Commentaires sur « Autrice » : histoire d’un mot hautement politique

Aesma

Poutou Partout, Le Pen Nulle Part
23 Janvier 2014
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Owii tapons sur l'Académie Française, cette institution rétrograde, classiste, sexiste et incompétente. :dowant:

C'est notamment elle qui a institué la règle du "masculin qui l'emporte sur le féminin" à une époque ou l'accord de proximité était le + souvent usité, y compris par des auteurs reconnus genre Racine «Surtout j'ai cru devoir aux larmes, aux prières, Consacrer ces trois jours et ces trois nuits entières.», Athalie, 1691, Acte I scène 2. Pourquoi ? Parce que « Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle » selon Nicolas Beauzée (phrase qu'il a sorti en 1767) Du coup réhabilitons l'accord de proximité qui est tellement + joli à l'oreille, que les enfants utilisent naturellement et que vous utilisez probablement à l'oral sans même vous en rendre compte.

Pour "Autrice" ce qui est drôle c'est que ce mot apparait dans plusieurs dictionnaires :
AUTRICE, subst. fém. [GDC : autrice2 ; FEW XXV, 825b : auctrix]
"Femme qui compose un ouvrage (ici, la Mémoire qui aide le rédacteur)"
Dictionnaire du Moyen Français, 1330 à 1500
AUTRICE. s. f. Mot que l’usage n’admet pas, pour signifier celle qui a composé un ouvrage d’esprit. J’avois déjà lu plus d’une fois, Mademoiselle, la lettre sur les bons mots, insérée dans le Mercure du mois d’Avril dernier, lorsque Madame la Marquise de la S. ** me dit que vous en êtes l’autrice. Mercur. Juin 1726. Il falloit dire l’auteur, suivant le bon usage & la décision de l’Académie Françoise.
Dictionnaire du Trévoux, 6e édition, 1771
AUTRICE s. f. Ce mot se trouve dans une pièce du Mercûre, du mois de juin 1726. C'est un barbarisme. Dict. Néol. Voy, AUTEUR.
Dictionnaire critique de la langue française, 1787-1788 (page 231 sur Gallica)
On constate bien qu'il y a eu une volonté de supprimer ce mot, et cette mauvaise foi au point de foutre un mot dans le dictionnaire pour dire de ne pas l'utiliser, tsk.

Et sur la féminisation des noms de métiers en général on a encore de belles pépites de la part de nos élites abhorrées :
"Il faut dire, cette femme est poète, est philosophe, est médecin, est auteur, est peintre ; et non poétesse, philosophesse, médecine, autrice, peintresse, etc. On doit en cela déferrer à l’usage qui donne la terminaison féminine à certains mots pour le genre féminin, et qui ne la donne pas à d’autres. Ainsi on dit bien qu’une femme a été conseillère d’une telle action, mais non pas jugesse d’un tel procès ; qu’elle a été mon avocate, mais non pas qu’elle a été mon oratrice. On dit bien la galère capitainesse, mais on n’appelle pas une femme capitainesse, quoi qu’elle soit femme d’un capitaine ou qu’elle conduise des troupes". Reflexions sur l'usage présent de la langue françoise ou Remarques nouvelles et critiques touchant la politesse du langage, 1689 par Nicolas Andry de Boisregard (ici)
"La raison ne veut pas plus que la langue française, qu’une femme soit auteur : ce titre, sous toutes ses acceptions, est le propre de l’homme seul". Phrase issue d'une PUTAIN de pépite sexiste aka un projet de loi porté par Sylvain Maréchal en 1801 visant à interdire l'apprentissage de la lecture aux femmes. Le texte est si loooooong et problématique.
Ainsi, quoiqu’il y ait un grand nombre de femmes qui professent, qui gravent, qui composent, qui traduisent, etc., on ne dit pas : professeuse, graveuse, compositrice, traductrice, etc., mais bien professeur, graveur, compositeur, traducteur, etc., par la raison que ces mots n’ont été inventés que pour les hommes qui exercent ces professions. Grammaire nationale, 1834 par Louis-Nicolas Bescherelle (ici)

Bref, la féminisation des métiers c'est un gros combat, on est pas sorti des ronces. Pour auteure j'avais vu passé son attestation au Québec qui avait noté l'absence de féminin pour 'auteur' et avait choisi cette forme il y a plusieurs décennies avant que le mot 'autrice' ne refasse surface (dans les faits je crois que ça doit faire une dizaine d'années seulement qu'il est en cours de réhabilitation, moi aussi il me perturbait les premiers temps, maintenant c'est auteureuh qui m'insupporte)

