J'ai longtemps hésité à venir poster ce commentaire, d'une part parce que je ne sais pas si ce que je peux te dire est pertinent par rapport à ta situation, et d'autre part parce que je suis personnellement touchée par ce sujet, ce qui ne fait pas de moi la commentatrice la plus partiale qu'il soit. Mais bon, je me lance quand même.
Mon papa est cambodgien, et je reconnais en lui tous les traits que tu as décrits chez ton père: renfermé, peu loquace, et qui peut rapidement se mettre dans une colère noire. On m'a dit que c'était les traits de caractères de la plupart des papas asiatiques : sérieux, stricts, exigeants. Mon père m'a très peu communiqué de signes d'amour ou d'affection. Là aussi, on m'avait dit que c'était typiquement asiatique, cette "pudeur" jusque dans la famille, aucun câlin, aucun encouragement, peu de remerciements. On m'a dit que c'était pour ne pas perdre la face, et que comme j'étais née ici, en France, je ne pourrais jamais comprendre.
Et puis un jour, j'ai grandi, et j'ai compris que dans d'autres familles asiatiques il y avait aussi des pères aimants et affectueux. J'ai également appris que beaucoup d'asiatiques encourageaient souvent leurs enfants sans avoir à lever aussi haut la voix sur eux. Que dans leurs familles il n'y avait ni menaces ni punitions. Au début, je croyais que tout ça venait de moi, comme on me le faisait très souvent comprendre : on me criait dessus parce que je faisais des bêtises, ou parce que j'étais trop intelligente et que ça ne se faisait pas de le montrer. Ou pour plein d'autres choses. Sauf qu'on ne crie pas sur un enfant. Et ça, c'est aussi plus tard que je l'ai appris.
Ce qu'on sait très peu également, c'est qu'aujourd'hui les enfants de la diaspora des pays comme le Cambodge et le Vietnam ont presque tous des parents qui ont vécu une guerre horrible. Mon père m'en a très peu parlé, mais s'il a fui son pays natal, c'est bien pour fuir le génocide des khmers rouges. Pendant ce temps là, le Vietnam se faisait bombarder, et une grosse partie de la population a fui dans des bateaux surchargés, les fameux boat people. Personne ne te le dira jamais comme je vais te le dire, à cause de cette fameuse "pudeur" toute asiatique, mais la guerre ça laisse des traces. Ca laisse même un stress, le stress post traumatique. Et même si on a l'impression que décidément non, aucun asiatique arrivé en France tellement reconnaissant d'avoir été accueilli vivant ici n'a subi de séquelles de cette guerre, mais en fait, si.
Le manque de sommeil, la violence morale, les cris, et puis tu n'as pas remarqué cette tendance poussée à rester chez soi, terré, à ne jamais vouloir sortir à moins que ce soit d'une extrême nécessité? Les voilà, les fameuses traces. La pudeur? Ne pas perdre la face? Quand on y pense, c'est un peu facile comme excuse pour ne jamais parler de rien, et toujours tout trouver tabou
Du coup je comprends que ce soit beaucoup plus facile pour ton père de se détacher complètement de toi et de ta mère, parce que c'est assez difficile de s'attacher à quelqu'un quand on a peur de tout et de tout le monde. Encore une fois je le comprends, mais je ne l'excuse pas : on ne fait pas du mal aux gens, pour aucune raison, jamais.
Pardon pour ce pavé indigeste
![:) :) :)](https://forum.mmzstatic.com/smilies/sourire.gif)
j'espère que mon expérience pourra en aider certaines!