Cette tribune signée par 150 intellectuels relance le débat sur la cancel culture

14 Septembre 2016
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J'ai l'impression que l'article mélange pas mal de trucs à la fois tout de même :hesite:
Entre le "call out" -- le fait de dénoncer publiquement son agresseur en fait, à la base ! Et le fait de "cancel" -- "annuler" une personnalité/une œuvre déjà. Entre des bonnes intentions (être contre la censure) et des gens qui disent "on ne peut plus rien dire"... et qui pourtant sont des personnalités influentes, pas du tout inquiétées, et qui peuvent se permettre de dire tout un tas d'horreurs.

Je suis pas particulièrement convaincue par la pratique qui consiste à "cancel" des gens/artistes/personnalités à cause de leurs propos ou comportements. Sur le débat autour de JK Rowling, les propos de Daniel Radcliffe me semblait assez justes : malgré ce qu'elle raconte, elle ne peut pas nous enlever l'œuvre qu'est Harry Potter et ce qu'elle signifie pour toute la génération qui a grandi avec. J'avais vu notamment quelqu'un.e sur twitter dire qu'iel allait du coup revendre tous ses bouquins HP et que ça lui brisait le cœur : quel est l'intérêt de faire ça à part se faire du mal ? En quoi ça va impacter Rowling ?

Maintenant, la liberté d'expression a bon dos, et à force de crier à la fin du débat démocratique on fini par tout mettre sur un pied d'égalité. Comme Noam Chomsky (tiens ! signataire de la tribune citée de 150 personnes, mais ce n'est qu'un exemple) disant que fascisme et antifascisme c'est la même chose. C'est non seulement d'une stupidité sans nom, mais en plus ça crée la confusion entre la défense de la "liberté d'expression contre la censure" et le fait de laisser s'exprimer des opinions de haine. Et ces gens là ne rigolent pas, ce n'est pas juste des mots qu'ils répandent, mais une véritable violence physique. Ça me fait penser à la vidéo très a propos d'Usul sur Mediapart sortie à ce sujet, où il commence en disant "nous on est un peu bêtes hein, mais on pense que les vrais fascistes, eh ben, c'est les fascistes !"
Eh oui parce qu'à force de crier à la censure, à la culture soi-disant "américaine" de la délation, on fini par laisser s'exprimer quotidiennement les pires ordures, parce que "il faut qu'il y ait un débat éclairé". Et c'est ainsi que le cirque du débat éclairé se poursuit de plateau tv en plateau tv, avec Zemmour en guest star.

/edit ortho-typo/
 
Dernière édition :
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Comme Noam Chomsky (tiens ! signataire de la tribune citée de 150 personnes, mais ce n'est qu'un exemple) disant que fascisme et antifascisme c'est la même chose. C'est non seulement d'une stupidité sans nom, mais en plus ça crée la confusion entre la défense de la "liberté d'expression contre la censure" et le fait de laisser s'exprimer des opinions de haine.

Ouh la la ! Si je puis me permettre, ce n'est pas du tout ce que Chomsky a dit, et il considère lui-même cette affirmation comme totalement absurde ! Ses propos exacts ont été que les mouvements contestataires violents servent souvent de justification à le violence étatique et il se montre donc critique de ces mouvements. Ici les propos complets de Chomsky, et une critique très intéressante et pertinente de ces propos par Mark Bray.
 
