Je suis très contente que madmoizelle relaye cet article parce que franchement, il serait temps d'en parler, de la sexualité des jeunes.
Je voudrais pas faire ma grosse rabat-joie vieux jeu mais depuis que je vois ce qui traîne sur internet en matière de porno, ben franchement je m'inquiète. Ça ne me donne pas envie de faire des enfants. Pas dans ce monde-là. On dit que c'est le boulot des parents mais je suis désolée, les parents peuvent pas toujours être là. Demain, si un p'tit con décide de montrer une vidéo trash à votre gamin(e) smarphone en main dans la cours de récré, ben vous pourrez rien faire. Tout comme vous ne pourrez pas empêcher vos enfants de taper des mots clé dans Google. C'est normal d'être curieux, après tout. Et puis surtout, on ne peut pas et on ne veut pas parler de tout avec ses parents. Les fantasmes, notamment sexuels, c'est intime; on n'a pas forcément envie de connaître la sexualité de nos parents et vice versa. Le truc, c'est qu'on passe de plus en plus de temps derrière des écrans (coucou Black mirror!
), et c'est pas la jeune génération qui dira le contraire.
C'est un sujet qui ne revient que très rarement sur la VPS mais je dois avouer qu'en tant que féministe, ça me fout les boules de voir l'évolution de l'industrie pornographique, surtout en termes de pratiques. D'ailleurs, ce qu'on peut remarquer, c'est qu'il y a eu un déplacement des exigences de l'apparence du corps vers la performance. Au début des années 90 jusqu'au début des années 2000, une actrice qui voulais faire carrière se faisait refaire les seins. Aujourd'hui, il faut accepter certaines pratiques, notamment anales, et je pense que personne ne pourra me contredire sur ce point. Ce qui prouve bien que lorsqu'on fait partie de cette industrie, on a une liberté somme toute limitée: on est toujours soumis à une certaine loi du marché. Il y a certes des exceptions, mais comme le terme l'indique, ce sont des exceptions. Le porno d'Erika Lust, c'est une goutte d'eau dans un océan. Oui, il y a les Stoya, les Katsuni, les Sasha Grey, mais de l'autre côté, il y a aussi les "prolétaires du sexes" comme les appelle Ovidie. Les filles qui tournent chez Woodman (voir
cet article de Tag Parfait plus que discutable du point de vue de la prise de position; d'ailleurs, je me souviens que lorsqu'il a été publié, l'article a vraiment fait controverse, ce qui me paraît justifié). Dans
Porn Studies, Linda Williams note également qu'il y a une plus grande fluidité des rôles dans le porno gay; le porno hétéro, lui, reste très marqué par le "genre". D'ailleurs, les actrices sont beaucoup plus polyvalentes que leurs homologues masculins. Rien n'empêche une actrice de toucher un peu à tout: femdom, soumission, scènes lesbiennes... Par contre, du côté des acteurs, ce n'est pas du tout le même topo. Les acteurs stars comme James Deen, Manuel Ferrara ou Rocco Siffredi ont un rôle, un seul: celui du mâle dominant. Où sont les AVN de la "best oral scene" pour ces acteurs? C'est très simple, il n'y en a pas. Pensez-vous! Filmer le plaisir d'une femme en train de recevoir un cunilingus à l'écran? C'est tellement rare! (et avant que quelqu'un me dise: "oui mais bon, dans le porno il faut tout voir, on peut pas bien filmer ce genre de scène, bla bla bla: et le tag "rimjob" alors?
).
Ce qui m'inquiète davantage, c'est la prolifération de niches où les actrices sont intentionnellement appelées à porter à l'intégrité de leur corps. Voir
cet article (aucune image NSFW, on est chez Agnès Giard, mais des mots qui piquent les yeux). Pourquoi ça m'inquiète? Parce que le marginal dans le porno tend toujours, dans une certaine mesure, à devenir la norme. Pourquoi ça me dérange? Parce que c'est pas du hentai. Je m'en fout qu'il existe des mises en scène de viol dans un dessin animé parce que même si ça me mets très mal à l'aise, ça reste de l'encre sur du papier. Là on parle de vrais gens. C'est du réel. C'est pour ça que ça me soûle qu'on vende à tout bout de champs Kink.com comme étant "le" studio de production avec la meilleure éthique qui soit. Parce que je suis désolée mais l'éthique ne peut pas être fondée sur le seul consentement. Surtout quand il est question d'argent. J'ai parlé tout à l'heure de loi du marché. Ça me paraît essentiel. L'industrie pornographique est, comme son nom l'indique, une industrie. On ne peut pas mettre sur un pied d'égalité un salarié et un patron. Dans un cas, il y a une personne qui a besoin d'argent pour vivre. La question, c'est: qu'est-ce qu'un patron a le droit de proposer à un salarié? Jusqu'à quel point peut-on consentir dans une relation marchande? Et au-delà de ça, puisqu'on parle de représentations, peut-on tout montrer?
Après cette digression sur le porno et notamment ses aspects les plus sombres, je vais revenir au sujet de départ, qui est la sexualité des jeunes. Ce qu'il faut retenir, c'est que ces images sont visionnables par tout le monde à tout moment; on n'est plus au temps du premier film du samedi soir et des revues où il fallait ruser, où il y avait cette attente avant de pouvoir voir des images explicites. Les modes de consommation ont changé et, comme on l'a vu, les performances également.
Je voudrais parler d'un témoignage que j'avais vu sur reddit (si je retrouve le lien, je le posterai), où un mec relativement jeune (la vingtaine, si je ne m'abuse) explique le rapport qu'il a à la sexualité et au porno, qu'il consommait depuis ses 12 ans. Le témoignage a été publié dans Nofap (le nom est trompeur mais nofap n'est pas fatalement anti masturbation; le truc, c'est de sortir du shéma automatique branlette=porno), une communauté d'inernautes sur reddit. Là, ce sont les propos d'un mec mais il y a aussi des filles sur Nofap, même si elles sont plutôt minoritaires. Il racontait en gros, comment le porno a en quelque sorte gâché sa vie sexuelle avec ses copines, parce qu'il n'arrivai plus à être excité par autre chose que par du porno. Je n'en fait pas une généralité, bien sûr, mais je pense qu'écarter ce genre de témoignage du débat ne serait pas productif. On trouvera une multitude d'études sur le rapports des individus vis-à-vis de la pornographie, avec des conclusions elle-mêmes multiples. Le fait est que nous sommes tous différents, nous avons tous des histoires différentes. Nofap compte plus de 30000 adhérents. On ne peut pas mettre à la poubelle les témoignages de 30000 personnes sur le net. C'est comme l'alcoolisme. On ne devient pas tous alcooliques parce qu'on boit un verre mais on prend quand même en compte ceux qui le sont. Ben là, c'est pareil. Pourquoi je fait un lien avec la sexualité des jeunes? Parce que de facto, ayant grandi avec internet, ils sont beaucoup plus concernés par ce phénomène.
Je parle d'éthique, pas de morale. Ce que je me demande, c'est: si la branlette est systématiquement associée au porno sur internet, quand est-ce qu'on peut prendre le temps de fantasmer sur des vrais gens? Sur un(e) prof, sur le voisin que tu croises tous les jours en rentrant chez toi? Sur Severus Snape (
)? Et si tu commences dès le plus jeune âge, quelles conséquences ça peut avoir sur la construction de tes fantasmes? Sur les relations avec tes futur(e)s partenaires? C'est une vraie question.