Le dernier argument me gêne un peu...
Ce n'est pas tant une question d'être "naturel" que d'être roux. Dans le sens où il me semble plus facile de le devenir que d'être né roux. Et que certains roux "naturels" ont davantage soufferts que d'autres dans leur enfance, pour qu'aujourd'hui ils se sentent plus roux que les autres nouvellement arrivés, et donc d'une certaine manière, "volés" de leur identité. Ce n'est pas une simple couleur de cheveux, en somme. C'est une identité qui s'acquiert avec plus ou moins de difficultés selon les cas. Et donc oui pour certains, ceux qui se colorent roux n'ont rien compris. Ils n'ont pas subi les moqueries et les menaces. Ils sont devenus roux une fois adulte, quand ce n'est plus vraiment un problème. Et forcément les "faux roux ne peuvent pas comprendre ce qu'est un vrai roux".
Et la difficulté d'être roux, c'est que ce n'est pas une identité reconnue. C'est une minorité qui n'est que génétique. Il n'y a pas de culture, d'origine, de langue, de représentation légale. Je ne dis pas qu'il en faut une, hein. C'est juste que c'est un grand flou artistique dans lequel on est tous mis d'office dès la naissance, et que parfois ça parait très injuste.
Etant rousse "naturelle", j'ai grandi avec. Je me suis construit avec un certain regard porté sur moi. Mes cheveux (ainsi que ma peau blanche et mes taches de rousseur) c'est la première chose que les gens remarquent chez moi, en bien comme en mal. C'est la première chose qu'on utilise pour me complimenter ou m'insulter, en général.
On va me dire qu'on peut dire la même chose des blonds. Je suis assez d'accord. Sauf que le regard n'est pas le même. Les blonds sont plus facilement associés au blond angélique ou séduisant. Le roux colporte une image malveillante ou sulfureuse. La blonde est "idiote", je sais. Mais le roux est "sans âme". Chacun sa croix, hein. Mais j'ai envie de dire que la notre n'est pas franchement sympa.
Petite, j'ai reçu beaucoup de remarques et de regards me faisant comprendre que je n'étais pas normale, que je dénotais dans le paysage, que je ne correspondais pas aux critères de beauté, que je pouvais inspirer de la méfiance. Voire de la crainte. Dans la cour de récrée, les enfants peuvent vraiment croire aux "légendes" sur les roux, et éventuellement se faire la main sur vous.
Et puis il y a un jour un peu magique où on devient cool parce qu'on est rousse. En général c'est en approchant de l'âge adulte. Les regards changent. Certains vous envient votre couleur de cheveux. Et sinon il y a les fétichistes qui aimeraient bien vous inscrire à leur tableau de chasse, catégorie "espèce rare et exotique"... Mais oui, on m'a déjà dit sur un ton langoureux et sourire étincelant "tu sais, tu es ma première rousse..."
Alors bon aujourd'hui, je vis très bien d'être rousse. Mais j'ai mis du temps a comprendre ma différence et à l'apprécier. C'est devenu une partie de mon identité et j'en suis fière. Et il faut comprendre aussi qu'être roux n'a pas toujours été à la mode. Et que le roux de naissance doit faire avec. Je ne cherche pas à dramatiser, mais plutôt à faire comprendre ce que le "roux naturel" a pu endurer avant que les autres le copient au moment même où il peut enfin en retirer de la gloire.