20 Juin 2014
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Un truc m'échappe, c'est cette idée revenue à plusieurs reprises dans les commentaires qu'il faut laisser s'exprimer ceux qui ne pensent pas "comme la masse" et qui vont "à contre-courant de la pensée commune", sous-entendu ce serait le cas des personnes cancelled.
Il s'agirait de sortir du cadre réseaux sociaux, qui sont eux-mêmes très loin d'être des safe space. On voit de toutes les opinions sur twitter, des milliers de gens ont appelé au boycott de JK Rowling, des milliers d'autres l'ont soutenue. Au final quand on regarde l'impact "dans la vraie vie", il n'y en a pas a priori. Les librairies n'ont pas arrêté de vendre ses livres, les films de sa saga sont toujours en vente et repassent au cinéma. JK Rowling n'aura pas d'autres conséquences pour ses prises de position que le rejet d'une partie de la communauté twitter. On ne peut pas non plus s'exprimer sur quelque sujet que ce soit en tenant à plusieurs reprises des propos problématiques et s'attendre à recevoir des bouquets de rose. Que des personnes l'apostrophent sur twitter, ça ne me paraît pas être un prix trop fort à payer.
Par ailleurs il ne s'agit pas de voix marginales. Il s'agit de l'expression d'une majorité. Notre société est raciste, transphobe, sexiste, les "on ne peut plus rien dire" ne font en général qu'exprimer ce qu'une écrasante part de la population pense avec une impression de transcender les codes que je trouve assez fascinante. On ne peut tellement plus rien dire que Zemmour a sa chronique, que JK Rowling a toujours twitter, que l'on nous explique au JT qu'être poursuivi pour viol et être ministre ça n'a rien d'incompatible et on peut continuer des heures comme ça. Le monde n'est pas le "woke twitter" et on en est même bien loin.

Je ne suis pas pro cancel culture, mais il faut aussi voir que ces tentatives de boycott ce sont les seules sanctions qui s'appliquent à certains puissants. Que ce soit pour avoir tenu des propos transphobes, pour avoir eu des conduites pédophiles, pour avoir été condamné pour viol (je ne dis pas que c'est à mettre au même niveau ce n'est pas le propos), les conséquences qu'on observe c'est : rien. On peut continuer à gagner des millions pour sa saga, gagner un oscar, devenir ministre malgré la "cancel culture". C'est un phénomène qui a très peu de portée, quoi qu'on puisse penser du procédé.
 
28 Avril 2015
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Je trouve que les plus gros problèmes avec la cancel culture sont :
- le non respect de la présomption d’innocence : on a pu voir des gens appeler à « canceler » des personnalités accusées d’agression sans attendre un quelconque procès. Et ce tribunal populaire franchement... c’est vraiment un pas en arrière.
- le « cancel » des gens qui ne prennent pas parti pour x ou y raison. C’est vraiment une façon de voir le monde ultra binaire : il y a le camp des mechants et le camp des gentils, il faut à tout prix prendre parti sinon tu es un méchant :lunette:
 
23 Décembre 2012
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Personnellement, je trouve que la nomination de Darmanin vient pas mal relativiser le potentiel nocif qu'on prête à la cancel culture. Ça "détruirait des vies", hum, disons que ça dépend de quelles vies on parle, n'est-ce-pas ?

