint avant chaque Conseil des Études auquel ils n'étaient pas conviés et où on décidait sans eux de ce qu'on allait voter au CE. La CTI oblige la représentation des élèves au sein du CE. L'équipe pédagogique avait déjà ses habitudes de travail, ils ont donc respecté la Loi à la lettre sans pour autant en respecter l'esprit.
Introduire 30% de femmes dans les CA d'entreprises va se faire de la même manière. Il y aura un CA Restreint, sans les femmes.
Les femmes qui atteindront ces postes seront des femmes qui voudront siéger au poste plus qu'elles ne voudront en faire le travail (puisqu'on les empêchera de le faire et qu'on les dégagera au profit d'une fille plus tranquille si elles font mine de vouloir s'intéresser au sujet). Ce seront individuellement des femmes mal dans leur peau, en quête de reconnaissance permanente pour un boulot qu'elles ne font pas. Des modèles féminins intrinsèquement méprisés et peu épanouis.
A mes yeux, le mieux qu'on puisse faire pour être "représentées" au sein des Grandes Entreprises, c'est de s'y investir sincèrement (ou de monter son propre business). Si vous avez réellement du talent (et chose injuste, tout le monde n'en a pas), et que la hiérarchie ou le marché voit en vous un employé de valeur et non juste une femme, vous monterez très naturellement avec l'intégralité de votre mérite, de la reconnaissance de vos pairs et de votre confiance en vous intacte.