C'est un très beau - et effrayant, touchant, horrifiant - témoignage, j'ai les larmes aux yeux en le lisant. C'est horrible de se dire que des enfants de cet âge peuvent être horribles à ce point, et pourtant, c'est tellement courant, c'est tellement souvent que des gamins se font maltraiter, rejeter, harceler, pas forcément parce qu'il y'a une bonne raison, mais tout simplement parce qu'il faut bien quelqu'un à mettre plus bas que terre, à écraser pour faire remonter sa propre estime de soi. Malheureusement, c'est souvent ce qui "justifie" le harcèlement, et les gamins à cet âge là ne réalisent pas, ou ne veulent pas réaliser, la gravité de ce qu'ils font. Quant aux adultes, ils ne sont guère mieux. J'ai été particulièrement touchée par la mention faite aux dangers d'internet ; j'ai bossé là dessus en début d'année, et même si, avant l'arrivée d'internet, le harcèlement à l'école existait déjà, détruisait déjà des vies, et marquait déjà des personnes pour toujours, aujourd'hui, ça prive les victimes de la possibilité de se reconstruire ailleurs, là où personne ne saura qu'elles ont été moquées. Au contraire, internet est le plus large enclos à moutons qui soit, avec en prime le sentiment de ne rien faire de mal, parce que c'est virtuel. Les mots, les insultes, les moqueries ne sont jamais virtuelles, malheureusement, et parfois, qu'elles soient exprimées à 1000 contre 1, et en grande partie par des personnes totalement inconnues, c'est ce qui fait le plus mal.
Je n'ai pas eu une scolarité toute rose. J'étais la petite bouboule, très timide, avec des lunettes et des fringues moches. Ma meilleure pote, qui était à l'époque la fille toute maigre qui n'avait pas la moindre forme alors que ses copines avaient déjà de petits seins, était l'autre bouc émissaire de l'école, même si nous nous détestions cordialement. Et ça laisse effectivement des traces. Dans l'estime de soi, l'acceptation que nous avons ou non de notre capacité à plaire, la façon dont nous abordons la vie et les barrières que nous construisons autour de nous, paraissant totalement intouchables, innaccessibles, quand en réalité, la seule chose qui motive, c'est la peur que les cicatrices s'ouvrent de nouveau, car malgré ce que l'on peut dire, elles ne se ferment jamais vraiment. Aujourd'hui, j'ai en moi la rage d'années passées à essuyer les moqueries, les méchancetés, et je serais capable, de la simple force de mes mots, de donner à ces simples filles le regret immortel d'êtres nées un jour, comme elles me l'ont donné à moi. Cependant, je regarde ce qu'elles sont devenues, et je me dis qu'à moi toute seule, je m'en suis mieux sorties qu'elles toutes réunies. Et je suis fière de ça.
On s'en sortira toujours, les filles. On est de celles qui tombent, qui bouffent le sol, et même si ça fait mal, on se relève, peut-être un peu plus amochées, peut-être un peu plus faibles, c'est vrai. Mais on s'en sortira.