J'ai l'impression qu'il faut bien s'entendre sur ce qu'on désigne par cancel culture : si c'est les appels au harcèlement en meute, les insultes, les propos grossiers, etc, oui, je suis d'accord, c'est pas acceptable (et pas très constructif, en plus de ça, on va rien obtenir avec ce genre de procédés). Par contre, pour reprendre l'exemple de Rowling, puisqu'il est très en vogue ces jours-ci, attirer l'attention sur des propos problématiques et refuser de s'associer à la personne qui en est à l'origine, c'est juste un droit en fait :dunno: C'est pas de la "délation", on appelle pas à lui faire du mal ou à la violenter, juste : "telle personne tient tels propos, à vous de décider si vous cautionnez".
A priori, il faut que la personnalité ait été "valable" pour être "annulée". En général, la personnalité "canceled" était surtout admirée pour ses positionnements, son oeuvre, il y a quelque chose d'un peu théorique dedans, ça concerne surtout des artistes, des militants, pas vraiment des politiciens ou des chefs d'entreprise qui ne peuvent par définition pas vraiment avoir une image pure.
Donc cette culture est bien applicable à Rowling qui était adulée de certaines personnes très engagés dans la justice sociale mais pas vraiment à Darmanin. Ceux qui appellent à une responsabilité de l'Etat aujourd'hui concernant Darmanin, je ne crois pas que c'est ceux qui le trouvaient génial avant. Et même si c'était le cas, les gens qui le trouvaient génial avant, ils le trouvaient génial pour quoi? Ses positions anti-Roms? Son homophobie? Ses politiques bien à droite? J'ai du mal à parler de "cancel culture" concernant l'enquête pour viol du coup, parce que ça voudrait dire qu'il y aurait eu des gens qui seraient en mode "Darmanin me déçoit tellement, j'adorais ses idées quand il refusait de célébrer les mariages homosexuels, mais aujourd'hui avec ces accusations de viol, je ne peux plus lui faire confiance". Hum... c'est possible hein que des gens raisonnent comme ça, mais j'imagine qu'ils sont peu nombreux :hesite:
On voit d'ailleurs peu de "cancel culture" pour les personnalités politiques car les "héros" ou les "idoles" sont rares en politique, et quand des gens ont été admirables, ils l'ont été pour une telle raison que c'est difficile d'effacer leurs faits d'armes comme ça. Par exemple, Simone Veil a tenu des propos homophobes à la fin de sa vie. Les gens étaient en mode "c'est triste venant d'elle" mais ils ne disaient pas "ah, cette femme ne valait en fait rien, nous allons désormais en parler comme de quelqu'un de mauvais!", non, ils continuaient à vénérer son travail pour la dépénalisation de l'avortement ou son passé de résistante. Ils disaient "Bon, elle a tenu des propos décevants mais on ne peut pas nier qu'elle a aussi contribué à améliorer la société française". Je pense qu'on arrive bien à faire la part des choses avec les personnalités politiques entre ce qu'elles ont accompli concrètement, et ce qu'il y avait de plus sombre chez elles. On peut cesser d'admirer une personnalité politique, être déçue, mais probablement pas l'"annuler".

Et autant je trouve ça plutôt légitime de faire de la "cancel culture" dans un cas comme Rowling où pour moi elle a été placée sur un piédestal énorme et bizarre par des gens qui lui prêtaient des idées super progressistes qu'elles n'avaient pas réellement et ces gens ont réalisé qu'elle étaient plus intolérante qu'ils l'imaginaient, autant le principe de la cancel culture me parait plutôt douteux dans d'autres circonstances. Il y a un côté impitoyable avec certaines personnalités qui ne sont pas forcément hyper au point sur les sujets sur lesquels on les épingle.
Par exemple, certaines stars comme Henry Cavill tiennent des propos sexistes un peu ridicules. Bon bah je trouve ça nul, mais je me doute aussi en lisant certains de ces propos qu'ils sont tenus par quelqu'un qui ne connait en fait pas tellement le sujet des différences genrées donc je vais pas l'applaudir mais je vais pas non plus boycotter ses films. Or, j'ai l'impression que parfois, le militantisme cherche une sorte de pureté militante. La personnalité doit être PARFAITE pour qu'on puisse l'aimer.
Je ne sais pas si ce site existe toujours mais à une époque, il y avait un truc qui circulait pas mal dans les milieux militants online, un Tumblr je crois qui s'appelait "Your fav is problematic" et en gros, ça recensait toutes les phrases déplacées ou intolérantes qu'avaient prononcées des personnalités plus ou moins connues. Bah le truc c'est que plus le blog était alimenté, plus y'avait de personnalités recensées car je pense qu'on a tous à un moment ou un autre prononcé des phrases nulles et déplacées. Si on nous "cancel" pour ça, je trouve ça assez problématique, surtout si on n'est pas quelqu'un qui a une influence majeure sur la gestion de la vie publique. Enfin, je n'ai jamais trop vu l'intérêt d'avoir un endroit comme ça pour voir si telle célébrité majeure par exemple LGBT friendly a fait un jour une blague pourrie sur les personnes homosexuelles. Bah oui c'est douteux, oui on s'attendait à mieux de cette personne, mais est-ce qu'on doit s'arrêter à une parole déplacée un jour? Si le sujet est hyper sensible pour toi, oui, je comprends que tu t'arrêtes là mais est-ce que tu vas systématiquement haranguer tes amis pour leur dire que cette personne pose problème car elle a fait telle blague et il faut donc cesser de l'admirer? J'en suis moins convaincue (et je ne parle pas ici de Rowling car je n'ai pas suivi ses propos mais de ce que j'ai compris, ce ne sont pas des paroles en l'air qu'elle a eu mais des propos récurrents qui se combinaient à des actions visiblement réfléchies, donc on parle bien d'un positionnement général problématique, pas d'une sorte d'écart isolé).

