@Yoonishan Pourquoi tu dis qu'il est "métis. C'est ce qu'il est, factuellement." ?
À ce même titre, une personne franco-britannique serait "factuellement métisse" ? (si tu penses que non, demande-toi pourquoi tu penses que non). Et pourtant elle ne serait pas racisée, on est d'accord ? Une personne somalienne et éthiopienne serait également "factuellement métis" et pourtant serait racisée, on est d'accord ?
Ce que je veux dire par là, c'est que "Métis" est également une construction sociale, et qu'elle est peu opérante pour penser ce genre de dynamiques structurelles. (Mais je ne dis pas qu'elle ne sert à rien ou ne vaut rien, et je ne nie pas le vécu des personnes se reconnaissant comme métisses en disant cela.)
Certaines personnes peuvent se reconnaître dedans à titre personnel, et tant mieux. En faire leur identité, et tant mieux. Elles peuvent aussi vouloir s'en réclamer et/ou vouloir s'organiser en fonction de cette identité, et tant mieux
Toujours est-il que "métis" complique cette réflexion politique (et je ne dis pas que cette appellation ne sert à rien, je nie pas leur vécu. Selon ta définition de "métis", je le suis largement moi-même, d'ailleurs).
Car rien n'empêche des personnes "métisses" de rejoindre des organisations de lutte contre le racisme, si elles s'estiment concernées, par exemple. Et leurs spécificités de personnes "métisses" y seront évidemment prises en compte, justement parce que les enjeux de
colorisme font aussi partie des questions du racisme, notamment.
Des personnes "métisses" peuvent également ne pas du tout se sentir concernées par le racisme, et tant mieux pour elle.
Que Christian Louboutin soit "factuellement métis" ou non, importe peu, en l'occurence, pour comprendre des dynamiques structurelles. On ne peut pas systématiquement se référer à l'arbre généalogique d'une personne pour savoir si, oui ou non, elle "mérite" d'être appelé "racisée" et/ou "noir" et/ou "métis". Commencer à réfléchir à ce genre de degré et de pourcentage, à l'échelle structurelle, ce serait une pernicieuse importation des États-Unis, à mon avis. Car ce serait biologisant et essentialisant, en plus d'être peu pertinent, politiquement.
Il y a mille et une façon d'être racisés. Des personnes "factuellement métisses" peuvent ne pas être racisées parce qu'elles passent pour blanches (et en bénéficient, qu'elles le veuillent ou non). D'autres personnes "factuellement métisses" peuvent être racisées parce qu'elles ne passent
pas pour blanches.
Par ailleurs, une personne perçue comme métisses parce que d'ascendance supposée asiatique et caucasienne ne seront clairement pas
racisées de la même façon qu'une personne perçue comme métisse tel que Christian Louboutin d'ascendance egyptienne et bretonne.
Encore une fois, peu importe les origines effectives des personnes en question, le regard social juge à l'emporte-pièce dans l'espace public. Je doute que des policiers, par exemple, se demandent si l'on est "noir", "métis" ou "quarteron". Ou que sortir son arbre généalogique puisse servir lors d'un entretien d'embauche ou pour décrocher un logement.
Enfin, je précise bien dans l'article que la race n'efface pas la classe. La classe n'efface pas la race, non plus évidemment. Et bien sûr que l'intersection de ces deux paramètres peut donner lieu à des spécificités, c'est ce que j'écris noir su blanc dans l'article aussi
La classe n’efface pas la race. C’est justement tout l’enjeu de
l’intersectionnalité qui est une grille de lecture permettant de prendre en compte comment ces réalités peuvent se conjuguer de façon spécifique.
Enfin, quand tu dis "on peu très bien être Blanc dans les faits et subir du racisme en raison de son apparence si l'on ressemble à quelqu'un de racisé. Ce qui montre vraiment la dynamique sociale du truc", eh bien, oui, on est d'accord (sauf pour la partie "être Blanc dans les faits", car je trouve cette formulation très biologisante et essentialisante, mais je vois ce que tu veux dire
) : être racisé est une construction sociale, peu importe ses origines effectives
Ah, et employer le terme de "racisé" induit qu'on parle alors de race sociale. "Racisé" est un raccourci pour dire "assigné à une race sociale". Cf.
"L'Idéologie raciste, genèse et langage actuel" de la française Colette Guillaumin, 1972.
EDIT : sur la question du métissage, je recommande chaudement cet épisode du podcast Kiffe Ta Race :
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