Après, je vois deux choses différentes:
- le racisme "ordinaire", c'est-à-dire la discrimination, les préjugés, les généralités, le rejet de ce qui est différent. Un sentiment humain (qui s'applique à tout le monde) vis-à-vis duquel il est bon d'avoir du recul parce que s'il permet à la base d'apporter le sentiment d'identité à sa communauté, c'est aussi en passant par le rejet de ce qui est extérieur à soi.
- le racisme institutionnalisé, c'est-à-dire basé sur un jeu de pouvoirs et de privilèges qui place un groupe ethnique dans une position hégémonique, hérité de l'histoire et qui transparaît dans tous les milieux (politique/économique/social/culturel/intellectuel, etc.).
Bien sûr les deux sont liés (la violence institutionnalisée est une conséquence du racisme ordinaire au sein d'une culture hégémonique), et par ailleurs la violence ordinaire est une forme de violence, comme la violence institutionnalisée.
En ce sens, le racisme contre les blancs (je n'aime pas du tout l'expression "anti-blancs") peut générer de la violence également. En fait, après une réflexion (qui n'est pas aboutie d'ailleurs), je crois que c'est dangereux de le nier parce que ça donne des arguments aux personnes (souvent seulement partiellement) privilégiées qui sont aveugles à la violence raciste de nos sociétés occidentales et ça nourrit un sentiment de rancoeur mal placé (rancoeur qui est possible précisément parce qu'il s'agit de personnes qui subissent aussi d'autres formes de violence et de frustration).
Mais il est clair que non, la colonisation, l'esclavage, la ségrégation, etc. ne sont pas de lointains souvenirs et il existe une forme de néo-impérialisme qui a beau ne pas normaliser la discrimination raciale, il n'empêche que celle-ci se manifeste autrement et de manière beaucoup plus insidieuse (notamment pour des histoires d'argent, de contacts sociaux, de distinction intellectuelle - bref dans un monde d'élite qui n'est pas totalement imperméable mais tout de même, qui reste assez traditionnel).
Alors moi je ne suis pas fière de l'histoire de mon pays et de mes ancêtres. Oui, je trouve cette histoire passionnante et trop complexe pour la rejeter en bloc. Non, je n'estime pas que je suis coupable de ce qu'ont pensé mes grand-parents et encore moins les générations antérieures. Mais effectivement, si j'adopte un point de vue éthique, je considère que les actes des populations européennes impérialistes et dominatrices ont eu des conséquences particulièrement désastreuses et qu'il n'y aucune raison de faire comme si c'était du passé et prétendre que ça n'a aucune conséquence sur la situation actuelle.
Après, c'est plus facile pour moi de condamner ces conséquences dans le sens où je ne suis pas patriotique et que je trouve ça absurde d'être nationaliste. Je me dis que j'aurais pu naître n'importe où, au milieu de n'importe quelle population, dans n'importe quel Etat, avoir n'importe quel sexe, etc. et que je n'ai aucune raison d'être fière que le hasard ait fait de moi une Française blanche issue de la classe moyenne. Je ne me suis pas faite telle que je suis, je suis juste née dans cette situation; il n'est pas question de mérite donc je ne vois pas pourquoi il devrait y avoir de la fierté. Par ailleurs je peux comprendre qu'on clame sa fierté d'appartenir à une minorité quand il s'agit d'un mouvement d'empowerment et de revalorisation (même si je ne suis pas particulièrement fière d'être une femme non plus), mais ça me paraît encore plus absurde quand il n'y a eu aucune humiliation culturelle et donc qu'il n'y a rien à "redorer".
Ceci dit, bien sûr, je pense sans doute ce que je pense et j'adopte sûrement une vision athée/absurde de la vie parce que je viens d'un milieu occidental et que ma famille m'a poussée aux études. C'est toujours difficile de trancher entre les déterminismes sociaux et la liberté individuelle, puisque les deux entrent en jeu.