Article très sympa, merci.
Effectivement quand j'observe ma bibliothèque, je me rends compte qu'elle comporte plusieurs strates qui renvoient à différentes périodes de ma vie :
- la strate collège, minuscule, parce qu'à l'époque j'empruntais mes livres et ne les achetais pas (grand regret, j'ai oublié le nom de certaines sagas que j'avais adorées!)
- la strate lycée "j'affirme mon côté littéraire" : Flaubert et Maupassant y sont à l'honneur, avec tous les grands classiques de la littérature française
- la strate prépa, où Hannah Arendt côtoie Roland Barthes, Antonin Artaud, Proust, Francis Ponge, André Gide, Julien Gracq, Racine, Diderot, Rousseau, Bourdieu et j'en passe
- la strate Licence 3 de Lettres modernes, qui se trouve sur une étagère à portée de main de mon bureau : on y trouve des grammaires françaises, anglaises, mais aussi des livres d'ancien français, des livres critiques sur le romantisme, la totalité de mes "Profil d'une oeuvre", beaucoup de Nietzsche, de Rabelais, Hugo, Mme de Staël, Faulkner...
- la strate "dictionnaires en vrac", avec mes copains Gaffiot, Bailly et Robert + quelques volumes des collections Henri Mitterand et des anthologies de littérature anglaise + des grammaires de grec ancien et de latin
- la strate Master, avec des livres de linguistique textuelle et de psycholinguistique
- la strate "Fantasy" : on y trouve Eragon, l'intégrale d'Harry Potter, l'Assassin Royal, Les Aventuriers de la Mer, et plein d'autres livres de Fantasy et quelques autres de science fiction
Je tiens beaucoup à tous mes livres, et je suis très malheureuse de ne pas pouvoir les emporter avec moi dans mon projet d'expatriation. Je me sens rassurée parmi eux, ça me rappelle tout mon parcours de littéraire puis de rédactrice. En gros, ils font un peu (beaucoup) partie de moi et ont tous joué un rôle dans la construction de mon identité.
C'est une bibliothèque que j'ai construite de mes propres mains, en quelque sorte : mes parents n'en avaient pas. Si j'ai des enfants, j'aimerais beaucoup pouvoir leur transmettre tous mes livres. J'ai toujours pensé que sociologiquement et culturellement je leur donnerais un coup de pouce que j'aurais beaucoup aimé avoir !
Edit : en me relisant, j'ai pris conscience que j'aime beaucoup montrer ma bibliothèque comme pour dire "vous avez vu, la fille qui vient des classes moyennes et qui devait reproduire le même schéma scolaire et social que ses parents, ben elle a drôlement géré la fougère!"
En prépa j'ai effectivement beaucoup souffert de ne pas avoir hérité de bibliothèque de ma famille. Je me souviens encore d'une fille de ma classe qui s'était exclamée quand il y avait un livre "incontournable" que je n'avais pas : "quoi? mais tes parents n'ont pas ce livre dans leur bibliothèque ?" J'étais gênée de dire qu'ils n'en avaient pas, de bibliothèque... alors je me suis tue et j'ai pris sur moi. Du coup, ma bibliothèque est vraiment sacrée, elle représente tous mes efforts depuis le lycée pour me sortir des classes moyennes par les études ! (non pas que je rejette mes origines sociales, au contraire, maintenant j'en suis fière et j'en fais même un élément moteur dans ma vie).