Cette question de la cancel culture est pour moi liée à la problématique de la "pureté militante" qui est très présente en ligne et je trouve aussi très contestable dans le sens où du coup, certaines personnes sont placées sur un piédestal, on part par défaut du principe qu'elles ont une parole toujours impeccables, on va boire leurs paroles et applaudir tout ce qu'elles font. On voit ça par exemple avec des personnes qui ont beaucoup de followers et sont très investies sur un sujet en ligne. Elles sont traitées comme des références absolues, les gens de leur cercle militant les contestent peu et ces personnes d'ailleurs vont parfois adopter une attitude agressive vis-à-vis de celles qui les contestent car le groupe pense que par défaut, ces personnes ont raison. Puis soudain, elles disent un truc de travers ou perçu comme tel par le groupe (car parfois, c'est simplement une incompréhension), et là, c'est le risque d'une chute brutale qui n'est pas toujours rattrapable. On présente alors la personne comme limite au même niveau que des militants du camp opposé.
Pour moi, c'est ça la "cancel culture" et c'est ça qui pose problème.

Et sinon, c'est pas vraiment la "cancel culture" mais l'article fait référence au "call out" à l'américaine où on dénonce publiquement une personne et on appelle à sa "punition" en place publique. Y'a un truc qui me pose énormément problème, qu'on voit surtout chez les Américains mais parfois aussi en France, c'est le fait de vouloir que la personne problématique se fasse virer de son job qui n'a rien à voir avec les faits dénoncés. Je peux comprendre qu'on demande la démission d'une personnalité politique, d'un journaliste, d'un policier ou de toute autre personne ayant un fort impact médiatique ou social si son attitudes/ses propos sont problématiques. Et encore, parfois ça me gêne un peu pour certaines professions.
Mais par exemple Roger le garagiste qui tient des propos hyper misogynes en public en dehors de son lieu de travail et les Internautes font pression sur son patron pour qu'il soit viré, bah je trouve ça GRAVE, et je pèse mes mots. En procédant ainsi, on met en péril le droit du travail. Roger ne devrait pas être viré sous les applaudissements du public pour quelque chose qui n'a rien à voir avec son travail, parce que si on accepte ça pour lui, la prochaine fois ce sera pour un truc beaucoup plus anodin survenu dans sa vie privée que quelqu'un se fera virer. Et en plus, je ne vois pas l'intérêt de punir quelqu'un dans tous les aspects de sa vie. Parce que surtout, le gars qui se retrouve au chômage et sans revenus, ben il y a de fortes chances qu'il demande des aides de l'Etat pour survivre et qui finalement ce soit nous qui nous retrouvions collectivement à mettre la main au porte-monnaie pour l'aider à ne pas finir à la rue! Donc totalement contre-productif en plus d'être dangereux pour le droit de tous les travailleurs!
gagner un oscar, devenir ministre malgré la "cancel culture".
Comme pour Darmanin, je ne pense pas qu'on puisse parler de "cancel culture" pour Polanski. Pour moi, la cancel culture ne s'applique pas à quelqu'un qui a été condamné pour viol et fui la justice en toute impunité. Là, je dirais qu'il s'agit plutôt de boycott. Ou sinon, on a déjà des mots existants pour différentes actions contre une personnalité qu'on veut voir tenue responsable de ses actions.
La "cancel culture" est un nouveau mot. A mon sens il s'applique donc à un comportement nouveau, pas au simple fait de s'indigner sur l'impunité d'un personnage connu ou de demander que ce personnage connu paye pour ses actions.
La cancel culture est très simple à mettre en place, il suffit de s'énerver sur quelqu'un en ligne. Le boycott, ça demande quand même une certaine énergie : il faut renoncer à des produits qui nous plaisent, aller manifester, débattre, etc. On ne fait généralement pas ça du jour au lendemain pour une personne qui a eu vite fait un mot de travers une fois en 2012, contrairement à la cancel culture qui est tellement souple qu'elle permet de s'indigner sur plein de monde simultanément et d'affecter leur réputation dans notre cercle. (Il suffit de dire "Pff non Henry Cavill je regarde pas ses films, c'est un mec ultra sexiste laisse tomber", pas besoin d'en faire plus pour le "cancel" dans notre groupe).
La cancel culture a certes une portée limitée mais elle peut justement avoir un impact très négative sur les personnalités les moins puissantes alors qu'elle n'affectera pas les plus puissantes, donc c'est quand même quelque chose qui me laisse très circonspecte!
 