Sur les terminaisons en "eur" il me semble que la règle de féminisation dépend de l'origine du mot, genre ça vient du latin ce sera plutôt en ice, il y a les terminaisons en euse ou en oresse également. :hesite:

Sachant que le français n'a jamais été une langue ou une orthographe uniformisée (malgré la volonté de l'Académie), plusieurs orthographes, plusieurs graphies existent et cohabitent pour des même mots. Ajoutons également que l'Académie en déterminant quel mot était valide ou non a sciemment privilégié des orthographes + complexes et qui n'ont parfois aucun sens car issues d'erreurs de copie (genre les pluriels en 'x' qui ne devraient simplement pas exister) dans le but assumer d'éloigner la plèbe du savoir. Et c'est comme ça qu'on se retrouve avec l'orthographe la + fucked up du monde avec des milliards d'exceptions à la con.

D'ailleurs si ça vous intéresse y a plein de supers épisodes sur la linguistique et l'orthographe dans le podcast Parler comme jamais, je vous recommande ++ cet épisode qui me semble d'utilité publique.


EDIT : Je rajoute cette petite pépite académicienne qui montre que même au XXIe siècle ça leur parait fou d'utiliser le mot "écrivaine" que tout le monde a pourtant bien intégré :
'Il convient tout d’abord de rappeler que les seuls féminins français en -eure (prieure, supérieure...) sont ceux qui proviennent de comparatifs latins en -or. Aussi faut-il éviter absolument des néologismes tels que professeure, ingénieure, auteure, docteure, proviseure, procureure, rapporteure, réviseure, etc. Certaines formes, parfois rencontrées, sont d’autant plus absurdes que les féminins réguliers correspondants sont parfaitement attestés. Ainsi chercheure à la place de chercheuse, instituteure à la place d’institutrice. On se gardera de même d’user de néologismes comme agente, cheffe, maîtresse de conférences, écrivaine, autrice... L’oreille autant que l’intelligence grammaticale devraient prévenir contre de telles aberrations lexicales.' Ça date du 21 mars 2002 mais je suis trop triste, l'article a été supprimé et reste introuvable sauf par brides alors que le reste du texte était de qualité égale. EDITEDIT : J'ai retrouvé ! On a aussi "l'Académie française déplore les dommages que l'ignorance de cette doctrine inflige à la langue française et l'illusion selon laquelle une grammaire « féminisée » renforcerait la place réelle des femmes dans la société."
Petit rappel également que selon leur dictionnaire la féminisation de certains noms de métiers ça désigne "la femme de" ou que cette institution n'a reconnu qu'en 2019 qu'on pouvait dire "Madame La Ministre" alors que 'ministresse' c'est tellement + stylé :drama:
 
Dernière édition :
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@Aesma tapons ensemble sur cette institution abhorée !

Autre règle complètement fucked up (je ne suis pas grammairienne donc, je n'ai pas la bonne terminologie) : le non-accord du pronom "le, la, les" avant un verbe d'état.

"Moi, académicien, je suis misogyne et vieux / un dinosaure." "Es-tu misogyne et vieux ? / es-tu un dinosaure ?" > "Oui, je le suis."
"Moi, citoyenne, je suis forte et engagée." "Es-tu forte et engagée ? > Oui, je le la suis."

L'article "le" fait référence à un nom ou un adjectif qui s'accorde en genre et en nombre. La "logique" voudrait qu'on l'accorde aussi, qui plus est quand il précéde un verbe d'état.

Eliane Viennot cite quelques autres points de grammaire de ce genre dans son livre : c'est passionnant (un peu ardu à la lecture, cela dit).

Un truc qui m'avait chiffonné aussi : certains adjectifs s'accordent en nombre, mais pas en genre. Exemple : "standard", qui est mot issu de l'anglais, lui-même issu du français. Que je sache, les anglais n'accordent ni en genre ni en nombre leur adjectif. Donc les justifications à base de "c'est pas du français me semblent d'une mauvaise foi folle.

"Voici du matériel médical homologué, dont ces seringues standards standardes."

Le diable est dans les détails et il faut déshabituer ce cerveau et ces oreilles qui se trouvent "heurtées" quand quelque chose ne sonne pas comme "le bon usage".
 
12 Février 2017
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@Aesma merci pour toutes ces citations! J'avais entendu parler de toutes ces absurdités de formalisation de la langue française au détriment des femmes, mais je n'avais pas les sources. Je les note précieusement :ordi:
 
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