20 Juin 2014
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@MorganeGirly peut-être que je n'ai pas la bonne définition de ce qu'est la cancel culture alors :hesite: à mon sens ça n'impliquait pas forcément un avant/après type "cette personne est progressiste et respectueuse" puis "elle tient des propos irrespectueux donc n'a plus sa place dans le milieu militant". Dans le sens où pour moi une personne peut être cancel alors que jusqu'ici on ne connaissait pas ses prises de position sur tel ou tel sujet ; mais peut-être qu'il y a aussi une tendance à considérer les célébrités comme informées et respectueuses de toutes causes par défaut alors que ce n'est pas le cas, d'où cette impression de "tomber de haut" quand elles font une sortie problématique.
Toujours selon l'idée que j'ai de la cancel culture, je ne trouve pas finalement que les cas de JK Rowling, Darmanin ou Polanski soient si éloignés parce que l'idée c'est de "se faire justice" là où on trouve la justice absente. Ce qui est absurde c'est qu'on se retrouve à mettre au même plan des personnes coupables ou accusées de crimes avec des personnes qui se montrent insultantes sur les réseaux, ou qui ont pu se montrer insultants même 7 ans auparavant. Mais la volonté est la même : que la personne disparaisse de l'espace public, qu'on ne lui accorde plus la parole, qu'elle ne puisse plus exercer son emploi... De même je ne fais pas trop de distinction entre boycott et cancel culture parce que là on parle par exemple de "cancel" pour JK Rowling, mais la volonté était de la voir perdre en abonnés et influence sur Twitter, de rappeler à chacun de ses actes qu'elle a tenu des propos transphobes, on a eu un article sur madz qui expliquait que des fans voulaient couvrir leurs tatouages Harry Potter pour n'être associé ni à elle ni à sa saga... Il s'agit bien de boycott, non ? En tout cas la ligne est fine et j'ai du mal à tracer la frontière.
 
1 Août 2013
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@ChansonMuette @MorganeGirly : vos commentaires mis l'un à la suite de l'autre me font vraiment me dire qu'un des soucis avec la "cancel culture", c'est que c'est en train de devenir un terme fourre-tout pour désigner des phénomènes très divers et variés qui n'ont pas du tout le même impact et les mêmes répercussions.

J'ai beaucoup de mal avec le fait de parler de cancel culture dans le cas de JK Rowling. Elle est une personnalité publique, elle a fait le choix de se servir de sa plateforme et sa notoriété pour exprimer des opinions politiques, dont certaines sont controversées. Il y a maintenance des gens qui ne partagent pas ses idées qui font le choix de s'exprimer en retour, c'est leur droit le plus pur. Et on a aussi des gens qui appellent au boycott de ses livres, parce que les opinions qu'elles a partagées viennent éroder très concrètement leurs droits. Je trouve cette réaction légitime également. Donc je ne vois pas bien en quoi JK Rowling a été "cancel", pour moi, "c'est le jeu, ma bonne Lucette":lunette:, et en attendant, sa tribune et son Twitter sont toujours bien là et elle peut continuer de s'exprimer librement et face à une grande audience. Se prononcer contre les droits d'une minorité et s'attendre à ne pas recevoir de critique derrière, c'est un peu vouloir le beurre et l'argent du beurre.

Concernant d'autres cas, je me dis qu'il y a une conversation plus large à avoir sur : où choisit-on de mettre son énergie en tant que militant, et à quel moment est-ce qu'on commence à être contre-productif ? Par exemple, en s'en prenant à des gens qui ont commis des erreurs par le passé, ou ne sont pas très "woke", mais ne servent pas de leur plateforme pour activement chercher à nous nuire ? Ou pire, en s'en prenant à des gens qui, s'ils ne sont pas parfait, ont par ailleurs fait beaucoup pour notre cause ?
 
14 Septembre 2016
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@MissMachine
Alors, autant je reconnais que j'ai utilisé un raccourci à propos de ce que raconte Chomsky, autant quand il dit “a major gift to the Right, including the militant Right, who are exuberant" il dit texto que antifa = permettent à l'extrême droite de se renforcer.
Par ailleurs, que Chomsky se positionne comme ça, quand on connait le contexte (après Charlottesville + les propos de Trump disant qu'il "y a de la violence de tous côtés") c'est très très craignos. Se positionner contre les antifas, et dire que toute violence se vaut alors que c'est un suprémaciste blanc qui vient d'assassiner quelqu'un à la voiture-bélier, c'est un peu fort de café tout de même.

Je mets ici 2 articles : l'un de The Independent (journal britannique) qui parle un peu du contexte

L'autre, militant, qui prend position plus largement sur le sujet, de Left voice (marxiste).
Il est intéressant parce qu'il dit qu'on peut ne pas être 100% d'accord avec la stratégie et la tactique des antifas, mais que les mettre au même plan que les fascistes c'est ça le véritable cadeau à la droite. Être critique d'un mouvement, ce n'est pas la même chose que de le jeter dans le même sac que ceux qui sont vraiment dangereux, y compris pour la sacro sainte liberté d'expression
 
1 Août 2013
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@MissMachine
L'autre, militant, qui prend position plus largement sur le sujet, de Left voice (marxiste).
Il est intéressant parce qu'il dit qu'on peut ne pas être 100% d'accord avec la stratégie et la tactique des antifas, mais que les mettre au même plan que les fascistes c'est ça le véritable cadeau à la droite. Être critique d'un mouvement, ce n'est pas la même chose que de le jeter dans le même sac que ceux qui sont vraiment dangereux, y compris pour la sacro sainte liberté d'expression

Mais je ne comprends pas en quoi Chomsky met les deux mouvements dans le même sac ? Il critique les éléments violents des antifas, en affirmant qu'ils apportent sur un plateau d'argent des justifications pour l’État et l'extrême-droite d'avoir eux-même recours à la répression. Donc il se montre bien critique du mouvement, mais nulle part il ne dit que les deux violences se valent, ou alors j'ai raté un truc ?

Par ailleurs, je précise que je trouve cette position très discutable aussi, et c'est pour ça que j'avais linké l'article de The Independant, parce que je trouvais le contre-point de Mark Bray important.
 
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Réactions : L-unita et Trémazane
26 Mars 2017
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@Patate dorée (désolée je n'avais pas vu l'avatar)

(Je te mentionne car tu soulèves un point intéressant et qui est lié à ce débat).

En effet, la liberté d'expression est encadrée par plusieurs lois, pour des raisons évidentes de protection des personnes (diffamation, injure, respect de la vie privée, droit à l'image etc.). En revanche, il faut toujours rester vigilant quant à la volonté du législateur d'encadrer cette liberté, sinon on arrive vite à des dérives :

- La récente loi "Avia" retoquée (heureusement) par le Conseil constitutionnel : elle est problématique car il n'y a pas de définition juridique de "haine", cela reste un sentiment subjectif et surtout c'est aux modérateurs des plateformes décider justement si le propos incriminé est "haineux". Or, il faut toujours replacer le propos dans son contexte, l'intention de l'auteur etc.. sinon on peut imaginer qu'une formule volontairement provocante et choquante (par exemple, un humour à la Charlie Hebdo, que je trouve personnellement douteux, mais qui a ses adeptes) soit censurée alors qu'il n'y a pas nécessairement atteinte à telle personne/groupe. C'est un travail complexe, c'est pour cela que c'est aux juges de déterminer quels propos tombent sous le coup de la loi.

Après il s'agit d'une transposition d'une loi allemande, qui dans les faits est inapplicable, car justement cela demande trop de travail aux plateformes et il n'est pas toujours évident justement de déterminer si un propos est haineux ou non.

- La loi "fake news" de 2018, ancêtre d'Avia : inutile déjà car la loi de 1881 sur la liberté de la presse interdit de diffuser des propos sciemment erronés, diffamatoires, injurieux ou provocants. Et le Code pénal encadre le déroulement d'une campagne électorale par différents articles. Ensuite les plateformes sont une nouvelle fois tenues pour responsables au lieu du juge et cela amène ces plateformes à se précipiter dans la suppression de contenu pour éviter les sanctions.

- Plus ancienne la loi Gayssot, qui entrave la recherche en histoire et qui laisse au juge et non à l'historien la possibilité de déterminer la vérité historique et surtout de la "fixer" dans la loi. Pour ces raisons, elle a été très contestée par de nombreux historiens et personnalités, dont Simone Veil, Pierre Vidal-Naquet ou Robert Badinter, dont on peut douter qu'ils soient négationnistes. Il y avait déjà une loi contre l'incitation à la haine raciale (loi Pleven), elle n'était donc pas utile et est au contraire plus nuisible qu'autre chose.

Il faut lutter contre les propos injurieux et diffamatoires, protéger du harcèlement, je ne dirai jamais le contraire, mais une réponse juridique doit toujours être proportionnelle à la problématique. Or là, on a des lois qui permettent à des entreprises privées de délibérer sur des questions juridiques complexes ou qui au contraire donnent des prérogatives aux juges dans un domaine (l'Histoire) où ils n'ont pas de légitimité.
 
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Réactions : Piperade et Trémazane
25 Décembre 2016
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Grenoble
Je vais essayer d'apporter mon humble point de vue ; si c'est pas très clair ou bien formulé pardon d'avance je corrigerai si besoin.
J'ai vu et lu des critiques différentes faites à la cancel culture, et les arguments pour ; de ce que j'en comprends (et bon parfois ça dépend aussi de la définition de la cancel culture qu'en ont les gens qui en parlaient), c'est quelque chose qui a un intérêt quand ça concerne des personnes très connues, qui ont un très large public et beaucoup d'influence, et que ça permet d'interpeller le public et potentiellement d'éviter des victimes.

Mais j'ai l'impression que ça fait aussi beaucoup de mal quand ça concerne des personnes qui ont relativement moins d'influence, comme les créateurs sur Internet, qui militent pour les droits d'une minorité et qui se font cancel par leur propre communauté. Pour le coup, je trouve ça dommage de "cancel" dans ces cas là ; si ce sont des personnes qui ont moins de pouvoir, est-ce que c'est vraiment utile ? Parce que contrairement à des J.K Rowling qui ont des millions pour se payer de bons avocats et se protéger, ça peut avoir un impact très grave sur ces personnes là ; et peut-être que je suis naïve sur ce point là, mais je me dis qu'il serait plus productif d'essayer de convaincre, plutôt que de faire en sorte que la personne en question perde son job, potentiellement son logement, et ainsi de suite...
Typiquement je prends pour exemple ce que je connais, je sais que Natalie Wynn a été "cancel" a plusieurs reprises, que ça a eu des répercussions sur sa vie personnelle, alors qu'elle fait un gros travail pour les droits des personnes trans, pour déconstruire le discours de l'alt-right, entre autres, et qu'elle s'est excusée plusieurs fois et a aussi évoluée dans sa façon de pensée.
Ce que je dis ne s'applique évidemment pas dans les cas où on parle d'actes punissables par la loi, quand il s'agit de viols où d'aggressions sexuelles, où de propos incitant à la haine. Mais si la personne a tweeté un truc qui n'était pas intentionnellement blessant, mais qui est considéré comme problématique... Peut-être que la discussion est plus utile, et que ça ne vaut pas le coup de détruire sa vie ?
 

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